Ça y est, la neutralité du net aux États-Unis, c’est terminé. Si ce principe était acquis pour tous, la Commission fédérale des communications (FCC) y a mis un terme ce jeudi 13 décembre. Et l’administration Trump, encore une fois, n’est pas étrangère à cette décision controversée…

 

La neutralité du net, qu’est-ce que c’est ?

Souvenez-vous : le Daily Geek Show vous en avait parlé le 24 novembre 2017. La neutralité du net, c’est ce principe qui veut que tous les services en ligne soient accessibles, sans discrimination. En souscrivant à un fournisseur d’accès internet (FAI), les internautes peuvent donc consulter tous les sites web du monde, sans aucune restriction de débit, de vitesse, de durée… Mais avec la fin de cette politique pourtant garantie par l’administration Obama en 2015, les FAI pourraient bien asseoir leur domination sur le net…

L’administration de Barack Obama soutenait la neutralité du net.

 

Une décision qui sonne le glas de l’accès illimité à Internet

En prenant cette décision, la FCC condamne Internet à ne plus être égalitaire. La fin de la neutralité du net pourrait notamment rendre certains sites prioritaires par rapport à d’autres. La création d’un « Internet à deux vitesses », sur lequel les sites qui concluraient un partenariat financier avec tel ou tel fournisseur seraient privilégiés par rapport à ceux qui n’en ont pas les moyens, est l’une des plus grandes craintes des défenseurs de la neutralité du net.

Aux États-Unis, certains FAI sont créateurs de contenus. Par exemple, ComCast possède NBCUniversal. Sans la neutralité du net, l’accès aux services de NBCUniversal pourrait bien n’être offert qu’aux clients de ComCast… Ainsi, pour disposer de l’Internet libre et égal que l’on connaît depuis sa création, il faudrait débourser des centaines et des centaines de dollars ! De quoi exclure du web les plus pauvres internautes, et ainsi les priver d’un accès à l’information et à la culture…

La fin de la neutralité du net, c’est aussi un moyen de tuer dans l’oeuf des plates-formes émergentes du net. Sans apport financier, comment survivre face aux géants du web ? Si les nouveaux services meurent avant même de naître, jamais ils ne deviendront les mastodontes de demain…

 

Comcast, un groupe qui pourrait bien bénéficier de l’abrogation de la neutralité du net…

 

L’administration Trump en cause

La neutralité du net était pourtant bien partie pour être protégée. En 2015, alors que les États-Unis étaient présidés par Barack Obama, Internet avait été considéré comme un « bien public ». Autrement dit, rien ni personne n’avait la possibilité de le privatiser.

Donald Trump, entré en fonction en ce début d’année 2017, a directement nommé à la tête de la FCC Ajit Pai, ex-conseiller général associé de Verizon… un fournisseur d’accès internet américain. Ouvertement hostile à la neutralité du net, Ajit Pai a notamment déclaré à propos de cette nouvelle mesure : « Cela ne va pas mettre fin à l’Internet tel que nous le connaissons. Cela ne va pas tuer la démocratie. Cela ne va pas étouffer la liberté d’expression en ligne ».

Ajit Pai, à la tête de la FCC.

Si Ajit Pai est bien optimiste, ce n’est pas le cas des deux commissionnaires démocrates (opposés aux trois commissionnaires républicains) ayant voté contre cette mesure abrogeant la neutralité du net. Mignon Clyburn a notamment affirmé : « qui sera le plus affecté ? Les consommateurs et les petites entreprises ! ». Et de continuer : « les conséquences de la fin de la neutralité du net ne se feront pas sentir tout de suite. Mais j’ai peur qu’un jour nous nous rebellions et que, voyant ce qui a changé, il soit trop tard pour faire quoi que ce soit ». Jessica Rosenworcel, l’autre démocrate de la commission, s’est quant à elle indignée : « ce n’est pas bon. Ce n’est pas bon pour les consommateurs. Ce n’est pas bon pour les entreprises. Ce n’est pas bon pour tous ceux qui se connectent et créent sur Internet ».

Cette décision conclut un long débat sur la neutralité du net. La FCC avait en effet décidé de laisser le sujet aux mains des internautes : ils pouvaient commenter, soutenir ou protester contre une éventuelle remise en cause de ce principe pourtant aux origines d’Internet. La Commission avait tout de même reçu pas moins de 22 millions de réponses ! Un record sans précédent pour l’institution. Si la majorité des votes étaient pour la neutralité du Net, la FCC en a décidé autrement en statuant qu’au moins 7,5 millions d’entre eux étaient des spams, et ne valaient donc rien. Cela dit, la tendance était pourtant bien là : les Américains voulaient garder un Internet libre et égalitaire.

Pour les adversaires de la neutralité du net, l’argument en faveur de cette abrogation est principalement financier. La modernisation de l’infrastructure des réseaux, constante, a un coût. Faire payer les internautes pour proposer une plus grande qualité de contenu n’est, selon eux, pas un problème. Un argument qui s’entend, mais qui va avoir du mal à passer auprès des consommateurs.

Le temps d’Obama est révolu.

 

Pour l’instant, la France n’est pas touchée

Cette décision ne concerne que les États-Unis. Fort heureusement, la France n’est pas (encore) touchée par cette mesure. Pour le prouver, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques) a été interrogée par les Échos. Son président, Sébastien Soriano, a notamment affirmé : « quoi que fassent les États-Unis, nous gardons notre pleine souveraineté car la neutralité du Net se joue sur la dernière partie des réseaux et pas au niveau des câbles transatlantiques. »

Pour l’instant, nos fournisseurs ne seront donc pas affectés par ce changement de politique aux États-Unis. Mais lorsque l’on connait l’influence américaine, on ne peut que s’inquiéter quant au futur d’Internet…

Sébastien Soriano, à la tête de l’ARCEP.
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