Au cœur de la Révolution française, Marie-Antoinette a exprimé son amour pour le comte suédois Axel von Fersen dans des lettres au contenu partiellement caviardé, qui a pu être révélé grâce à des techniques avancées d’imagerie 230 ans après leur rédaction.
Un contenu longtemps resté mystérieux
À la demande des Archives nationales françaises, Anne Michelin et ses collègues de l’université de la Sorbonne ont étudié 15 lettres échangées par Marie-Antoinette et Von Fersen entre 1791 et 1792. Si la majorité de chaque missive était lisible, certains mots ou sections avaient été cachés sous des boucles lourdement rédigées et des lettres aléatoires (J, L et Ts pour la plupart) destinées à censurer le document.
Durant les années 1990, les unités médico-légales de la police nationale française avaient tenté de découvrir les mots cachés, mais la technologie de l’époque s’était révélée insuffisante. Pour cette nouvelle étude parue dans la revue Science Advances, les chercheurs ont utilisé le balayage par fluorescence X afin d’affiner la composition des éléments métalliques tels que le cuivre, le fer et le zinc dans l’encre des lettres.
Les différentes encres utilisées dans les lettres contenant des proportions différentes de ces éléments, l’équipe a pu personnaliser ses techniques de numérisation pour déchiffrer les mots originaux enfouis sous les couches d’encre, devant parfois ajuster ses méthodes pour un seul mot, dont la numérisation pouvait prendre plusieurs heures.
Des mots gribouillés par Von Fersen lui-même
Leurs analyses ont également permis de résoudre le mystère de l’auteur de la censure des lettres. En comparant la composition de l’encre utilisée pour gribouiller les mots et celle utilisée pour l’écriture de Von Fersen, les chercheurs ont confirmé que c’était le comte suédois lui-même qui avait procédé à la censure.
« Il y avait sans doute des raisons politiques de conserver ces lettres », explique Michelin, ajoutant qu’elles pouvaient être destinées à présenter une image publique plus favorable de la reine, qui a finalement été guillotinée en 1793. « Mais Von Fersen pourrait aussi avoir été très attaché à ces lettres. »
Marie-Antoinette a longuement écrit à Von Fersen sur les préoccupations politiques de l’époque, notamment sur la façon dont la famille royale faisait face à la révolution. Ses écrits censurés, cependant, comportaient un vocabulaire plus romantique : des termes comme « bien-aimé » et « adore » et des phrases intimes comme « Non, pas sans toi » et « toi, que j’aime et que j’aimerai jusqu’à mon… ».
« La correspondance n’est toujours qu’une partie de l’histoire »
Les relations extraconjugales étaient monnaie courante tout au long de l’histoire de la royauté française, de sorte qu’une romance entre Marie-Antoinette et Von Fersen ne serait pas surprenante, selon Michelin. Pour autant, les mots nouvellement découverts ne confirment pas qu’ils étaient amants.
« La correspondance n’est toujours qu’une partie de l’histoire », estime la chercheuse. « Nous écrivons, mais nous n’écrivons pas nécessairement ce que nous pensons. Et ce que nous écrivons peut être exacerbé par des situations dramatiques, comme une révolution. La reine n’étant plus libre de ses mouvements, il est évident que cela exacerbe ses émotions. On peut vraiment le ressentir dans ses écrits. »
Aussi avancées soient-elles, les techniques de microanalyse employées par les chercheurs n’ont pas permis de discerner les mots enfouis dans sept des lettres, qui restent pour l’heure un mystère. Il y a quelques mois, des chercheurs britanniques et américains étaient de leur côté parvenus à ouvrir virtuellement et à lire pour la première fois une missive datant de la Renaissance.
Par Yann Contegat, le
Source: New Scientist
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