La chapelle Sixtine, chef-d’œuvre emblématique de Michel-Ange, continue de fasciner par ses fresques magistrales. Parmi elles, une scène particulière, intitulée Le Déluge, suscite aujourd’hui une interrogation intrigante. Une jeune femme très peu vêtue se tient la poitrine, le visage apparemment figé dans l’agonie ou peut-être la résignation. Cette femme, peinte par Michel-Ange il y a plus de 500 ans, pourrait présenter les symptômes physiques d’un cancer du sein, selon une équipe internationale de scientifiques et d’historiens de l’art.
Un détail subtil mais troublant
Peint entre 1508 et 1512, Le Déluge est l’une des neuf scènes du Livre de la Genèse peintes par Michel-Ange. Selon le musée du Vatican, de nombreux individus, submergés par leurs biens, s’accrochent à l’espoir alors qu’ils sont confrontés à la colère de Dieu. Mais au milieu du chaos, une jeune femme se distingue par son expression tourmentée et la posture de son corps. Elle se serre la poitrine comme si elle était consciente d’une souffrance personnelle au milieu d’un désastre plus grand, avec un enfant qui pleure derrière elle.
Un groupe d’experts allemands, italiens, français, autrichiens et britanniques a examiné la représentation de la femme, sous la direction du médecin légiste Andreas G. Nerlich de l’université Ludwig-Maximilians de Munich. Ils se sont concentrés sur le sein droit de la femme en utilisant une technique interdisciplinaire appelée iconodiagnostic, qui consiste à analyser des œuvres d’art pour y déceler des indications de maladie.
D’après l’étude, publiée dans The Breast, l’équipe a détecté des signes caractéristiques d’un cancer du sein, notamment un mamelon rétracté, une aréole décolorée et une indentation évoquant une cicatrice au-dessus du sein. Ces détails, invisibles au premier regard, pourraient suggérer que Michel-Ange a intentionnellement dépeint une pathologie médicale dans cette œuvre biblique.
Une connaissance anatomique
L’état de la jeune femme contraste fortement avec d’autres représentations du corps des femmes dans l’œuvre de Michel-Ange, qui montrent des corps plus sains et plus équilibrés. Michel-Ange a représenté des seins sains et symétriques aux contours lisses dans les figures du Jugement dernier de la chapelle Sixtine et dans les sculptures de L’Aurore et de La Nuit de la chapelle Médicis.
La précision de ces détails ne serait pas un hasard. Michel-Ange, dès l’âge de 17 ans, avait pratiqué des dissections anatomiques, acquérant ainsi une connaissance approfondie du corps humain. Ce bagage lui a permis de représenter les corps avec un réalisme frappant, comme en témoignent ses nombreuses sculptures et fresques. Cependant, dans le cas de cette femme, le contraste est saisissant par rapport aux autres représentations féminines dans son œuvre, où les corps sont généralement idéalisés et exempts d’imperfections.
Cette attention aux détails suggère que l’artiste aurait volontairement intégré ces anomalies, peut-être pour refléter une réalité médicale qu’il avait observée. Cette hypothèse résonne avec le fait qu’à la Renaissance, le cancer du sein était une maladie connue, mais dont les mécanismes et les traitements étaient encore mal compris. Les médecins de l’époque attribuaient le cancer à un déséquilibre des humeurs corporelles, en particulier un excès de « bile noire ». Les traitements disponibles, comme la cautérisation ou les remèdes à base de plantes, étaient souvent inefficaces.
Une dimension humaine et introspective
Au-delà de l’aspect médical, cette scène pourrait également refléter une dimension plus personnelle et introspective. Michel-Ange, orphelin de mère à l’âge de six ans, aurait pu projeter une partie de son histoire personnelle dans cette fresque. Sa mère, Francesca, est morte après une longue maladie, possiblement un cancer. Ce détail biographique pourrait expliquer la présence de l’enfant qui pleure derrière la femme : une allusion au jeune Michel-Ange, confronté à la souffrance de sa mère.
Un autre élément, la présence d’un cheval dans cette scène, ajoute une couche supplémentaire d’interprétation. Selon certains témoignages, la mère de Michel-Ange aurait survécu à une chute de cheval alors qu’elle était enceinte de lui. Ce détail pourrait avoir été inclus par l’artiste pour immortaliser un moment clé de son histoire familiale.
L’historienne Agnes Arnold-Forster souligne que même si le cancer était incurable à l’époque, sa gravité et son impact émotionnel étaient bien compris. La représentation de cette femme pourrait donc symboliser l’inéluctabilité de la mort, au-delà du contexte apocalyptique du Déluge. Malgré la solidité des arguments avancés, il est peu probable que nous découvrions un jour la véritable intention de Michel-Ange en peignant cette femme. Par ailleurs, Michel-Ange s’est-il vraiment peint en Dieu dans la chapelle Sixtine ?
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: ZME Science
Étiquettes: michel-ange, cancer
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