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Des scientifiques américains ont acquis une vision nouvelle de la façon dont les plantes ont développé leur remarquable capacité à produire des substances chimiques qui les aident à se reproduire, à défendre leur territoire et à éloigner les prédateurs.

Quand les plantes se « réinventent »

Présentés dans la revue BMC Biology, ces travaux menés par une équipe de chercheurs de l’université de Buffalo portaient sur la toute première séquence du génome de Gardenia jasminoides, arbuste à feuilles persistantes et à fleurs blanches qui pousse à l’état sauvage sous les climats tropicaux. Dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont identifié les gènes régulant la production de crocine, substance chimique de couleur vive, qui donne aux fruits du gardénia leur teinte rouge-orangé, et les ont utilisés afin de créer le composé en laboratoire.

Selon l’équipe, il s’agit d’une avancée importante, nous rapprochant d’une production à grande échelle de crocine pour ses propriétés médicinales naturelles.

La recherche a également mis en évidence la puissance d’un processus évolutif appelé duplication de gènes en tandem, ou la copie accidentelle de l’ADN. Dans un événement de duplication en tandem, un seul gène est répliqué par erreur lors de la reproduction, ce qui fournit aux organismes un nouveau matériel génétique qui peut être sélectionné au fil du temps afin d’assurer des fonctions géniques spécialisées.

« Le principe essentiel est que les plantes peuvent se réinventer. Elles sont en mesure de dupliquer certaines parties de leur boîte à outils génétique et d’en modifier subtilement les fonctions », explique Victor Albert, co-auteur de l’étude. « Imaginons que vous ayez un tournevis disposant d’une tête imposante et soyez en mesure de le dupliquer, et de meuler la tête afin qu’elle s’adapte à des vis plus petites, tout en conservant l’original pour manipuler les grosses. C’est typiquement ce que font ces plantes. »

Fleur de gardénia

Un même mécanisme évolutif à l’origine de voies biosynthétiques distinctes

Les scientifiques ont découvert que la duplication en tandem avait conduit à l’évolution d’un gène nécessaire à la synthèse de la crocine chez les gardénias. Et il s’avère que ce type de réplication génétique permettait également au caféier robusta (Coffea canephora), un proche parent du gardénia, de développer des gènes produisant de la caféine.

« Nous sommes face à un scénario où le même mécanisme évolutif sous-jacent se retrouve à l’origine de ces duplications en tandem et débouche sur la création de deux voies biosynthétiques distinctes pour deux plantes différentes », souligne Albert. « Nous avons le café et le gardénia, qui ont évolué à partir d’un ancêtre commun proche, avec dans un premier cas, des doubles en tandem s’étant formés et ayant permis la production de caféine, et dans le second celle de crocine. »

On retrouve également la crocine dans le crocus, qui produit du safran. Et il s’avère que les gardénias et les crocus n’ont pas hérité la capacité à en produire d’un ancêtre commun, mais ont développé les gènes impliqués indépendamment. Ce qui se trouve également être le cas pour le caféier, l’arbre à thé et le cacaoyer pour la caféine.

« Les plantes jonglent avec de multiples évolutions de substances phytochimiques intéressantes », explique Albert. « Et, bien évidemment, tous ces produits phytochimiques présentent une utilité pour elles, en leur permettant par exemple de lutter contre les agents pathogènes ou d’attirer les insectes. » Les gardénias possédant par exemple des fruits de couleur feu attirent les animaux, ce qui se révèle bénéfique pour la dispersion des graines afin d’étendre l’aire de répartition de la plante.

Caféiers

« La nature réutilise et adapte des mécanismes préexistants, plutôt que d’en créer de nouveaux »

« Le fait que la même substance chimique puisse apparaître encore et encore au sein d’espèces végétales éloignées est connu depuis longtemps », avance Giovanni Giuliano, co-auteur de l’étude. « Mais jusqu’à présent, nous ignorions comment les gènes impliqués dans la biosynthèse de ces substances chimiques apparaissaient subitement chez ces différentes espèces. »

« Le travail que nous avons publié ne décrit pas seulement pour la première fois la voie complète de la biosynthèse de la crocine dans une plante, mais montre également que cette voie a évolué chez les gardénias suite à l’apparition d’un seul gène agissant précocement dans la voie, qui a en quelque sorte conditionné les gènes préexistants pour qu’ils produisent de la crocine », ajoute le chercheur.

« Ce qui constitue une démonstration élégante, au niveau biochimique, de la façon dont la nature réutilise et adapte des mécanismes préexistants, plutôt que d’en créer de nouveaux. »

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