
Les graves épisodes de sécheresse qui frappent le nord de l’Irak ont récemment permis une découverte archéologique exceptionnelle. Le niveau d’eau du barrage de Mossoul a baissé au point de dévoiler les vestiges d’une ville oubliée datant de l’époque hellénistique, ainsi qu’un vaste cimetière contenant au moins 40 tombes anciennes.
Une découverte inattendue sous les eaux du barrage
Selon le média kurde Rudaw, une équipe archéologique de la province de Duhok a tiré parti de cette baisse d’eau pour explorer un site remarquable. Les fouilles ont révélé non seulement des dizaines de tombes en céramique, mais aussi les ruines d’une ancienne ville, éclairant d’un jour nouveau l’histoire de la région nord de la Mésopotamie.
Cette découverte a eu lieu dans le district de Semel, près du village submergé de Khanke. Bekas Brifkani, directeur des antiquités et du patrimoine de Duhok, a expliqué que ces tombes remontent à l’époque hellénistique (323-31 avant J.-C.), une période marquée par l’influence grecque après les conquêtes d’Alexandre le Grand. « Nous avons découvert une ville majeure et un cimetière. C’est une première dans la région, avec près de 40 tombes en céramique datées de plusieurs millénaires. Des poteries et d’autres artefacts ont également été exhumés », a déclaré Brifkani.
Les ruines ont émergé il y a seulement une dizaine de jours, alors que la baisse du niveau d’eau laissait apparaître des structures disparues depuis des décennies. Une équipe de 14 archéologues kurdes s’est rapidement mobilisée pour documenter et préserver ce patrimoine fragile.
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— Jay Anderson (@TheProjectUnity) August 30, 2025
Entre histoire et gestion de l’eau
Le barrage de Mossoul, construit dans les années 1980 sur le Tigre, a englouti plus de 80 villages, écoles et sites historiques. Bien qu’il soit essentiel pour l’agriculture, la production d’électricité et le stockage de l’eau, les inondations ont effacé de nombreuses communautés et trésors culturels.
Depuis sa construction, le niveau d’eau du barrage n’a baissé de manière significative qu’à trois reprises : en 2017, en 2023, et cette année. La sécheresse sévère, combinée à la diminution des flux d’eau provenant des pays voisins, a contribué à cette baisse exceptionnelle.
Chaque fois que les eaux se retirent, des fragments d’histoire refont surface. En 2023, par exemple, un village yézidi submergé depuis près de 40 ans avait émergé, dévoilant également une tombe datant de 1961 et les ruines d’une école. Ces découvertes illustrent l’impact complexe de la gestion de l’eau sur le patrimoine culturel.
Un peuple résilient face à l’histoire
Les Yézidis, aussi appelés Ezidis, sont une minorité ethno-religieuse originaire de la région de Ninive, au nord de l’Irak, et de la grande région du Kurdistan. Leur foi monothéiste mêle des éléments du zoroastrisme, du christianisme et de l’islam, avec une vénération particulière pour Melek Taus, l’ange paon qui symbolise la lumière divine. Malgré des siècles de persécutions, ce peuple a préservé ses traditions et ses lieux sacrés, souvent situés près du mont Sinjar et dans les environs du barrage de Mossoul.
Depuis la construction du barrage en 1986, les archéologues s’efforcent de documenter et de préserver les sites menacés par les eaux. « Après la mise en service du barrage, de nombreux sites historiques ont été engloutis », explique Bekas Brifkani. « Depuis 2018, nous surveillons les niveaux d’eau pour repérer d’éventuelles découvertes. Ce travail s’inscrit dans cette continuité. »
Les tombes récemment mises au jour offrent des informations précieuses sur la période hellénistique, une époque où les cultures locales de Mésopotamie interagissaient avec les colons et dirigeants grecs. Ces découvertes pourraient aider les historiens à mieux comprendre les échanges commerciaux, culturels et politiques dans le nord de l’Irak il y a plusieurs millénaires.
Le barrage de Mossoul reste une infrastructure essentielle pour l’Irak, produisant environ 580 mégawatts d’électricité et fournissant de l’eau à des millions de personnes. Toutefois, les découvertes archéologiques récentes soulèvent des questions sur la manière de concilier développement, préservation culturelle et durabilité environnementale. Par ailleurs, découvrez 13 mystérieux artefacts révélés par les sécheresses.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Arkeonews
Étiquettes: irak, sécheresse
Catégories: Actualités, Histoire