Un concept fascinant émerge dans le domaine de l’informatique et de la neuroscience : la théorie du « bord du chaos ». En explorant cette idée, des chercheurs ont démontré qu’il pourrait être possible de concevoir des puces informatiques ultra-rapides imitant le cerveau humain. Ces puces se distingueraient par leur capacité à transmettre des signaux presque sans perte d’énergie, un comportement qui rappelle celui des supraconducteurs.
Le bord du chaos
La théorie du bord du chaos repose sur un principe selon lequel un système peut être optimisé lorsqu’il oscille entre l’ordre et le désordre. Ce point d’équilibre permet une transmission rapide et efficace de l’information. Inspirés par ce phénomène, des scientifiques ont réussi à recréer cet état dans un dispositif électronique.
En exploitant un matériau spécifique, les chercheurs ont découvert qu’ils pouvaient amplifier un signal électrique transmis sur un fil sans utiliser d’amplificateur séparé. Ce phénomène permet de compenser les pertes dues à la résistance électrique, un problème commun dans les technologies actuelles. Les résultats de cette étude, publiés dans la revue Nature en septembre, ouvrent la voie à des innovations prometteuses dans la conception des puces informatiques.
Bien que cela semble risqué, car une puce fonctionnant au bord du chaos pourrait se « déroger » à tout moment, certains chercheurs estiment que le cerveau humain fonctionne selon un principe similaire.
L’inspiration du cerveau humain pour une puce autonome
Le cerveau humain, grâce à ses neurones, est capable de transmettre des signaux électriques avec une efficacité remarquable. Chaque neurone envoie des impulsions électriques via un axone qui fonctionne comme un câble. Ces signaux permettent au cerveau de réguler les fonctions corporelles et de percevoir l’environnement. La longueur des axones varie de 1 millimètre à plus de 1 mètre.
Les axones réussissent à transmettre les informations sans avoir besoin d’amplificateur. Mais si un signal électrique est transmis sur un câble de la même taille, il subit une perte de signal due à la résistance du fil. Les concepteurs de puces informatiques surmontent ce problème en ajoutant des amplificateurs entre les fils pour augmenter le signal.
Dans le cerveau, ce n’est pas le cas. Les axones se régénèrent d’eux-mêmes, permettant au signal de se transmettre sans perte significative. Certains chercheurs affirment que cette auto-amplification résulte du fait que les axones fonctionnent au bord du chaos, amplifiant les petites fluctuations sans laisser les signaux devenir chaotiques. Cette propriété est essentielle pour l’élaboration de nouvelles puces informatiques qui pourraient potentiellement se passer d’amplificateurs externes.
Imitation des systèmes biologiques
Dans cette étude, les scientifiques ont reproduit ce comportement d’auto-amplification dans un système non biologique. Ils ont créé des conditions de bord du chaos sur un matériau appelé cobaltite de lanthane (LaCoO3). Lorsqu’un courant spécifique est appliqué à ce matériau, des petites fluctuations de tension se produisent et sont amplifiées. Ensuite, l’équipe a testé ces conditions sur un fil en contact avec le LaCoO3. En appliquant un signal de tension oscillant, ils ont observé une amplification des fluctuations de tension à l’autre extrémité du fil.
Cette amplification nécessite de l’énergie supplémentaire, qui provient du même courant appliqué. Ce phénomène est particulièrement remarquable, car dans la plupart des systèmes électroniques, une grande partie de cette énergie est habituellement perdue sous forme de chaleur. Ici, elle est exploitée pour améliorer la performance du système.
Le fonctionnement du bord du chaos présente des similitudes frappantes avec celui des supraconducteurs, qui permettent une transmission de l’électricité sans résistance. Les chercheurs pensent que si cette technologie est développée, elle pourrait permettre de concevoir des puces fonctionnant de manière semblable aux supraconducteurs à température et pression normales. Cette approche pourrait éliminer la nécessité de milliers de répéteurs et de tampons, ce qui réduirait considérablement les effets de la résistance. Par ailleurs, les puces informatiques de demain tireront leur puissance de véritables neurones humains.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Live Science
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