Alors que la pollution lumineuse et les interférences radio rendent de plus en plus difficile l’observation astronomique depuis la Terre, les chercheurs se tournent vers des options plus audacieuses. L’une de ces options pourrait bien être la face cachée de la Lune, un environnement pratiquement vierge d’interférences. Ce site extraterrestre présente un potentiel énorme pour révolutionner la radioastronomie, mais des défis techniques et environnementaux restent à surmonter.
Les limites des télescopes terrestres et orbitaux
Les radiotélescopes terrestres sont de plus en plus gênés par des obstacles tels que les interférences radio locales et la distorsion atmosphérique. De plus, même les télescopes situés à haute altitude ne sont pas à l’abri des interférences dues aux satellites en orbite, rendant certaines observations quasi impossibles.
Le problème d’interférence ne se limite pas seulement aux signaux issus de la technologie humaine. En effet, même des éléments aussi basiques que les fours à micro-ondes peuvent perturber les mesures. Cette réalité pousse les scientifiques à envisager des solutions plus radicales pour éviter toute forme d’interférence terrestre.
Par ailleurs, placer des télescopes dans l’espace n’est qu’une solution partielle. Des télescopes comme Hubble et le JWST ont certes fait des découvertes révolutionnaires, mais ils ne sont pas adaptés pour capter les longueurs d’onde nécessaires à l’étude de certains phénomènes, notamment l’ère obscure de l’Univers. C’est là que la face éloignée de la Lune entre en jeu. De plus, des cratères lunaires pourraient servir de bases naturelles pour des antennes de grandes dimensions, semblables à l’observatoire d’Arecibo sur Terre qui a fonctionné pendant plusieurs décennies.
Le potentiel de la face cachée de la Lune
L’absence d’atmosphère et la protection contre les interférences terrestres font de la face cachée de la Lune un emplacement potentiellement idéal pour l’installation de radiotélescopes. Ce site isolé offrirait une opportunité unique d’explorer des questions jusqu’ici irrésolues dans le domaine de l’astronomie. De ce fait, la réactivation des missions lunaires dans la perspective d’y installer des radiotélescopes prend une importance croissante.
Un des enjeux les plus captivants serait l’étude de l’ère obscure de l’Univers, une période qui s’étend du fond diffus cosmologique jusqu’à l’apparition des premières étoiles. Les signaux radio émis durant cette période, généralement situés entre 0,5 et 50 mégahertz, sont quasi impossibles à détecter depuis la Terre en raison des distorsions atmosphériques.
Le projet pilote Lunar Surface Electromagnetics Experiment-Night (LuSEE-Night) est particulièrement révélateur de l’intérêt croissant pour ce type d’emplacement. Utilisant des antennes de 3 mètres, ce projet de recherche vise à envoyer un radiotélescope de petite taille sur la face éloignée de la Lune pour tester la faisabilité d’une telle entreprise. « C’est un environnement vierge, exempt de toute pollution radio, idéal pour les observations de l’ère obscure », affirme le Dr Kaja Rotermund du Berkeley Lab, partie prenante du projet.
Les défis techniques et environnementaux
Cependant, utiliser la Lune comme base d’observation n’est pas sans ses propres défis. Les variations de température extrêmes, allant de -175 °C à 140 °C, constituent une contrainte technique majeure. « Si nous réussissons à surmonter ces défis, cela pourrait vraiment ouvrir la voie à des missions plus grandes et plus complexes », déclare le Dr Aritoki Suzuki, chef de l’équipe de LuSEE-Night.
En plus des difficultés liées au climat lunaire, la communication avec les instruments pose un autre problème. Les signaux ne peuvent être envoyés directement depuis la Terre ; ils doivent être relayés par un satellite en orbite lunaire, ce qui complique davantage le processus. Des expérimentations sont en cours pour tester la durabilité des instruments dans ces conditions. Le projet LuSEE-Night vise à déployer un petit radiotélescope pour évaluer les risques et les avantages de tels emplacements.
En dépit de ces obstacles, si le projet s’avère réussi, il pourrait ouvrir la porte à des études plus approfondies et ambitieuses, faisant de la face cachée de la Lune le nouveau territoire d’exploration pour résoudre les mystères de l’Univers. Une nouvelle ère pourrait s’ouvrir, au cours de laquelle les mystères les plus profonds de l’Univers pourraient enfin être révélés, à condition de surmonter les nombreux défis techniques et environnementaux que cela implique.