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Nos enfants sacrifiés : les perturbateurs endocriniens détruisent leur cerveau

La communauté scientifique s’élève contre les perturbateurs endocriniens, études à l’appui : les agents chimiques présents dans les pesticides menacent directement le cerveau de nos enfants. La toxicité des perturbateurs endocriniens sur notre organisme n’étant plus à démontrer, il nous reste à convaincre les pouvoirs publics. Et c’est là que le bât blesse.

 

Idiocracy, une farce dystopique

En 2007, Mike Judge réalisait Idiocracy, un film qui prédisait l’appauvrissement intellectuel de l’ensemble de la population américaine. En cause : la reproduction ; les élites étaient de plus en plus frileuses à l’idée concevoir des enfants, tandis que les « rednecks » – les bouseux – à l’intelligence très limitée continuaient vaillamment de perpétuer l’espèce. La baisse du QI fut si dramatique qu’un quotient intellectuel de 100 en 2505 passe pour être le plus haut quotient intellectuel de tous les temps ! Si les causes du retour à la stupidité relèvent de la pure fiction, le constat reste malgré tout pertinent : le QI de la population mondiale baisse.

« Nous devenons de plus en plus stupides. Ça se passe en ce moment. Ça ne va pas s’arrêter. […] Si nous ne faisons rien, la civilisation qui repose sur l’intelligence ira en sens inverse. Et tout laisse penser que c’est déjà en train d’arriver. »

 

Edward Dutton

Les premiers résultats sont arrivés de Finlande. L’anthropologue britannique Edward Dutton, spécialisé dans l’évolution de l’intelligence, a publié une étude fracassante dans la revue Intelligence. En se basant sur les tests de QI passés par les jeunes soldats scandinaves lors de leur incorporation, il s’est aperçu que la courbe s’inversait. Alors que le QI était en constante augmentation jusque dans le milieu des années 90, il a subitement commencé à dégringoler de 2 points par décennie en seulement 20 ans. Le QI des nouvelles recrues a baissé de 4 points en moyenne, et ces observations ne se cantonnent pas à l’Europe du Nord, tous les autres pays sont concernés : Estonie, France et Allemagne en tête.

Cerveau iodé, cerveau OP

« Quand je vois ces données, je pense immédiatement à la thyroïde. Pourquoi la thyroïde ? Pour répondre à cette question, il suffit de penser au crétinisme. » Loin d’elle l’idée de pointer du doigt les élèves qui éprouvent des difficultés à s’approprier des notions mathématiques ou linguistiques, Barbara Demeneix fait référence à la maladie congénitale du XIXe siècle que l’on appelait alors « crétinisme ». L’endocrinologue rappelle que cette affliction se caractérisait par une petite taille, un retard mental, et très souvent l’apparition d’un goitre – une augmentation volumineuse de la glande thyroïde. Il faudra attendre les travaux de Peter Pharaoh, médecin officier britannique exerçant en Papouasie Nouvelle-Guinée, pour comprendre que le crétinisme des enfants est directement lié à la carence en iode des mères enceintes.

« On sait que les enfants qui ont un point de QI en moins perdent 2% de productivité dans leur vie. Or, un enfant a une productivité moyenne de 1 million de dollars au cours de sa vie. Si vous faites le calcul, chaque point de QI perdu coûte 20 000 dollars par enfant. »

 

