— J.A. Dunbar / Shutterstock.com

Depuis l’assassinat de George Floyd le lundi 25 mai dernier, les États-Unis s’embrasent. La colère des États-Uniens contre le racisme des institutions de leur pays se diffuse et de nombreuses émeutes ont lieu dans tous les États. Cela déplaît fortement aux suprémacistes blancs et aux racistes qui avancent par conséquent l’idée que les Blancs seraient beaucoup plus souvent assassinés par des Noirs que les Noirs par les Blancs, idée soutenue par un détournement des statistiques officielles.

Les Blancs assassinés le sont majoritairement par d’autres Blancs

Loin d’être l’apanage de l’extrême-droite états-unienne, cette idée est également répandue en France, et est notamment diffusée par des journalistes tels que Eric Zemmour. Une semaine après le meurtre de George Floyd, le 1er juin, ce dernier déclarait sur CNews que les Blancs étaient les véritables victimes de la violence, et développait l’idée que « Les Noirs sont tués d’abord par des Noirs, à 97 %. Puis, on peut voir que (…) les Blancs ont deux fois plus de chances d’être tués que des Noirs : il y a à peu près 8 000 morts blancs par an et 4 000 Noirs et, sur ces 8 000 Blancs, 80 % sont tués par des Noirs, alors que les Noirs, eux, sont essentiellement tués par des Noirs. » Les chiffres avancés par Trump puis Zemmour sont éminemment faux, puisque les vraies statistiques prouvent que les Blancs assassinés le sont majoritairement par d’autres Blancs. Le pourcentage de violences intraraciales par des personnes blanches est aussi élevé que pour les violences intraraciales par des personnes noires, alors même que ces derniers ne constituent que 13,4 % de la population états-unienne, contrairement aux Blancs qui en constituent 76,5 %.

Ce faisant, le chroniqueur utilise des statistiques déjà détournées par Donald Trump en 2015. En effet, selon les véritables statistiques réalisées par le FBI sur les meurtres accomplis en 2014, seulement 14,8 % des assassins de Blancs sont noirs, contrairement aux 80 % avancés par Trump et Zemmour. Si cela prouve donc quelque chose, c’est bien que ces deux hommes se complaisent dans le monde des fake news, en détournant ainsi des statistiques officielles. En 2018, les chiffres ont un peu augmenté et sont passés de 14,8 à 15,5, mais nous sommes toujours loin des 80 %.

Malheureusement, la proportion de meurtres de Noirs sur d’autres Noirs reste haute avec un chiffre de 88,9 %, mais toujours différent des 97 % annoncés par Zemmour. Cécile Coquet-Mokoko s’est confiée au monde et estime que ce chiffre est dû aux nombreuses personnes assassinées par des gangs, qui « ont une place importante dans les ghettos pauvres, là où le trafic de drogue est vu comme le seul moyen d’arrondir ses fins de mois ».

Un graphique problématique circule sur les réseaux sociaux

Les soutiens d’Eric Zemmour, parmi lesquels de nombreux militants du Rassemblement national, ont de leur côté diffusé un graphique servant à appuyer ses propos. Celui-ci est intitulé « Interracial Violent Crime Incidents 2018 » (que l’on peut traduire par « Les crimes violents interraciaux en 2018 ») et témoigne du décalage entre le nombre de Blancs victimes d’agression par des Noirs (547 948) ou par des Hispaniques (365 299) et le nombre de Noirs violentés par des Blancs (59 778). Ce graphique s’appuie sur des chiffres malheureusement officiels, issus d’un rapport effectué par le bureau des statistiques judiciaires du ministère américain de la Défense et publié en 2019. Rachel E. Morgan et Barbara A. Oudekerk, les deux statisticiennes en charge de ce rapport, ont analysé les plaintes déposées en 2018 en rapport avec de la violence, et ont inclus les plaintes pour coups et blessures, effractions ou violences sexuelles.

