Depuis qu’ils ont envahi notre quotidien, les médias sociaux sont accusés de tous les maux. Dépression, solitude, surcharge d’informations, trouble du sommeil, manque de concentration, crise d’angoisse… certains vont jusqu’à affirmer que donner un smartphone à son enfant équivaut à lui donner une drogue. Les médias sociaux sont associés à tellement d’effets négatifs que des chercheurs ont décidé de se pencher sur la question… Leurs conclusions ? Non, les médias sociaux ne sont pas aussi nocifs qu’on le pense. Détails !
Quand la réalité rattrape le fantasme
« Panique », c’est le terme avec lequel on pourrait expliquer pourquoi certaines personnes s’entêtent à dévaluer les médias sociaux. Jeff Hancock, psychologue qui dirige le Social Media Lab de l’université de Stanford, a constaté que les effets de l’utilisation des médias sociaux sont si contradictoires que nous nous en méfions. D’un côté nous avons ceux qui affirment que l’utilisation des médias sociaux rend les gens plus anxieux et d’un autre côté, il y a ceux qui chantent leurs éloges.
Jeff Hancock a alors décidé de tirer les choses au clair en effectuant la méta-analyse des effets des médias sociaux et le bien-être psychologique. Les données qu’il a récoltées concernent plus de 275 000 personnes et 226 articles. Les résultats ? Les médias sociaux présenteraient en réalité des avantages significatifs pour le bien-être mental des adolescents.
Plusieurs autres chercheurs s’intéressent également de près à ce paradoxe. Amy Orben, psychologue à l’université d’Oxford, s’alarme particulièrement sur tous les articles qui pointent du doigt les effets des médias sociaux sur le bien-être psychologique : les croyances veulent que les médias de masse détruisent des générations, alors que certains comparent la technologie avec de la cocaïne.
Pour essayer de comprendre cela, Amy Orben a décidé de refaire des analyses : « J’ai compris que des ajustements à l’analyse des données avaient entraîné des changements majeurs dans les résultats de l’étude, les effets étaient en fait minuscules », a-t-elle expliqué. Avec l’aide d’un collègue d’Oxford, elle a entrepris une analyse de données à grande échelle. Elle a conclu que la relation entre le bien-être et l’utilisation des médias sociaux n’était pas pire que de manger des frites pour les adolescents.
La méfiance face aux nouvelles technologies remonte à loin
« Avant de détester les smartphones, nous détestions les villes », expliquent les sociologues Keith Hampton de la Michigan State University et Barry Wellman du NetLab Network, qui font tous les deux des recherches sur les effets de l’innovation technologique.
Leur étude fait remarquer qu’à chaque innovation technologique, la méfiance et les préjugés sont toujours de mise. Par exemple, quand les premiers téléviseurs sont apparus, nombreux étaient ceux qui affirmaient qu’ils allaient rendre stupides beaucoup de personnes. De plus, la radio, les jeux vidéo et même les bandes dessinées ont tous provoqué une consternation.
Malgré tout, cette mentalité n’a pas empêché l’apparition des téléphones portables, d’Internet ainsi que de toutes les technologies novatrices. Aujourd’hui, avec l’avènement des smartphones, l’utilisation des médias sociaux est devenue préoccupante surtout pour les parents d’adolescents.
Inquiets du temps que leurs enfants passent en ligne et ne sachant pas exactement ce qu’ils y font, les parents ne peuvent s’empêcher de penser du mal des médias sociaux. C’est ce qu’explique Candice Odgers, psychologue à l’université de Californie dont les recherches sont focalisées sur la comparaison des symptômes de santé mentale et l’immersion technologique quotidienne. Après des semaines d’étude, Candice Odgers a conclu que le temps d’utilisation des médias sociaux n’est pas le véritable problème : « Il est ironique qu’en fin de compte, le véritable danger ne soit pas les smartphones, mais le niveau de désinformation qui est destiné au public et aux parents. »
Le bien-être et les médias sociaux ne sont pas contradictoires
Les médias sociaux sont récents, tout comme la science qui étudie leurs effets. C’est pourquoi les approches sont encore très limitées : les résultats obtenus jusqu’ici restent encore peu fiables, car ils sont principalement basés sur des auto-déclarations.
Jeff Hancock définit le sujet comme « une rue à double sens ». L’utilisation des médias sociaux peut nous apporter du positif mais aussi du négatif. Le temps qu’on y passe n’accentue pas les risques de dépression ou d’anxiété. Au contraire, plus on passe de temps sur les réseaux sociaux, plus on développe nos capacités relationnelles. De plus, après des recherches par des variables, il a expliqué que « lorsque vous avez un bien-être plus élevé, vous utilisez moins les médias sociaux, ce qui suggère que le bien-être est le moteur des médias sociaux dans une certaine mesure ». En général, les effets sur le bien-être dépendent entièrement de l’utilisateur lui-même, de son âge et de son état de santé.
Quant aux recherches d’Amy Orben, elle et ses collaborateurs ont utilisé une technique d’analyse dite « analyse de courbe de spécification », un outil qui examine toutes les corrélations possibles entre l’utilisation des écrans et le bien-être psychologique. Grâce à cette méthode, elle a constaté que l’utilisation des écrans n’affectait le bien-être chez les adolescents qu’à hauteur de 0,4 %. Il s’agit d’un résultat infime par rapport aux 2,7 % de variation négative pour le bien-être associé au tabagisme et les 4,3 % associés à l’intimidation.
La science des médias sociaux, une science nouvelle
La science des médias sociaux n’est qu’à ses débuts. Les premières recherches qui concernent la relation entre les médias sociaux et le bien-être psychologique ne remontent qu’à 2006 avec Jeff Hancock.
C’est grâce aux différentes recherches et nouvelles découvertes que des normes plus adéquates ont commencé à être établies pour éviter toute affirmation gratuite ou déclaration absurde. Sur ses gardes, Tracy Dennis-Tiwary, neuropsychologue clinicienne du Hunter College, a déclaré : « Malgré nos préoccupations, nous devons nous ressaisir et agir comme des scientifiques. Nous devons avoir des preuves suffisantes. »
Encore aujourd’hui, les recherches continuent donc pour essayer de lever le voile sur la corrélation qui existe entre les médias sociaux et le bien-être psychologique des utilisateurs.