
Il existe encore au moins 196 groupes autochtones isolés dans le monde, mais tous font face à des menaces graves et persistantes. Ces communautés, souvent appelées « tribus isolées », sont confrontées à des ambitions économiques, à des projets industriels et, plus récemment, à une forme de voyeurisme numérique alimenté par la quête de la célébrité en ligne. Survival International, une organisation dédiée à la défense des peuples autochtones, a publié un rapport de 300 pages intitulé « Peuples autochtones isolés : au bord de la survie ». Ce document met en lumière ce qu’il qualifie de « génocide silencieux et continu » contre ces groupes.
La situation des peuples autochtones isolés dans le monde
Selon le rapport, au moins 196 groupes autochtones isolés subsistent encore, dont environ 95 % vivent dans le bassin amazonien. Le Brésil, à lui seul, abrite 124 de ces communautés. Quelques-unes d’entre elles se trouvent également en Asie et dans le Pacifique. Ces peuples, bien que coupés du reste du monde, ont une vie riche et autonome. Ils s’adaptent à des environnements souvent hostiles, en vivant de la chasse, de la pêche, de la cueillette et parfois de l’agriculture. Ils construisent abris et outils, partagent leurs ressources et utilisent leurs vastes connaissances des plantes pour se soigner et subvenir à leurs besoins.
Cependant, la survie de ces communautés est gravement menacée. Environ 96 % de ces groupes sont directement affectés par l’exploitation des ressources naturelles, que ce soit de manière légale ou illégale. Parmi ces menaces, l’exploitation forestière touche 65 % des peuples isolés, souvent comme première étape vers des interventions plus invasives. L’exploitation minière affecte plus de 40 % d’entre eux, tandis que des gangs criminels provoquent violences et déplacements forcés pour près d’un tiers des communautés. Par ailleurs, l’agro-industrie, notamment l’élevage bovin, fragmente leurs territoires et contribue à la déforestation de l’Amazonie.
Des projets d’infrastructures soutenus par les gouvernements, comme la construction de routes, de ports ou de chemins de fer, exercent également une pression énorme sur 38 groupes autochtones, menaçant leur existence même.
Des menaces multiples
Pour Célia Xakriabá, militante du peuple Xakriabá au Brésil, la situation actuelle est un prolongement des violences historiques envers les peuples autochtones. « Ils n’ont pas réussi à nous éliminer pendant la colonisation ni sous la dictature. Mais aujourd’hui, nous faisons face à un génocide légalisé. Ils nous tuent avec des lois et des documents. Nous mourons collectivement lorsqu’ils nous volent nos terres, pas seulement quand ils assassinent nos chefs », explique-t-elle.
Au-delà des menaces traditionnelles, de nouveaux dangers émergent. Le rapport de Survival International met en garde contre les influenceurs des réseaux sociaux, qui tentent de s’approcher de ces communautés pour créer des contenus monétisés. Les missionnaires évangéliques, souvent financés par des organisations multimillionnaires, cherchent également à convertir ces peuples au christianisme.
Des cas récents illustrent ces menaces. Par exemple, un YouTubeur américain a été arrêté après avoir tenté de filmer son voyage vers l’île de North Sentinel, habitée par les Sentinelles, l’une des tribus les plus isolées au monde. En 2018, un missionnaire chrétien avait également pénétré illégalement leur territoire et avait été tué par des flèches.
Que peut-on faire pour protéger ces peuples ?
Survival International insiste sur l’urgence de renforcer les mesures de protection pour ces communautés. Bien que le droit international reconnaisse les droits des peuples autochtones, la mise en œuvre de ces lois varie d’un pays à l’autre. En Amérique du Sud, notamment au Brésil, les protections sont parmi les plus strictes, mais leur application reste insuffisante. En Asie et dans le Pacifique, les lois sont souvent encore plus faibles. Selon Maipatxi Apurinã, membre du peuple Pupīkary au Brésil, « ignorer l’existence des peuples isolés est une violation flagrante de leurs droits. Ces droits doivent être respectés, non seulement sur le papier, mais aussi dans les faits. »
Caroline Pearce, directrice de Survival International, appelle à une action immédiate pour éviter une catastrophe. « Nous devons respecter le choix des peuples isolés de vivre en paix. Si nous continuons à détruire leurs forêts pour l’exploitation minière, l’agro-industrie et les activités des missionnaires ou influenceurs, nous risquons de perdre jusqu’à la moitié de ces groupes dans les dix prochaines années. La solution est simple : les gouvernements et les entreprises doivent cesser cette colonisation pour permettre à ces peuples de vivre librement. »
La protection des peuples autochtones isolés ne concerne pas uniquement leur survie, mais aussi la préservation de leurs terres et de leur mode de vie unique. Les gouvernements et les entreprises ont le pouvoir et la responsabilité d’agir pour mettre fin à ce « génocide silencieux » et garantir un avenir à ces communautés qui choisissent de vivre en harmonie avec leur environnement. Pour rappel, en 2024, une tribu autochtone implorait de la nourriture auprès de mineurs qui détruisaient leurs terres.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: IFL Science
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