Si le Covid a révélé à beaucoup d’entre nous combien il était contraignant de perdre l’odorat, nous sous-estimons encore les pouvoirs de notre système olfactif. En effet, alors qu’on estimait le nombre d’odeurs à 10 000 il y a un siècle, nous savons aujourd’hui que le nez peut percevoir au moins mille milliards d’odeurs.

Le sens le plus subtil de nos cinq sens

« Le nombre d’odeurs est beaucoup plus important que celui qui circule toujours dans la littérature en neurosciences et qui reste estimé à 10 000 depuis 1927 », affirme le docteur Jean-Pierre Royet, membre du centre de recherches en neurosciences de l’université de Lyon I. Au XXe siècle, deux scientifiques avaient effectivement attesté de manière arbitraire que toutes les odeurs se rapportaient à seulement quatre catégories de sensations olfactives. Ainsi, chaque odeur pouvait être qualifiée soit de florale, de brûlée, d’animale ou bien d’acide, selon les quatre classes d’odeurs établies.

Cependant, cette classification ne faisait pas état de la complexité de la réalité. Pour prendre un exemple, le parfum de la rose est à lui seul composé de plus de 275 molécules différentes. « Seulement en 2012, 1 200 parfums nouveaux et différents ont été lancés dans le monde », informe Caroline Bushdid, étudiante en master de chimie à l’université Pierre-et-Marie-Curie.

Aujourd’hui, l’odorat se révèle ainsi le sens le plus subtil de l’Homme. Alors que l’oeil peut percevoir entre 2,3 et 7,5 millions de couleurs, et l’oreille environ 340 000 tonalités différentes, le nez peut en revanche sentir plus de 1 000 milliards d’odeurs.

— Microgen / Shutterstock.com

Un résultat révélé par une expérience américaine

Ce chiffre de 1 000 milliards d’odeurs est en tout cas la conclusion d’une expérience dirigée au printemps dernier par Andreas Keller, chercheur au laboratoire de neurogénétique du comportement de l’université Rockefeller à New York. Le chercheur et son équipe ont fait sentir à 28 personnes une série de mixtures représentant 260 solutions, conçues à partir de 128 molécules odorantes mélangées en 10, 20 ou 30 composés.

Pour chaque mixture, les participants « devaient sentir au laboratoire trois fioles : deux contenaient le même mélange et la troisième un autre. Chacun devait reconnaître celles qui avaient la même odeur », dévoile l’étudiante Caroline Bushdid, membre de l’équipe qui a travaillé sur cette expérience à New York.

Une étude statistique a ensuite permis d’étendre les résultats trouvés pour les adapter à l’échelle du nombre théorique de paires de mixtures qui auraient pu être fabriquées. C’est de cette manière que les chercheurs ont évalué à au moins un milliard le nombre d’odeurs qu’un odorat moyen peut percevoir.

― Asier Romero / Shutterstock.com

350 récepteurs dédiés exclusivement à l’odorat

Le fonctionnement des voies nasales est encore porteur de mystères pour les scientifiques. Si la vue ne repose que sur les 3 gènes qui permettent d’identifier le spectre des couleurs, l’odorat est quant à lui corrélé à 350 récepteurs spécifiques, situés à l’intérieur des narines. Jean-Pierre Royet précise que « les récepteurs olfactifs, situés dans les narines, sont les seuls types de récepteurs en contact avec l’environnement extérieur. Les récepteurs visuels sont protégés de l’extérieur par la cornée, ceux auditifs par le tympan. »

Selon le docteur, c’est la raison pour laquelle « le remplacement des récepteurs olfactifs est très élevé ». Renouvelés environ tous les mois, les récepteurs olfactifs sont ainsi bien plus nombreux que les gènes dédiés à la vue ou à l’ouïe.

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