Piege sexuel grenouille
— Miroslav Hlavko / Shutterstock.com

Pour attirer un groupe de grenouilles préhistoriques vers une fin tragique, le meilleur moyen était de leur promettre une partie de jambes en l’air. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés des paléontologues après avoir étudié les restes de centaines de batraciens morts dans un marécage il y a 45 millions d’années environ.

Des batraciens préhistoriques morts pendant l’accouplement

Situé dans le sud de l’Allemagne, le gisement fossilifère du Geiseltal est l’un des plus importants au monde. Au fil des années, plus de 50 000 fossiles de créatures préhistoriques (petits mammifères, chauves-souris, oiseaux, crocodiles, reptiles et poissons), comportant parfois des tissus mous et des organes, y ont été mis au jour.

De façon surprenante, il s’avère qu’un grand nombre de grenouilles provenaient d’une couche sédimentaire indiquant que l’endroit était une forêt subtropicale marécageuse à l’époque de l’Éocène moyen, il y a un peu moins de 50 millions d’années. Si les batraciens sont connus pour vivre dans des environnements humides ou aquatiques, de récentes analyses ont montré que la plupart des fossiles trouvés dans la lignite de Geiseltal appartenaient à la famille des Pelobatidae.

Vivant sur la terre ferme, ses membres ne retournent dans l’eau que pour leur courte saison de reproduction, qui peut s’avérer particulièrement périlleuse pour les femelles : souvent convoitées par plusieurs mâles, celles-ci sont susceptibles de périr par noyade. Selon les auteurs de la nouvelle étude, publiée dans la revue Papers in Palaeontology, une telle situation est souvent observée chez les espèces qui se rassemblent pour s’accoupler.

Fossile grenouille
Une partie des fossiles étudiés par les chercheurs — © D.Falk et al. / Papers in Palaeontology 2022

« Les spécimens analysés ne présentaient pas de signes de maladie ou de marques laissées par des prédateurs ou des charognards, et rien n’indique qu’ils aient été emportés par des crues ou victimes de l’assèchement du marais », explique Daniel Falk, paléontologue à l’University College de Cork. « Par élimination, la seule explication plausible est qu’ils soient morts pendant l’accouplement. »

Un éclairage précieux

Si cela peut sembler contre-intuitif et peu favorable à la perpétuation de l’espèce, ce n’est pas nécessairement un problème dans le monde des grenouilles. Originaire d’Amazonie, Rhinella proboscidea peut extraire les œufs d’une femelle décédée en serrant sa dépouille, puis les fertiliser avec succès. Bien qu’un tel phénomène n’ait pas été observé chez les Pélobatidés modernes, il n’est pas totalement exclu.

Éclairant l’évolution des grenouilles, de telles découvertes contribuent également à contextualiser les anciens gisements fossiles de batraciens.

« Ce qui est vraiment intéressant, c’est que les fossiles de grenouilles trouvés sur d’autres sites présentent également ces caractéristiques, ce qui suggère que les origines des comportements d’accouplement des grenouilles modernes sont vraiment très anciennes, et remontent à au moins 45 millions d’années », concluent les chercheurs.

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