Une nouvelle étape dans la course à l’informatique quantique vient d’être franchie par Google. D’après une étude récente, la puce d’ordinateur quantique Sycamore, développée par Google, serait désormais capable de surpasser les superordinateurs les plus rapides au monde dans des opérations spécifiques. Grâce à une série d’expériences et de tests, les chercheurs de Google Quantum AI ont pu démontrer que cette technologie entre dans une nouvelle phase de développement, ouvrant la voie à des avancées en matière de calculs complexes.
La phase de bruit faible et la suprématie quantique
Les expériences menées sur la puce Sycamore, qui comporte 67 qubits, ont révélé une « phase de bruit faible » dans laquelle les calculs effectués par l’ordinateur quantique surpassent ceux des superordinateurs classiques. Dans cette phase, le niveau de bruit, c’est-à-dire d’erreurs dans les calculs, est suffisamment réduit pour permettre des opérations complexes que les supercalculateurs ne peuvent pas gérer aussi rapidement.
L’informatique quantique repose sur des unités de traitement quantique, ou QPU (Quantum Processing Unit), qui utilisent les qubits pour effectuer des calculs de manière parallèle, contrairement aux bits classiques qui travaillent de manière séquentielle. En théorie, plus il y a de qubits dans une QPU, plus la puissance de calcul augmente de manière exponentielle. Cela signifie que des calculs nécessitant des milliers d’années pour un ordinateur classique pourraient être réalisés en quelques secondes par un ordinateur quantique.
Cependant, l’un des défis majeurs de l’informatique quantique reste le taux d’erreur élevé. Les qubits sont extrêmement sensibles aux interférences, comme les variations de température ou les radiations. Ce bruit important rend nécessaire l’utilisation de techniques avancées de correction d’erreurs, qui deviennent de plus en plus compliquées à mesure que le nombre de qubits augmente. Malgré ces obstacles, les chercheurs de Google Quantum AI, dirigés par Alexis Morvan, ont réussi à maintenir une phase de calcul où le bruit est suffisamment faible pour permettre des performances inédites.
Une avancée cruciale pour l’informatique quantique
La découverte de cette phase stable de calcul complexe constitue une avancée majeure dans le domaine de l’informatique quantique. Jusqu’à présent, atteindre la « suprématie quantique » – c’est-à-dire le point où un ordinateur quantique dépasse définitivement les performances des ordinateurs classiques – semblait hors de portée en raison du bruit excessif généré par les qubits. Pourtant, les résultats obtenus avec la puce Sycamore montrent que cette barrière peut être surmontée, du moins dans des calculs spécifiques.
L’expérience menée par Google a été publiée dans la revue Nature, et ses conclusions sont claires : dans certaines conditions, la puce Sycamore peut réaliser des calculs que même les superordinateurs les plus puissants ne peuvent égaler. L’une des méthodes utilisées pour parvenir à cette conclusion est appelée « échantillonnage de circuits aléatoires » (RCS). Les scientifiques ont délibérément ralenti la propagation des corrélations quantiques ou augmenté le bruit dans les expériences.
Ce test, qui consiste à mesurer la fidélité des résultats produits par une grille 2D de qubits supraconducteurs, est considéré comme l’une des références les plus difficiles à réaliser en informatique quantique. Grâce à cette méthode, les chercheurs ont pu prouver que, dans la phase de bruit faible, Sycamore était capable d’effectuer des calculs hors de portée des superordinateurs classiques.
Les limites actuelles et les défis à venir
Bien que cette avancée représente une étape importante, elle n’élimine pas tous les défis liés à l’informatique quantique. La technologie reste encore bruyante et nécessite des efforts considérables en matière de correction d’erreurs. Les qubits sont tellement sensibles que même de petites perturbations, comme un changement de température ou une fluctuation magnétique, peuvent entraîner des erreurs dans les calculs. Actuellement, environ un qubit sur cent tombe en panne lors des calculs, un ratio bien supérieur à celui des bits classiques.
Pour résoudre ce problème, les chercheurs envisagent plusieurs pistes. L’une d’entre elles consiste à développer des technologies de correction d’erreurs plus performantes, capables de maintenir les qubits dans une phase de bruit faible même lorsque leur nombre augmente. L’autre option serait de construire des ordinateurs quantiques comprenant des millions de qubits, une tâche qui reste extrêmement complexe à ce jour. À l’heure actuelle, les machines les plus avancées comptent environ 1 000 qubits.
Malgré ces limites, la découverte d’une phase de bruit faible marque un tournant. Elle montre que les ordinateurs quantiques peuvent, dans des cas spécifiques, surpasser les ordinateurs classiques, même sans correction d’erreurs parfaite. Toutefois, comme le précisent les chercheurs de Google Quantum AI, une correction d’erreurs plus avancée sera probablement nécessaire pour que ces machines atteignent leur plein potentiel dans des applications commerciales et industrielles plus larges.
La démonstration réalisée par Google avec la puce Sycamore pourrait bien représenter le début d’une nouvelle ère dans le domaine du calcul. L’équipe de Google Quantum AI voit déjà plus loin : « Notre prochain défi est de démontrer une application ‘au-delà du classique’ qui aura un impact tangible sur le monde réel », ont-ils déclaré. Par ailleurs, l’ordinateur quantique de Google exécute instantanément une tâche qui prendrait normalement 47 ans.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Live Science
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