Trois études internationales tendent à démontrer que la montée des océans serait plus rapide et plus importante que prévu. Des travaux qui revoient à la hausse toutes les prévisions des spécialistes, alors même que la calotte glacière cristallise les plus vives inquiétudes de la communauté scientifique.

Des millimètres qui changent tout

La montée du niveau de la mer due à la fonte des glaces est une conséquence directe du réchauffement climatique, susceptible de détruire des métropoles entières. Al Gore en mesurait déjà l’impact en 2006 dans son documentaire Une Vérité qui dérange. D’ici 2100, les océans devraient grimper d’environ 1 mètre, si l’on se réfère aux prévisions scientifiques de 2017. Mais l’étude menée par Alexander Nauels de l’Université de Melbourne double ce chiffre : si la combustion d’énergies fossiles perdure à son rythme actuel, les eaux devraient s’élever de 2 mètres. Les résultats de l’étude s’appuient sur la fin de l’ère glacière, survenue il y a quelques 10 000 années, dans la région du Texas. Les scientifiques ont plongé à une soixantaine de mètres de profondeur près de la côte du Corpus Christi au sud de l’état, et y ont trouvé des traces d’anciens récifs de corail aujourd’hui « noyés ».

« La lente et progressive montée des eaux observée durant ces deux derniers siècles ne permet [peut-être] pas de prédire avec certitude comment évoluera le niveau des eaux à l’avenir. »

 

Conclusion de l’étude.

Victimes d’une montée des eaux trop brusque, pris de court pour s’y adapter, les coraux auraient tenté d’accroître leur taille pour retrouver la lumière du soleil nécessaire à leur développement. Il n’y seraient parvenus qu’à moitié : incapables de s’agrandir sur des étendues aussi vastes, les coraux auraient concentré leurs efforts sur des zones plus restreintes. Certains de ces récifs « noyés » remonteraient à 11 500 ans, une époque où l’hémisphère nord connaissait d’importantes vagues de chaleur. André Droxler, chercheur à l’Université de Rice, pense que ces récifs ont subi une hausse de plusieurs dizaines de millimètres par an, bien loin devant nos 3 mm annuels. Les conclusions de l’étude vont dans ce sens : au cours de la dernière période glaciaire, de multiples sursauts de montée des eaux ont complètement redessiné la Terre, et rien ne nous dit qu’il n’en sera pas de même pour le XXIe siècle…

Plus bas, encore plus bas…

Pendant ce temps là, dans les profondeurs glaciales de la mer Antarctique, Matthew Wise de l’Université de Cambridge se penche sur les icerbergs. Équipés d’une technologie capable de cartographier le fond marin, son équipe et lui traquent les sillons laissés par d’anciens iceberg aux alentours de la Pine Island Bay, située face à l’un des glaciers les plus inquiétants de l’Antarctique occidentale : le glacier de Pine Island. D’après les chercheurs, les sillons semblent dater d’une époque similaire à celle des récifs texans, des vestiges de la dernière période glaciaire qui indiquent un rapide recul du glacier sur un bon millier d’années.

« Si un glacier encore plus grand que la limite 100 m émergés / 900 m immergés devait se former, il pourrait se fracturer de manière épisodique, avec des pauses plus courtes que celles observées jusqu’ici, accélérant considérablement la montée du niveau de la mer. »

 

Richard Alley, glaciologue.

Les traces repérées par Matthew Wise et son équipe s’enfoncent jusqu’à 848 mètres de profondeur. Inquiétant, quand on sait que les glaciers sont normalement immergés à 90 %… Cette découverte suggère donc que lorsque la glace s’est séparée du glacier, près de 100 mètres de l’iceberg voguaient à l’air libre ! C’est un nombre indicatif, en sachant que la plupart des scientifiques s’accordent à dire qu’un iceberg de cette taille finit automatiquement par s’écrouler sous son propre poids. Un glacier aussi grand s’effrite à une vitesse fulgurante, provoquant par la même une montée des eaux toute aussi fulgurante. Un scénario pessimiste qui n’en demeure pas moins concevable : Pine Island et Thwaites sont deux glaciers réputés pour gagner en épaisseur à mesure qu’ils s’éloignent de la mer. Ils sont donc techniquement capables de générer d’immenses falaises de glaces plus grandes que le point critique des 100 m / 900 m…

Pure fiction ? 

La dernière étude de ce trio infernal est moins physique que ses deux aînées : elle repose sur un ensemble de scénarios élaborés à partir de 5 « facteurs socioéconomiques partagés » par l’ensemble des territoires ; et qui analysent les avenirs potentiels de la société mondiale et de son système énergétique à l’issue du changement climatique du XXIe siècle. Les chercheurs ont combiné ces scénarios avec des outils capables de projeter la future élévation du niveau des océans, en accord avec de récentes études qui suggèrent que la banquise antarctique pourrait s’effondrer en plusieurs endroits.

Parmi les scénarios établis par le groupe de scientifiques dirigé par Alexander Nauels, l’un d’eux est particulièrement alarmiste : une importante consommation d’énergies fossiles couplée à une forte croissance économique pourraient aboutir à une hausse du niveau de la mer de 1m30 à 1m90 d’ici 2100. Des chiffres sans commune mesure avec les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui envisageaient 98 cm… Un scénario catastrophe qui resterait pure dystopie si les nations du monde entier respectaient scrupuleusement les Accords de Paris : nous pourrions ainsi limiter la montée des eaux à seulement 50 centimètres jusqu’à la fin du siècle. Reste à prier pour que la Chine et l’Inde terminent leur transition énergétique au plus vite, et que les États-Unis se débarrassent enfin de leur président climato-sceptique.

Les trois études ont été respectivement publiées dans le Environmental Research Letters, et dans la revue Nature. 

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