Bien avant la tour Eiffel, un lieu paraissant aujourd’hui improbable constituait l’une des principales attractions touristiques de Paris : sa morgue municipale.
Attraction morbide
Construite sur l’île de la Cité en 1868, celle-ci disposait d’une salle d’exposition où les dépouilles non réclamées étaient exposées dans l’espoir que les visiteurs, déambulant derrière des vitres, puissent les identifier. À cette époque, la révolution industrielle incitait de nombreux Français à quitter la province pour venir tenter leur chance dans la capitale, et les accidents mortels (noyades, notamment) et crimes étaient fréquents.
Il n’a pas fallu longtemps avant que cette morbide « salle des objets trouvés », présentée par les guides touristiques britanniques comme « Le Musée de la Mort », ne commence à attirer les curieux en masse. À la fin du XIXe siècle, la fréquentation quotidienne de la morgue était estimée à 40 000 visiteurs.
Au-dessus des cadavres (exposés pendant au moins trois jours et dont les parties intimes étaient masquées par des bandes de tissu ou des tablettes en bois) étaient suspendus leurs vêtements, offrant ainsi un aperçu de la vie du défunt. L’une des dépouilles les plus populaires était celle de « la femme coupée en deux », repêchée dans la Seine en 1876.
Immorale et dégradante
Ce n’est qu’à l’aube du XXe siècle que l’exposition publique des corps commence à faire l’objet de vifs débats. Considérée comme immorale et dégradante par ses détracteurs, cette exhibition « théâtrale » s’oppose aux rituels funéraires et au respect des morts. Celle-ci apparait également peu utile, avec moins de 20 % des dépouilles identifiées.
Un décret préfectoral interdit finalement l’entrée de la morgue au public en 1907. Elle est déplacée en 1923 vers un nouveau bâtiment du quai de la Rapée (XIIe arrondissement), constituant aujourd’hui le siège de l’Institut médico-légal de Paris.
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