Le dernier rapport des Nations unies sur le développement arabe révèle une nouvelle situation de crise en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Aujourd’hui, 11 états arabes sont en conflit contre 5 en 2002. Une dégradation massive de la stabilité de ces états est à prévoir puisqu’en 2020, 3 personnes sur 4 pourraient vivre dans un pays exposé au conflit d’après le rapport. La population arabe qui constitue à peine 5 % de la population mondiale, représentait 45% du terrorisme, 58% des réfugiés et 68% des morts liées à la guerre en 2014.
Les printemps arabes, s’ils ont permis de renverser des régimes autoritaires, ont laissé de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient dévastés et sans repères. Le développement de l’état islamique et de la crise syrienne ainsi que l’augmentation des flux migratoires de réfugiés sont les symboles d’un monde divisé et meurtri où le chaos a repris ses droits sur la vie. Les Nations Unies craignent que cet effondrement des pays arabes génère de nouveaux soulèvements au sein des Etats. Retour sur les facteurs à l’origine de cette situation alarmante.
Bien que peu enclins à aller voter, les jeunes sont les principaux acteurs des révolutions. Ceci s’explique dans un premier temps par la grande précarité de la jeunesse dans les pays arabes. Bien qu’en constante augmentation, les jeunes sont particulièrement frappés par la pauvreté. Le taux de chômage des jeunes s’élève aujourd’hui à 30 % soit plus de deux fois la moyenne mondiale. Si les crises économiques favorisent les crises de régime, un grand nombre de facteurs politiques sont également à l’origine du besoin de réforme étatique qui motive ces révoltes.
Les Etats sont pour la plupart gouvernés par des élites héréditaires et autoritaires qui font naître des sentiments de discrimination et de marginalisation chez les jeunes. Les gouvernements, au lieu de mener des politiques économiques et sociales détournent les fonds pour acheter des armes entretenant de ce fait les situations conflictuelles. En cas de conflit les populations vivent dans des zones restreintes à l’intérieur de leur pays. La plupart des citoyens ont besoin d’un permis de sortie pour quitter le pays et il est très difficile pour les jeunes d’obtenir un visa pour voyager malgré les efforts de la ligue Arabe en ce sens. La limitation des déplacements empêche les jeunes de fuir légalement les régions en guerre.
Toute démocratie implique des élections libres, une participation citoyenne et le respect de l’état de droit. Ayant conscience que leurs gouvernements mettent à mal les principes démocratiques et que leur vote sera régulièrement frappé d’inefficacité, les jeunes préfèrent employer la force pour faire changer les choses. Le rapport indique que les mouvements protestataires sont cycliques et se forment environ tous les 5 ans. Face à l’impossibilité de réformer les régimes en profondeur, les révolutions furent à chaque fois plus violentes sur la période 2001/2011. Les Etats ayant tendance à répondre aux menaces de sécurité en resserrant leur emprise sont souvent contreproductifs et entretiennent un climat de tension.
Par ailleurs il faut préciser que face aux échecs et à l’instabilité étatique, les jeunes se replient sur leur spiritualité et érigent la religion comme remède au désenchantement politique. L’exacerbation du sentiment religieux conduit souvent à la radicalisation et à la violence. Ces crises jouent un rôle fondamental dans la constitution des vagues migratoires qui partent d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. La plupart des jeunes les plus instruits cherchent à fuir leurs pays quitte à mettre leur vie en danger en traversant la mer dans des conditions précaires.
Le rapport laisse cependant de l’espoir; la nouvelle génération est la plus instruite et la plus cosmopolite de toutes celles qu’ont connu l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient dans son histoire; grâce aux médias, les jeunes sont toujours en phase avec le monde. Les Etats doivent maintenant faire le nécessaire pour transformer en profondeur leurs régimes politiques et aboutir à une stabilité démocratique.
Tous les sociologues constructivistes s’accordent pour reconnaître l’importance du rôle de l’état et des institutions dans la construction de la réalité sociale. Les individus sont en grande partie socialisés auprès des institutions étatiques et leurs comportements se forgent en conséquence. Les limites posées à la démocratie, la confusion des pouvoirs civils et religieux sont autant de facteurs susceptibles de générer de la violence. Si les Etats arabes sont responsables du climat de tension qui les habite, il ne faut cependant pas oublier le rôle de l’Occident dont les mesures de politiques étrangères entretiennent bien souvent les conflits par procuration.
Par Antoine - Daily Geek Show, le
Source: The Economist
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