Dr. Leonardo Trasande, pédiatre

Une carence qui continue de faire des dégâts au sein même des grandes puissances mondiales : L’Organisation mondiale de la santé a constaté un déficit en iode dans près de 50 pays dont la France, l’Espagne, l’Allemagne… Et l’Italie, en Sicile plus précisément. Dans les années 70, le Dr. Francesco Vermiglio avait remarqué que de nombreux élèves issus des villages de montagnes souffraient d’un léger retard intellectuel. Il a donc décidé de suivre l’évolution de 2 groupes de mères, l’un vivant sur les côtes et l’autre dans les montagnes, en mesurant leur taux d’iode et d’hormones thyroïdiennes pendant leur grossesse. Leurs enfants ont été testés sur 10 ans et le constat est sans appel : 11 enfants des montagnes souffraient de troubles de l’attention et d’hyperactivité. Les travaux du Dr. Vermiglio établissent très clairement un lien entre carences en iode durant la gestation et la baisse de QI de leurs nouveaux-nés. Et le praticien de rappeler que la consommation de poissons et de sel iodé demeure la seule solution pour prévenir le crétinisme : une fois ingéré, l’iode se retrouve fixé par la thyroïde pour produire les fameuses hormones thyroïdiennes essentielles au développement cérébral du bébé.

La poudre de PCB

Les carences en iode à elles seules n’expliquent pas ces soudaines baisses de QI : ce sont les perturbateurs endocriniens qui sont à l’origine de tous ces troubles mentaux. Le fluor, le chlore et le brome fabriquent des molécules chimiques extrêmement semblable aux hormones thyroïdiennes qui peuvent être assimilées par l’organisme et donc bouleverser complètement notre développement thyroïdien. Nous sommes quotidiennement exposés à ces agents chimiques nocifs pour notre santé et celle de nos enfants, à commencer par les PCB. Dérivés du chlore, ils sont massivement utilisés dans les transformateurs électriques, la peinture, la colle et le plastique. Malgré leur interdiction dans les années 80, les PCB ne nous ont jamais vraiment quittés : réduits sous forme de poussière, ils s’infiltrent dans nos poissons, nos viandes, nos produits laitiers et atterrissent dans nos assiettes.

« Les produits chimiques s’évaporent et tombent dans la poussière. La poussière se pose sur nos mains et donc quand nous mangeons, nous finissons par les avaler. Les enfants qui traînent dans la poussière et mettent leurs mains à la bouche ont des taux qui peuvent être 3 à 5 fois, ou même 30 fois supérieurs à ceux de leurs parents. »

 

Brenda Eskenazi, épidémiologiste

Thomas Zoeller a étudié les conséquences d’une consommation de cookies imbibés de PCB chez des rates en gestation : « [Leurs petits] avaient des cellules nerveuses au mauvais endroit. L’expression de certains gènes importants dans le fonctionnement cérébral était déréglé. Cela signifie que les PCB peuvent interagir avec le récepteur de l’hormone thyroïdienne et changer le développement du cerveau. ». Le lien entre le taux de PCB chez les mères enceintes et la baisse de QI chez leurs enfants ne fait plus aucun doute : la population est exposée à des produits chimiques pouvant altérer « subtilement » le cerveau.

Retarder les flammes n’empêche pas le feu

Un autre perturbateur endocrinien particulièrement présent das notre environnement se prénomme sobrement : « le retardateur de flamme », dérivé du chlore et du brome qui imprègnent nos smartphones, nos écrans, nos téléviseurs, certaines housses de canapés et des matelas. Dans les années 60, les industriels ont imposé un retardateur de flamme – le Tris – dans tous les foyers américains, jusque dans les pyjamas des nourrissons ! La scientifique Arlene Blum décide alors de mener des expériences sur ces produits dégoulinant de Tris. Sa conclusion est sans appel : le Tris est un mutagène susceptible de provoquer le cancer. Son article paru dans la revue Science a fait l’effet d’une bombe : 50 millions d’enfants américains étaient directement concernés par la toxicité du Tris ! Il aura fallu attendre seulement 3 mois pour que le Tris disparaisse définitivement des rayonnages.

