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Les Néandertaliens accompagnaient leur viande d’une bonne quantité d’asticots, selon une étude

Les scientifiques ont longtemps pensé que les Néandertaliens étaient de grands consommateurs de viande

asticots
— Carlo 2020 / Shutterstock.com

Lorsque l’on pense aux Néandertaliens, on les imagine souvent en chasseurs robustes, traquant des proies imposantes dans un monde glacé. Pourtant, une hypothèse étonnante vient d’être avancée : et s’ils avaient aussi été amateurs de viande en décomposition, grouillante d’asticots ? Ce comportement, que l’on jugerait aujourd’hui répugnant, pourrait avoir été une stratégie de survie essentielle dans les environnements hostiles de l’ère glaciaire.

Une énigme chimique enfin élucidée ?

Selon une étude récente publiée dans Science Advances, les Néandertaliens ne se contentaient pas de manger de la viande fraîche. Ils la laissaient fermenter naturellement, jusqu’à ce qu’elle attire des larves. Ces dernières, riches en graisses et en protéines, auraient constitué un complément nutritif précieux. 

Depuis des années, les analyses isotopiques ont montré que les Néandertaliens avaient des signatures chimiques similaires à celles des grands carnivores comme les lions, les loups et les tigres. Autrement dit, ils semblaient avoir consommé des quantités de viande anormalement élevées pour des hominidés. Mais ce tableau pose problème. L’organisme humain n’est pas conçu pour supporter une alimentation exclusivement carnée, surtout si cette viande est maigre. 

Une consommation excessive de protéines peut entraîner ce que l’on appelle une intoxication protéique, une affection connue pour provoquer des nausées, de l’épuisement et même la mort. Comment alors expliquer cette consommation massive de viande, sans effets létaux ? La clé pourrait résider non pas dans ce que les Néandertaliens mangeaient, mais dans la manière dont ils le consommaient.

Les vertus nutritionnelles de la putréfaction

Pour explorer cette piste, les chercheurs se sont penchés sur une source étonnante de données : les études médico-légales sur la décomposition des corps. Au Tennessee, un centre spécialisé a mesuré les niveaux d’azote 15 (¹⁵N) dans les tissus musculaires humains en putréfaction ainsi que dans les asticots s’en nourrissant.

Les résultats sont parlants. À mesure que les muscles se décomposent, leur teneur en azote 15 augmente légèrement. Mais chez les asticots, cette valeur grimpe en flèche, atteignant jusqu’à 43,2 ‰, un niveau bien supérieur à celui mesuré chez les herbivores ou même chez la plupart des carnivores préhistoriques. Ainsi, en consommant de la viande pourrie et ses asticots, les Néandertaliens auraient pu afficher des taux d’azote semblables à ceux des super-prédateurs… sans pour autant adopter un régime mortel.

En d’autres termes, leur alimentation était probablement bien plus équilibrée que ce que la chimie suggérait à première vue. La graisse animale issue de la fermentation et les protéines contenues dans les larves leur apportaient les éléments nutritifs nécessaires, tout en évitant les dangers d’un excès de protéines.

Un dégoût culturel, pas biologique

Bien que la viande avariée puisse nous répugner, notre aversion pour son odeur ou son goût n’est pas universelle. Selon les chercheurs, il s’agit en grande partie d’un ressentiment culturel et acquis. Dans plusieurs sociétés traditionnelles, notamment dans les régions arctiques, la consommation de viande fermentée ou semi-putréfiée est une pratique courante depuis des siècles. Non seulement elle permet de conserver les aliments sans réfrigération, mais elle est aussi perçue comme une source de saveurs complexes et un mets raffiné. 

Avant l’ère industrielle, nos ancêtres étaient probablement bien plus tolérants aux aliments « périmés ». Leur système immunitaire, modelé par une exposition constante à une flore microbienne diverse, leur permettait d’éviter les intoxications graves, même en mangeant des produits que nous jugerions aujourd’hui immangeables.

Les Néandertaliens n’étaient pas de simples chasseurs carnivores, mais des mangeurs ingénieux et flexibles. Les auteurs suggèrent que « les valeurs élevées de δ¹⁵N chez les Néandertaliens reflètent la consommation de tissus animaux gras, de contenus stomacaux fermentés, de viande semi-putride ou putride, ainsi que d’asticots enrichis en azote ».

Néanmoins, des questions subsistent. Quelle quantité d’asticots était nécessaire pour influencer les signatures isotopiques ? Et comment les différentes techniques de préparation alimentaire modifiaient-elles leur valeur nutritionnelle ? Des recherches futures, inspirées des pratiques des populations autochtones, pourraient éclairer davantage ces points. En attendant, cette étude vient enrichir notre compréhension des Néandertaliens, souvent sous-estimés. Loin d’être de simples brutes mangeuses de viande, ils apparaissent désormais comme des êtres adaptatifs, dotés d’un rapport au goût, à la nutrition et à la survie bien plus complexe qu’on ne le pensait. Par ailleurs, durant des générations, les Néandertaliens se sont livrés à une étrange collection dans cette grotte.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: ZME Science

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