Mais la conception même de ce graphique est problématique sur plusieurs points. En premier lieu car il évalue des données chiffrées à partir de statistiques établies en pourcentage. Les chiffres peuvent donc ne pas être très exacts. Par ailleurs, nous pouvons penser qu’effectuer des statistiques de ce type est peu adapté puisque la population états-unienne n’est pas constituée du même nombre de Blancs que de Noirs, d’Hispaniques ou d’Asiatiques. C’est la raison pour laquelle les comparer de cette façon n’est pas pertinent, estime Laurent Mucchielli, directeur de recherche en sociologie au CNRS s’étant exprimé au Monde, et qui explique au moyen d’une analogie bien pensée le caractère déplacé de ce graphique : « Si vous prenez un groupe de 100 personnes qui ont les cheveux blancs et que 10 d’entre elles ont des poux, ça fait 10 %. Et si vous prenez un groupe de 1 000 personnes qui ont les cheveux noirs et que 100 d’entre elles ont des poux, ça fait toujours 10 %. Il y a donc autant de poux dans les cheveux noirs que les cheveux blancs. Mais si vous dites qu’il n’y a que 10 cheveux blancs qui ont des poux alors qu’il y en a 100 chez les cheveux noirs, ça n’a pas de sens puisque vous comparez deux populations dont le nombre est totalement différent. C’est une escroquerie intellectuelle utilisée parce que vous voulez démontrer qu’il y a plus de poux dans les cheveux noirs que dans les cheveux blancs. »

Au moyen de cette analogie, Laurent Mucchielli cherche à montrer que ce n’est pas parce que les Blancs semblent les plus victimes d’actes violents qu’ils le sont réellement. En effet, si le nombre de violences qu’ils subissent est plus élevé, c’est parce que les Blancs représentent la majorité du pays. Si on observe les pourcentages concernant les dépôts de plainte, on note qu’ils représentent presque parfaitement le poids démographique des Blancs et des Noirs aux États-Unis, puisque 66 % des plaintes sont déposées par des Blancs et 11% par des Noirs.

Un racisme profond, ancré au coeur de ces affirmations

Nous rappelons également que de tels chiffres doivent être considérés avec du recul dans la mesure où de nombreuses institutions états-uniennes, telles que le FBI, ont tendance à désavantager les populations pauvres, statistiquement parlant. Nous prenons pour exemple la « Stand-your-ground Law » appliquée dans certains États et qui autorise des personnes accusées d’homicide à requalifier leur crime en légitime défense.

De surcroît, beaucoup d’inculpés issus des minorités sont incités à plaider coupables par leur avocat commis d’office, malgré leur innocence et parce qu’on leur fait comprendre que leur jury ne les croira jamais. Beaucoup sont donc accusés et mis en prison alors qu’ils n’ont rien fait. Les deux statisticiennes autrices de l’étude déclarent en outre que seulement 43 % des actes de violence font l’objet d’un dépôt de plainte. Nous pouvons supposer qu’étant donné le racisme de nombreux policiers aux États-Unis, beaucoup de Noirs évitent de se rendre au commissariat.

Par ailleurs, aux États-Unis, les Noirs ont environ sept fois plus de risques d’être assassinés que les Blancs. Par conséquent, énoncer ces faux chiffres simplement pour soutenir l’idée que les Blancs sont également victimes de violence, c’est nier l’ampleur du racisme d’État et des violences policières qui émaillent les États-Unis, en plus de nier le fait que les Noirs ont deux fois plus de risques d’être tués par la police que les Blancs, selon une étude du Washington Post. C’est nier l’importance des revendications du mouvement Black Lives Matter.

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11 Commentaires
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victor Hallidee
victor Hallidee
3 années

Quelle propagande cet article !

de simple bon sens !
de simple bon sens !
3 années

Article incompréhensible, ridicule et parfaitement de type « fake new » ! Aux USA … il n’y a PAS 76,5% de « Blancs » comme l’écrit le (lamentable !) auteur de cet article….puisqu’il y a les « Hispaniques »…. la bêtise journalistique…crédibilité nulle ….la thèse défendue par les gauchistes et militants journalistes (quasi pléonasme !) est… Lire la suite »