« Les tests que nous avons menés sur des mousses traitées et sur des mousses non traitées ont montré qu’il n’y avait aucune différence pour retarder le feu. »

 

Inez Tenenbaum devant la commission du Sénat américain

L’industrie ne s’est pas avouée vaincue pour si peu : ils ont troqué le Tris pour le brome, devenu la nouvelle norme. Et avec des états comme la Californie qui impose des retardateurs de flamme dans tous les objets dont ceux de puériculture (coussins d’allaitement, sièges pour bébés…), pourquoi s’en priver ? C’est là qu’Arlene Bloom refait surface. Après s’être expatriée sur les plus hauts sommets du monde, cette alpiniste chevronnée est redescendue de ses montagnes pour se confronter aux descendants du Tris. En 2011, elle teste pas moins d’une centaine de produits de puériculture. Imaginez son exaspération quand elle a découvert que 80 % d’entre eux baignaient littéralement dans du trischloré ce fameux composant retiré de la vente… Les industriels (sur)exploitent la peur du feu pour écouler leur odieuse cargaison, mais parfois ça ne suffit pas : le sénateur Mark Leno change définitivement la loi californienne en rendant les retardateurs de flammes optionnels. C’est peu, mais ça reste mieux que rien.

Les pesticides, éternels pestiférés

Nous restons en Californie pour aborder cette fois-ci les pesticides à base de fluor, de chlore, et de brome. Il faut savoir que le « bol de salade de l’Amérique » est le plus gros utilisateur de pesticides de tout le pays, et tant pis si la population en pâtit. L’épidémiologiste Brenda Eskenazi étudie les effets des pesticides sur la santé humaine depuis 2 décennies. Dans les années 2000, elle lance une étude ambitieuse sur le long cours sobrement intitulée « Chamacos » – enfants en espagnol – pour connaître les effets des pesticides sur les enfants à naître. 600 femmes enceintes se portent volontaires, dont une grande partie provient de familles agricoles. La chercheur et son équipe récoltent pas moins de 200 échantillons contenant du sang, de la poussière du domicile. Les résultats de cette étude exemplaire par sa durée et son suivi font froid dans le dos…

« Nous avons observé des réflexes anormaux chez les nouveaux-nés, un retard intellectuel chez les enfants de 2 ans, une baisse de QI chez les enfants de 7 ans. On a aussi constaté une augmentation des problèmes d’attention et une hausse des symptômes autistiques. »

 

Brenda Eskenazi, épidémiologiste.

L’autisme a littéralement explosé en Californie : entre 1990 et 2001, le nombre enfants autistes à augmenté de 600 %; 1 enfant sur 68 est aujourd’hui diagnostiqué comme autiste ! Une hausse qui n’épargne pas le reste du pays. Malgré des techniques de détection toujours plus efficace, le professeur Irva Hertz-Picciotto explique que 2/3 des cas d’autisme demeurent incompréhensibles – une subtile manière de dire “non-naturelle”. Le principe des pesticides et de tuer des organismes vivants en ciblant directement leur cerveau. Ils ont été conçus pour attaquer les fonctions cérébrales. Ils est donc – hélas – logique que ces produits, si néfastes sur les nuisibles de petite taille, aient des effets dévastateurs sur l’être humain. Il a été prouvé que les pesticides organophosphates représentaient un facteur de risques pendant les 2nd et 3e trimestre de grossesse l les preuves s’accumulent, mais aucune mesure concrète n’est décidé, et les profs ne peuvent que constater, impuissants, les ravages des pesticides chez les nouvelles générations.

Pouvoirs publics aux abonnés absents

Oscar Ramos est professeur des écoles dans la région agricole de Salinas, en Californie. En seulement 20 ans, il a vu ses élèves devenir de plus en plus dissipés et de moins en moins studieux : « Je vois de plus en plus d’enfants souffrir de problèmes de santé : plus de migraines, plus d’asthme, davantage de problèmes de concentration, ou de difficultés à rester calmes. Des difficultés d’apprentissage… J’ai vu tout cela augmenter au fil des années, et c’est très inquiétant. ». Il n’existe pas de distance légale entre les champs et les bâtiments publics, ni les habitations. Les enfants des régions agricoles sont quotidiennement exposés à d’effroyables quantités de pesticides répandus en toutes occasions sur la moindre parcelle cultivable.

