Le 25 novembre symbolise la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, et nous avons tendance à l’oublier. Si certains et certaines affichent leur soutien à cette cause, d’autres ont tendance à oublier l’histoire qui se cache derrière. Cette nuit-là en 1960, trois soeurs ont été assassinées, en République Dominicaine.

Mettons un peu de lumière sur ce moment sombre de notre histoire. Une nuit, sur une route sinueuse de République Dominicaine, trois femmes se font massacrer sauvagement à la machette, puis replacer dans leur voiture, avant que celle-ci soit poussée dans le vide. Cette scène d’horreur qui témoigne d’une violence barbare n’est pas l’oeuvre d’un serial-killer psychopathe mais bien d’un dictateur sanguinaire.

Car si leur mort apparaît comme un complot, ce n’est pas pour rien. A l’époque, la dictature qui sévissait était gouvernée par Rafael Trujillo. Mirava, Patria et Maria Teresa Mirabal se faisaient appeler les « Mariposas » (« papillon » en espagnol), résistantes à l’emprise propagandiste de leur dictateur, qui imposait à sa population, entre autres, d’afficher sur leur maison une plaque à son effigie. « Trujillo est Dieu » , « Trujillo est le Maître ». Tout le monde était soumis à l’absolutisme du régime.

L’aînée Minerva, qui étudiait le droit à l’université, fréquentait un groupe d’amis communistes. L’effroi et la révolte dont elle témoignait à l’égard du régime tyrannique de Trujillo fit qu’un jour, son père fut emprisonné et torturé, après qu’elle ait repoussé le dictateur alors qu’il tentait sans cesse de l’approcher.

Les années passent mais le régime de Trujillo ne s’affaisse pas, et les «Mariposas » sont sous le feu des projecteurs, elles qui n’ont jamais connu la démocratie. En 1957, quand Minerva devient la première femme titulaire d’un doctorat à l’université de droit, Trujillo lui remet son diplôme, en lui assurant qu’elle ne pourra jamais exercer.

Les trois soeurs, mariées à des hommes tout aussi indignés et révoltés par les injustices de cette tyrannie, vivent dans la tourmente. Arrestations fréquentes, coups d’État ratés conduisant à la torture font partie de leur quotidien. Jusqu’au soir où, quand elles vont rendre visite à leurs maris emprisonnés, une voiture se met en travers de leur route dans les montagnes, et mort s’en suive.

La mort des Mariposas sonne la révolte chez le peuple dominicain, qui verra son dictateur assassiné le 30 mai 1961. La quatrième soeur, Belgica, en est la seule survivante, et porte la mémoire de leur histoire et de celle de tout un peuple, qui mettra encore quelques années avant de sortir de la guerre civile. Leur mort a tellement marqué les esprits qu’en 1999, l’ONU fait du 25 novembre la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. En République Dominicaine, la région dont elles étaient originaires leur fait honneur en se rebaptisant « Hermanas Mirabal », tandis que le billet de 200 pesos est à leur effigie.

Si vous souhaitez en savoir plus et revivre cette époque, cette histoire lugubre et poignante a inspiré de nombreux auteurs. « Au temps des papillons » , un roman écrit par Julia Alvarez, « In the time of butterflies » un téléfilm dans lequel la somptueuse Salma Hayek joue le rôle de Minerva, ou encore « Les trois soeurs et le dictateur » , écrit par la Française Elise Fontanaille, en sont des oeuvres sublimes. En 2016, la dessinatrice Pénélope Bagieu a aussi raconté ce parcours dans son recueil de portraits de femmes, « Les culottées ». À lire et à relire.

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