Une femme marche dans la rue. Une voiture s’arrête à côté d’elle. Un groupe d’hommes en sort, l’attrape et l’emmène de force. Un enlèvement ? Dans certains pays c’est le début d’une cérémonie de mariage.
Le mariage par enlèvement est une pratique qu’on pensait dater d’un autre temps. Pourtant ce rituel reste d’actualité dans certaines régions du monde et pire, serait en expansion.
UNE TRADITION DU MARIAGE PAR ENLÈVEMENT
Dans de nombreuses cultures où il est encore pratiqué, le mariage par enlèvement tient du mariage arrangé. Les parents des deux partis s’accordent sur un mariage d’intérêt sans l’accord de la mariée et forcent donc cette dernière à se marier en la kidnappant.
La mariée est alors conduite dans la maison de son futur époux où attendent les membres de sa nouvelle famille. La pression sociale est telle que si jamais elle décide de refuser ce mariage, elle sera considérée comme « impure » du fait qu’elle ait déjà été dans la maison d’un homme, et sera bien souvent rejetée par les membres de sa propre famille.
Derrière ces mariages forcés, on retrouve bien souvent des motivations économiques, ce qui explique d’ailleurs leur présence dans des régions pauvres du globe. En Chine par exemple, comme le rapporte un article de A Safe World for Women, les mariages par enlèvement seraient en expansion du fait qu’ils coûtent moins cher qu’un mariage « traditionnel ».
On note aussi que dans de nombreuses traditions, la cérémonie de mariage incorpore l’enlèvement mais sous une forme symbolique. Mais ce symbolisme tend à se matérialiser de plus en plus en un vrai enlèvement. C’est notamment le cas dans une région où cette pratique est particulièrement répandue : le Kirghizistan.
AU KIRGHIZISTAN 1 MARIAGE SUR 2 SERAIT FAIT PAR ENLÈVEMENT
Le mariage par enlèvement est très développé dans les pays de l’Europe Centrale. Au Kirghizistan, on constate même que depuis la chute du bloc communiste, il y est en expansion. Dans ce petit pays situé entre le Kazakhstan et la Chine, le mariage par enlèvement est officiellement interdit par la loi. Pourtant dans les faits sa pratique est généralisée et les agresseurs sont rarement poursuivis par la justice.
D’après les études de Russel Kleinberg, professeur à la Philadelphia University et spécialiste de la région, près de la moitié des mariages pratiqués entre 2004 et 2013 tiendrait du mariage par enlèvement. ONU Femmes (Entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes) rapporte que chaque année au Kirghizistan on compte au moins 11.800 cas de mariages par enlèvement.
UNE PRATIQUE QUI RESTE PRÉSENTE À TRAVERS LE MONDE ENTIER
Si la situation au Kirghizistan est particulièrement préoccupante, il ne faut pas oublier que la pratique du mariage par enlèvement ne tient pas d’une culture ou d’une religion en particulier et reste présente partout à travers le monde. Dans un article sur ce sujet, The Independant recense 17 pays où ce type de mariage serait toujours actif. Parmi eux, on compte de nombreux pays d’Asie Centrale mais aussi la Chine et certaines régions d’Afrique, de Russie ou du Mexique. A Safe World For Women rapporte même le cas d’un mariage par enlèvement aux États-Unis en 2010.
Cette pratique qu’on pensait d’un autre temps montre la puissance du patriarcat dans notre société, un patriarcat qui encore aujourd’hui relaye la femme au rang de simple objet soumis aux désirs de l’homme.
DES CONSÉQUENCES DRAMATIQUES POUR LES VICTIMES
En plus de les priver de toute perspective d’avenir et d’émancipation, elle impose aussi à ces femmes un stress et une peur permanente de l’enlèvement. Un enlèvement qui est un acte particulièrement violent tant sur le plan symbolique que dans la réalité des faits, ce type de mariage s’accompagnant bien souvent de viols. Pire, nombreuses sont les victimes de ces mariages qui se tournent vers le suicide.
Le combat pour l’émancipation des femmes reste toujours d’actualité à travers le monde. Plus que tout, la pratique du mariage par enlèvement et son regain constaté depuis quelques années dans certaines régions du monde viennent souligner à quel point les acquis en matière d’avancée des droits et libertés des femmes sont fragiles.