« Nous volons littéralement à notre population son potentiel intellectuel. Non seulement le nombre d’enfants qui ont besoin d’aide augmente de façon significative, mais le nombre d’enfants très doués diminue. »

 

Thomas Zoeller, chercheur

Les enfants des villes ne sont pas épargnés pour autant. S’ils ne subissent pas les épandages de masse, ils sont confrontés aux pesticides dès qu’un de leur proche fait usage d’un spray contre les blattes et les cafards. Chercheur à l’Université de Columbia, Virginia Raugh a fait passer un IRM à 40 enfants dont 12 exposés in utero aux pesticides qui « protègent » les champs californiens. Elle voulait savoir si une exposition aux pesticides des femmes enceintes pouvait modifier l’anatomie du cerveau de leurs futurs enfants : « Oui, on voit clairement que les enfants les plus exposés au chlorpyrifos avaient des changements structurels dans leur cerveau. Et ces régions correspondent à l’attention, et au contrôle de soi. » Le pesticide en question et depuis interdit aux produits d’intérieur mais continue de gangréner les denrées alimentaires de tout le pays…

Une génération sacrifiée 

Barbara Demeneix reste sceptique malgré les avancées considérables dans la connaissance des pesticides : « Nous ne savons pas combien de molécules altèrent le cerveau. Il y en a tellement et il y a si peu de tests pour répondre à cette question que nous ignorons combien de molécules chimiques peuvent agir sur l’action de l’hormone thyroïdienne. ». Jusque-là, beaucoup de chercheurs pensaient que le placenta était une barrière étanche, infranchissable. Mais de nouvelles études ont prouvé le contraire : vernis, détergents, cosmétiques, emballages, plastique et savon anti-bactérien sont remplis d’agents chimiques qui pénètrent le placenta pour se fixer directement au fœtus.

« Chaque bébé qui naît aujourd’hui aux États-Unis a plus de 100 molécules chimiques mesurables dans le sang. Le Conseil américain de l’industrie de la chimie a commenté ce chiffre en prétendant que la présence de ces molécules ne signifie pas forcément qu’elles sont dangereuses… »

 

Thomas Zoeller, chercheur

L’endocrinologue souhaite identifier les substances qui perturbent la thyroïde. Elle mène donc des tests sur des têtards, dont les hormones thyroïdiennes sont en tous points similaires aux nôtres. Elle leur injecte un cocktail détonant de 15 substances chimiques retrouvées chez des femmes enceintes – bisphénol A, métaux lourds, pesticides… Résultat : la concoction agit directement sur l’hormone du têtard, et par extension sur les enfants à naître. Sur plusieurs centaines de molécules testées en laboratoire, 65 % se révèlent particulièrement nocives pour le fonctionnement thyroïdien, soit 2/3 des agents chimiques que nous côtoyons au quotidien…

L’industrie chimique peut dormir sur ses deux oreilles : ses milliards de dollars de chiffres d’affaires et les centaines de milliers d’emploi qui dépendent d’elle ne risquent pas de faire ployer les gouvernements. Pourtant, l’addition de l’appauvrissement intellectuel de la population pourrait s’avérer plus salée que prévu : 217 milliards de dollars pour l’Europe, et 340 milliards rien qu’aux États-Unis selon les calculs de Leonardo Trasande. L’Union Européenne n’a toujours pas pris la moindre mesure à ce sujet, et le Royaume-Uni persiste dans sa bêtise en autorisant de nouveau les retardateurs de flamme sur toutes sortes d’objets.

Nous aurons vraisemblablement besoin d’une génération d’enfants sacrifiés pour que les pouvoirs publics mesurent l’ampleur du phénomène. En attendant que nos gouvernements s’activent à faire ce pour quoi ils sont élus – à savoir nous protéger – les médecins préconisent aux femmes de mesurer très régulièrement leur taux d’iode pendant leur grossesse. En quantité suffisante dans l’organisme, l’iode agit comme une barrière naturelle et reste notre meilleure protection contre la toxicité des perturbateurs endocriniens.

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