Parfois, nous avons l’impression de tout savoir d’une oeuvre d’art, mais nous sommes en réalité loin du compte. En effet, certaines oeuvres n’ont jamais fini de nous éblouir, de nous impressionner et de nous faire découvrir de nouveaux secrets, année après année. C’est le cas du tableau La Ronde de nuit de Rembrandt, au coeur duquel des chercheurs ont récemment découvert une esquisse auparavant cachée, grâce à l’utilisation de nouvelles technologies de numérisation. Rappelons que La Ronde de nuit est pour de nombreux critiques l’incarnation même de la peinture néerlandaise.
La Ronde de nuit, une oeuvre monumentale
La Ronde de nuit de Rembrandt van Rijn, peint en 1642, est l’un des plus grands et des plus célèbres tableaux du peintre néerlandais. Mais il n’a pas fini de délivrer ses secrets ! En effet, c’est bien cette semaine que des chercheurs ont découvert les traces d’une esquisse préparatoire sous la peinture, a déclaré le Rijksmuseum.
Cette découverte a été faite dans le cadre de l’opération « Night Watch », le titre anglais du tableau. Ce projet, mené pendant deux ans et demi par le Rijksmuseum d’Amsterdam, avait pour objectif de restaurer cette toile aux dimensions presque jamais vues : La Ronde de nuit mesure en effet 3,63 m x 4,37 m, rapporte Daniel Boffey pour le Guardian. Sur ce tableau, composé à la peinture à l’huile, on peut notamment observer un groupe de miliciens d’Amsterdam, mais également une jeune femme mystérieuse et d’autres personnages. Le travail sur l’ombre et la lumière y est tout simplement remarquable, spectaculaire, et fascine les historiens de l’art depuis des centaines d’années. Pas étonnant, donc, d’apprendre que la création de ce tableau a pris trois longues années.
Comment Rembrandt est-il parvenu à réaliser une œuvre si magistrale ? Jusqu’à maintenant, cette question cristallisait les interrogations des chercheurs qui ne pouvaient que dresser des hypothèses, puisqu’ils ne disposaient pas de preuves. Jusqu’alors, ils supposaient que le peintre s’était appuyé sur des esquisses à même la toile, certes, mais ils n’en avaient aucune preuve, déclare le directeur du musée dans un communiqué. Cela a changé maintenant, ajoute-t-il : « Maintenant, nous avons la preuve, ce qui nous permet de comprendre pour la première fois comment le tableau a été réalisé. Nous avons découvert la genèse de La Ronde de nuit. »
Le processus de création de Rembrandt mis au jour
Le développement de nouvelles technologies est précisément ce qui a permis aux chercheurs de faire cette découverte. En effet, ces derniers ont utilisé l’imagerie Macro-XRF (une technologie qui fonctionne grâce aux rayons X), pour rechercher des traces de calcium sur la toile de La Ronde de nuit. Les contours de ces scans, en noir et blanc, dévoilent les endroits où Rembrandt a peint des croquis préparatoires. Pourquoi chercher des traces de calcium ? Tout simplement parce que le peintre avait à l’époque utilisé une peinture de couleur beige, et dont la teneur en craie était fort importante. Or, le calcium est un des composants de la craie.
Ces nouvelles technologies, en dévoilant l’esquisse originale, nous donnent par conséquent une vision plus complète du processus de création mis en place par le peintre il y a plus de 300 ans. Elle rend parfaitement compte de la progression de Rembrandt, de ses idées… À titre d’exemple, nous pouvons noter que le peintre prévoyait au début d’inclure plusieurs lances pointues au-dessus de la tête des miliciens. Il avait aussi dessiné une épée supplémentaire entre le capitaine et le lieutenant et il prévoyait d’ajouter des plumes sur le casque de l’un des gardes, mais il ne l’a finalement pas fait.
De l’importance des nouvelles technologies dans l’art
Dans le domaine de l’art, les nouvelles technologies sont donc indubitablement un progrès. La numérisation de certaines oeuvres, et notamment de La Ronde de nuit, monumentale, est une grande avancée. Pieter Roelofs, conservateur en chef du Rijksmuseum, estime que ces nouvelles numérisations donnent « l’impression que nous pouvons jeter un coup d’œil par-dessus l’épaule de Rembrandt pendant qu’il travaillait sur La Ronde de nuit« . Il ajoute qu’il est « fascinant de voir comment il a cherché la bonne composition ».
Mais elles permettent également aux chercheurs de se rendre compte des problèmes de conservation majeurs d’une œuvre, afin qu’ils puissent les rectifier et restaurer au mieux chacune d’entre elles. La numérisation de La Ronde de nuit a par exemple permis de réaliser que la toile avait développé plusieurs grandes ondulations sur son côté supérieur gauche, qui datent « probablement de l’époque où elle était hébergée dans une galerie temporaire pendant les rénovations de 2003 à 2013 », déclare Mike Corder, journaliste pour l’Associated Press. Comment résoudre ce problème ? Il est prévu qu’en janvier, les conservateurs du musée retirent la toile de son cadre en bois (qui date, lui, d’il y a 50 ans environ) et la place sur un nouveau châssis, ce qui permettrait d’aplanir les ondulations de la toile. « Ce travail durera trois mois », estime Martin Bailey, qui travaille pour Art Newspaper.
C’est avec désespoir qu’ils se sont également rendu compte que la toile était en mauvais état et que des éléments présents sur le tableau en 1642 avaient disparu au fil des siècles, notamment un chien qui se trouvait au bas de la composition. Certains endroits du tableaux sont tellement abîmés que l’on peut voir les fils de toile : ils évoquent l’endroit où se trouve le visage du mousquetaire présent à la gauche du capitaine. D’autres parties sont maculées de points noirs et, sur d’autres encore, on peut remarquer que la peinture s’est décolorée : les vêtements noirs et la ceinture rouge du capitaine ne sont plus aussi vifs qu’avant. Un gros problème quand on se rappelle que c’est ce même capitaine (Frans Banning Cocq) qui avait commandé le tableau à Rembrandt. Il souhaitait avoir un portrait de lui-même et des gardes afin de l’accrocher dans la salle de banquet de leur compagnie. L’importance de ce personnage et son rôle de commanditeur sont d’ailleurs mis en avant par sa position au centre du tableau.
Lorsque Rembrandt a peint La Ronde de nuit, le tableau était plus grand qu’il ne l’est aujourd’hui ; en effet, la toile avait dû à l’époque être rognée pour passer la porte de l’hôtel de ville d’Amsterdam, près de 70 ans après sa création, en 1715. Près de 20 cm avaient été enlevés sur le haut de la toile, 12 environ en bas, et un peu plus de 7 cm et 5 cm sur les côtés. L’intelligence artificielle, nouvelle technologie s’il en est, a permis de recréer ce à quoi les bords de la toile ressemblaient avant.
Si vous souhaitez observer La Ronde de nuit dans ses moindres détails, sachez que le Rijksmuseum a depuis l’année dernière rendu accessible un scan de 44,8 gigapixels du tableau. Ainsi, vous pourrez découvrir La Ronde de nuit sous toutes ses coutures !
Par Jeanne Gosselin, le
Source: Smithsonian Mag
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