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La schizophrénie serait-elle causée par des facteurs environnementaux ? En effet, de récentes recherches réalisées par des scientifiques japonais ont montré qu’un biomarqueur de cette maladie serait présent dans les cheveux des personnes souffrantes.

Un difficile diagnostic

La schizophrénie est un trouble sévère et chronique mental qui est complexe à diagnostiquer. En effet, il est difficile pour les médecins et chercheurs d’identifier un marqueur fiable qui en expliquerait les causes. Les patients souffrant de cette maladie sont touchés pas une division de la personnalité et perdent tout contact avec la réalité. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) explique sur son site que les symptômes sont multiples : « un sentiment de persécution (paranoïa), une mégalomanie, des idées délirantes bizarres, invraisemblables et excentriques, mais également des hallucinations sensorielles. Ces dernières sont le plus souvent auditives, avec une ou plusieurs voix discutant des pensées du patient. Elles peuvent aussi être visuelles, olfactives, tactiles ou gustatives. »

Lorsqu’un marqueur fiable et objectif est trouvé, il est bien plus aisé de diagnostiquer un malade atteint de schizophrénie. Il s’agit d’une maladie liée à une réponse anormale au choc. Ce phénomène est appelé IPP, autrement dit inhibition de la pré-impulsion. Chez les personnes atteintes, son taux est faible, ce qui signifie que celles-ci ont une réaction d’étonnement qui n’est pas aussi atténuée qu’elle devrait l’être. Il s’agit d’un test qui est un bon marqueur comportemental. Même s’il reste difficile de diagnostiquer la schizophrénie, de récentes recherches ont permis une grande avancée concernant les facteurs de cette maladie.

Un biomarqueur de la maladie présent dans les cheveux des malades ?

En effet, récemment, des scientifiques japonais du Centre Riken pour les neurosciences ont réalisé des recherches sur des souris et des cerveaux humains post-mortem. Ils ont publié leurs travaux dans le journal EMBO Molecular Medecine. Ceux-ci leur ont permis de montrer que la schizophrénie est liée à un taux anormalement élevé de sulfure d’hydrogène dans le cerveau, et donc dans les cheveux. Résultat d’une modification génétique de l’ADN lors du développement et qui se poursuit tout au long de la vie des patients concernés.

La schizophrénie serait liée à une certaine quantité de sulfure d’hydrogène

Lors de précédentes études, certains facteurs permettant de diagnostiquer la maladie avaient été trouvés. Par exemple, des recherches ont montré que les patients étaient touchés par des réflexes de sursauts acoustiques anormaux. L’amoindrissement du phénomène d’inhibition chez les personnes atteintes de schizophrénie rend ces sursauts bien plus importants que la normale. Cela a donc poussé les chercheurs japonais à mener à bien leurs études.

Pour cela, ils ont étudié des souris avec un taux très faible et très fort d’IPP. Ils ont pu remarquer que l’enzyme Mpst était beaucoup plus importante chez les souris avec une IPP très basse. Toutefois, il s’agit d’une enzyme qui permet de produire du sulfure d’hydrogène dans le corps. Ils ont donc mesuré le niveau de sulfure d’hydrogène et constaté que celui-ci était bien plus élevé chez les souris présentant un faible taux d’IPP. « Personne n’avait pensé à un lien entre le sulfure d’hydrogène et la schizophrénie. Une fois que nous avions découvert cela, il fallait s’assurer que les résultats obtenus chez les souris s’appliqueraient aussi aux humains », explique le docteur Takeo Toshikawa ayant participé à cette étude.

Par la suite, les chercheurs ont analysé les cheveux de plus de 150 patients. Ils ont découvert que le taux de Mpst était bien plus fort chez ceux qui souffraient de schizophrénie. L’expression de ce gène était également plus élevée dans les cerveaux post-mortem de personnes schizophrènes que dans celles non touchées par la maladie. Le taux de Mpst dans les cheveux pourrait donc être un biomarqueur de la schizophrénie, même si les recherches demandent encore des approfondissements.

Une maladie qui se développe à cause de facteurs extérieurs ?

« Le développement de la schizophrénie est lié à la génétique et à l’environnement. Les tests réalisés sur les souris et sur les cerveaux post-mortem ont montré qu’un taux élevé de Mpst était associé à un changement d’expression génétique dans l’ADN. La prochaine étape consistait donc à trouver quel facteur environnemental pourrait faire augmenter la production de Mpst », précisent les scientifiques. Un élément extérieur serait donc responsable de la modification de l’ADN et à l’origine de l’augmentation du taux de sulfure d’hydrogène dans le cerveau. Il entraînerait alors le développement de la schizophrénie. La prochaine étape de recherches sera de trouver les facteurs environnementaux responsables de l’augmentation de la production de Mpst.

Par ailleurs, le sulfure d’hydrogène permet de lutter contre le stress inflammatoire qui se développe au début du développement de la maladie. Il pourrait donc être une des causes premières du trouble. « Nous avons constaté que les marqueurs anti-oxydants – y compris le sulfure d’hydrogène – qui compensent le stress oxydatif et l’inflammation neuronale au cours du développement cérébral sont corrélés aux taux de Mpst dans le cerveau des personnes atteintes de schizophrénie », poursuit Takeo Toshikawa.

Aujourd’hui, il existe des traitements pour la schizophrénie qui prennent en compte le système de dopamine et de sérotonine qui se trouve dans le cerveau. Peu efficaces et aux nombreux effets secondaires, de nouveaux médicaments n’ont pas été développés par les sociétés pharmaceutiques. « Un nouveau paradigme est nécessaire pour le développement de nouveaux médicaments. Actuellement, environ 30 % des patients atteints de schizophrénie sont résistants au traitement. (…) Nous testons actuellement si l’inhibition de la synthèse de sulfure d’hydrogène peut atténuer les symptômes chez les souris testées », explique le chercheur. Il évoque également la possibilité de développer des molécules qui permettraient de réduire la production de sulfure d’hydrogène. Une lueur d’espoir pour trouver un traitement efficace afin de soigner les 0,7 % de personnes atteintes dans le monde, dont 600 000 en France.

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