Une récente étude remet en cause beaucoup d’hypothèses en vogue sur l’homme de Néandertal. De sa date d’apparition à ses rapports avec l’homme moderne, en passant par la taille sa population, beaucoup de choses pourraient être à revoir.
Un cousin mal-aimé
L’homme de Néandertal a longtemps été mal considéré dans l’imaginaire populaire et même scientifique. De sa découverte au XIXe siècle aux travaux plus récents, ce « cousin » de l’homo sapiens a souvent été vu comme fruste et simiesque. Il faut dire que cet hominidé contemporain de l’homme moderne, ayant vécu en Europe d’environ -400 000 à -40 000 ans avant Jésus-Christ, n’était alors connu que par le biais de son squelette. Il a ainsi longtemps pâti de son physique trapu et disgracieux.
Les récentes recherches ont montré que notre cousin serait en réalité bien plus intelligent qu’on le pensait jusqu’alors. L’archéologie préhistorique a ainsi mis en évidence sa culture évoluée (outils, sépultures…), et son aire de répartition importante. En outre, depuis les années 2010, les techniques scientifiques liées à l’ADN remettent en cause l’idée d’une séparation stricte entre lui et nous. Cette analyse de l’ADN a en effet démontré une hybridation entre les deux espèces. Ainsi les homo sapiens non africains possèdent entre 1 et 3 % de gènes en commun avec homo néandertalis. On estime donc que 2 % du patrimoine génétique de ce dernier aurait survécu à travers nous. Quoi qu’il en soit, la séparation des deux espèces est un phénomène toujours obscur.
Le fossile qui change tout
Pour comprendre la divergence entre Homo Sapiens et Homo Neanderthalis, les chercheurs sont ainsi à la recherche du dernière ancêtre commun des deux espèces. Une étude récemment publiée dans Nature Communication est à cet égard passionnante. Les scientifiques de l’Institut Max Planck et de l’Université de Tübingen en Allemagne ont eu la chance de découvrir un os bien particulier. Ce fémur appartenant à un homme de néandertal, retrouvé dans la grotte de Hohlenstein-Stadel, pourrait bien remettre en cause l’histoire des grandes migrations préhistoriques. On estime généralement que l’homme moderne est sorti d’Afrique il y a 50 000 à 100 000 ans pour se répandre sur l’ensemble de la planète. L’homme de Néandertal, qui l’avait précédé en Europe et au Moyen Orient se serait quant à lui éteint il y a 30 000 ans.
Or, l’analyse de ce fémur fascine les chercheurs. D’abord, ses caractéristiques génétiques sont étranges. D’abord parce que HST, comme l’on nommé ces chercheurs, est l’un des plus anciens restes néandertaliens à être étudié d’un point de vue génomique. Il aurait vécu il y a approximativement 124 000 ans. Or, si son ADN nucléaire est clairement néandertalienne, sa lignée mitochondriale (transmis par la mère) le fait diverger des restes plus récents. Cela montre tout d’abord que cette espèce avait une diversité génétique plus importante que ce que l’on pensait. On peut donc réévaluer à la hausse l’importance de la population néandertalienne, qui devait être bien plus importante à l’époque que lors de son extinction (période que l’on connaît mieux).
Une nouvelle théorie sur les migrations préhistoriques
Surtout, cette divergence pousse les scientifiques à émettre une hypothèse quelque peu iconoclaste. Qui a bien pu laisser cette trace dans l’ADN de HST ? Que s’est-il passé entre le moment où l’ADN de Néandertal et celui de Sapiens se sont différenciés (environ -500 000 ans), et celui où HST et le reste de son espèce se mettent à muter génétiquement (il y a tout au plus 250 000 ans d’après l’équipe)? Leur théorie est qu’entre l’arrivée de l’ancêtre de Néandertal en Europe (autour de -500 000 ans) et la grande migration de l’homme moderne, d’autre groupes, déjà plus proches de l’homme moderne, seraient sortis d’Afrique et se seraient mélangés avec homo neanderthalis avant de péricliter. Ce mélange aurait donc eu lieu dans l’intervalle : » ces dates nous fournissent une fenêtre pour de possibles interactions et connections entre hominidés des deux continents « , explique Cosmo Posth de l’institut Max Planck, l’auteur principal de l’étude.
Cette hypothèse alléchante reste à vérifier. Il faudrait pour cela étudier l’ADN mitochondriale d’autres individus. Mais cette trouvaille ouvre en tous cas des perspectives d’étude intéressantes pour le futur de la discipline. Surtout, elle contribue à rehausser l’image de l’homme de néandertal et nous en apprend un peu plus sur cette espèce toujours mal comprise. Un autre grand mystère reste les causes de son extinction : changement climatique, maladie, mais aussi une possible lutte avec l’homme moderne… de nombreuses théories se font toujours concurrence. Les études qui éclairent ainsi les rapports entre l’homme moderne et Néandertal sont toujours précieuses.
Par Tristan Castel, le
Source: Science Alert
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