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En Pologne, les manifestations contre l’interdiction quasi totale de l’avortement ont permis de faire reculer la décision : le gouvernement a en effet suspendu sa publication officielle. Dans ce pays ultra-conservateur, la population est pourtant majoritairement opposée à une restriction du droit à l’IVG.

Une petite victoire des manifestantes

Depuis le 22 octobre, des milliers de personnes manifestent en Pologne contre la décision du Tribunal constitutionnel de restreindre fortement l’accès à l’avortement. Cet arrêt prévoit que l’avortement en cas de malformation du foetus est contraire à la Constitution, rendant de fait cette pratique pratiquement illégale dans ce pays, qui a déjà l’une des législations les plus strictes en la matière. Désormais, seules les femmes dont la poursuite de la grossesse les met en danger de mort, ou bien les victimes de viol ou d’inceste, peuvent avoir recours à l’avortement, selon la décision du Tribunal constitutionnel.

Face à l’ampleur des manifestations (vendredi, pas moins de 100 000 personnes s’étaient rassemblées), le gouvernement a décidé de suspendre la publication de l’arrêt dans le Journal officiel, mettant ainsi son application entre parenthèses. « Le gouvernement a été surpris par l’échelle de ces manifestations, il ne sait pas quoi faire. En théorie, il a obligation de publier l’arrêt mais il a déjà montré le peu de cas qu’il peut faire des normes démocratiques », explique Agnieszka Kwiatkowska, sociologue et politique enseignant à l’université SWPS à Varsovie. « Le gouvernement pensait que le danger épidémiologique clouerait les gens chez eux mais on a assisté aux plus grandes manifestations depuis la chute du régime communiste. » Le gouvernement est donc dos au mur, car en théorie, il lui est impossible d’annuler un arrêt du Tribunal constitutionnel sans violer le droit.

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Le pays est majoritairement en faveur du statu quo

Le président, Andrzej Duda, pour sortir de l’impasse, a proposé une nouvelle législation : l’avortement serait toujours interdit en cas de malformation du fœtus, sauf si des tests médicaux attestent d’une forte probabilité que le bébé soit mort-né ou atteint d’une maladie ou d’un défaut en phase terminale. Cette proposition a bien sûr été refusée par les opposants à la décision : « C’est une proposition du genre : je vous ai volé 100 zlotys (20 euros) mais j’en rendrai 50 », a fustigé la députée Katarzyna Lubnauer sur la chaîne d’information TVN24. 

En Pologne, pays extrêmement conservateur, les sondages sont pourtant unanimes, rappelle la sociologue Elżbieta Korolczuk, qui enseigne à la Södertörn University de Stockholm et à l’université de Varsovie, à Mediapart : « 60-70 % de la population est contre cette restriction à l’avortement : il ne s’agit pas que des libéraux qui ont eu accès à l’éducation supérieure. » Les manifestations ont toutefois dépassé le simple refus d’interdiction de l’avortement : les Polonais réclament désormais une stricte séparation entre l’Église et l’État, ainsi que le respect des droits des personnes LGBTI+.

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