Une équipe de chercheurs internationale a exhumé des poteries néolithiques dans la région du Caucase. Publiées le 13 novembre 2017 dans les Comptes-rendus de l’académie américaine des sciences, les conclusions des archéologues repoussent l’origine de la viticulture à 8 000 ans avant J.C.
Le vin n’est pas français…
L’équipe de scientifiques s’est envolée pour la Géorgie, dans le sud du Caucase. Les chercheurs y ont trouvé des poteries néolithiques chargées de résidus caractéristiques de la viticulture. L’analyse des 8 jarres fabriquées entre 8 100 6 600 avant J.C. a confirmé que ces récipients étaient bel et bien porteurs des signatures chimiques du vin – acide tartrique – et de la viticulture – acides malique, succinique et citrique. Une découverte qui bouleverse les certitudes de la communauté scientifique qui désignaient l’Iran comme berceau de la viticulture au VIe siècle avant J.C.
« Cela suggère que la Géorgie est sans doute au coeur du berceau de la domestication de la vigne et de la viticulture »
Patrice This, chercheur à l’Inra.
Les jarres ont été déterrées sur les sites archéologiques de Gadachrili Gora et Shulaveris Gora, réputés pour receler de nombreuses poteries néolithiques. Stephen Batiuk reste prudent : « Nous pensons être en présence de vestiges de la plus ancienne domestication de vignes sauvages en Eurasie dans le seul but de produire du vin. » D’après le professeur au Centre d’archéologie de l’Université de Toronto, toutes nos vignes eurasiennes sont originaires du Caucase. Pour être plus clair, 99,9 % de la production mondiale de vin provient indirectement de ce petit pays de la Mer Noire…
Et le vin apporta la lumière
L’équipe de scientifiques ne s’est pas arrêtée à la simple constatation. En partant du principe qu’il n’y a pas de vin sans vignes, elle a compilé tout un ensemble de données chimiques, botaniques, climatiques et historiques afin de repérer leur emplacement : la Vitis vinifera prospérait à Gadachrili Gora et Shulaveris Gora. Avec un climat assez proche de celui du sud de la France il y a 8 000 ans, les peuplades de Géorgie tiraient déjà avantage de cette variété à laquelle appartiennent nombre de cépages dont le cabernet sauvignon, le merlot ou le chardonnay.
« Notre étude suggère que la viticulture était le principal élément du mode de vie néolithique, qui a vu la naissance de l’agriculture, à se répandre dans le Caucase. »
Outre sa déconcertante facilité à désinhiber les passions les plus voraces, le vin a – plus ou moins directement – permis l’invention de la poterie, « idéale pour fabriquer, servir et conserver des boissons fermentées » avance Stephen Batiuk. Le perfectionnement des artisans potiers n’a pas épargné la cuisine, la technologie et l’art qui se sont développés en parallèle de la production et la vente de vin. L’apprivoisement de la viticulture faisait partie intégrante des sociétés néolithiques de Géorgie, d’Irak, de Syrie et de Turquie : « Le vin comme une médecine, un lubrifiant social, une substance altérant l’esprit ou encore comme une denrée de grande valeur, est devenu une composante incontournable des cultes religieux, de la pharmacopée, de la cuisine, de l’économie et de la vie sociale à travers tout le Moyen-Orient. »
Eh non, le vin n’a pas plongé les civilisations néolithiques dans le stupre et la luxure, n’en déplaise aux prédicateurs en tous genres. C’est même l’inverse : il a incité ses plus ardents consommateurs à concevoir des récipients toujours plus solides et travaillés pour en faire commerce, et a directement encouragé l’émancipation des arts et de la gastronomie.
Par Matthieu Garcia, le
Source: Sciences et Avenir
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