Mathématicien et logicien brillant, Kurt Gödel faisait assurément partie des scientifiques les plus éminents du 20e siècle. Malheureusement, l’auteur des théorèmes d’incomplétude souffrait également de graves troubles mentaux (paranoïa, anxiété et dépression) qui finirent par lui coûter la vie.
UN SCIENTIFIQUE BRILLANT
Kurt Gödel nait en 1906 dans la ville de Brünn (aujourd’hui Brno), alors située en Autriche-Hongrie. À l’âge de 18 ans, il commence à étudier la physique théorique, les mathématiques et la philosophie à l’université de Vienne. À l’époque, la capitale autrichienne est connue pour abriter l’un des groupes de penseurs et savants les plus éminents de l’époque, connu sous le nom de « Cercle de Vienne ».
Sous l’égide de Hans Hahn, l’un des membres emblématiques de ce cercle de savants, le jeune Kurt Gödel achève sa thèse de doctorat à l’âge de 23 ans, connue sous le nom de « théorème de complétude de Gödel », dans laquelle il établit la complétude du calcul des prédicats du premier ordre.
En dépit de son génie immense, Gödel a énormément de mal à s’intégrer au sein du Cercle de Vienne, ses croyances théistes s’opposant à la doctrine du groupe, appelée « positivisme logique », qui affirme que la seule connaissance réelle est celle qui peut être démontrée de façon empirique, dont il va peu à peu s’éloigner.
En 1930, alors qu’il travaille encore pour le compte de l’université de Vienne, il démontre la complétude de la logique classique du premier ordre, qui établit que toute formule valide peut être démontrée, et publie un an plus tard ses deux incontournables théorèmes d’incomplétude dans une revue scientifique réputée :
« Dans n’importe quelle théorie récursivement axiomatisable, cohérente et capable de formaliser l’arithmétique, on peut construire un énoncé arithmétique qui ne peut être ni démontré ni réfuté dans cette théorie. »
« Si T est une théorie cohérente qui satisfait des hypothèses analogues, la cohérence de T, qui peut s’exprimer dans la théorie T, n’est pas démontrable dans T. »
Les travaux révolutionnaires de Gödel marquent ainsi un tournant majeur dans l’histoire de la logique en apportant une réponse négative à la question de la démonstration de la cohérence des mathématiques posée 20 ans plus tôt par le programme de Hilbert, censé assurer les fondements de cette discipline.
GRÂCE À SES TRAVAUX NOVATEURS, GÖDEL CONTRIBUE À RÉVOLUTIONNER LES MATHÉMATIQUES
Ces théorèmes font de lui une véritable célébrité dans le monde scientifique, et Kurt Gödel commence à donner des conférences dans le monde entier à partir de 1933. Alors qu’il se trouve aux États-Unis, il fait la connaissance d’Albert Einstein, avec lequel il noue une profonde amitié qui se poursuivra jusqu’à la mort de ce dernier en 1955.
Connu pour sa santé mentale particulièrement fragile, Kurt Gödel vit une terrible dépression lorsque l’Allemagne nazie annexe l’Autriche. Ne pouvant plus exercer à l’université de Vienne et face au risque d’être enrôlé de force dans l’armée allemande, il épouse Adele Nimbursky, une danseuse qu’il fréquente depuis des années, et le couple s’exile aux États-Unis.
Là-bas, il obtient grâce à l’appui d’Albert Einstein un poste à l’université de Princeton, et commence à enseigner à l’Institute for Advanced Studies tout en continuant à publier ses théories mathématiques.
Il devient officiellement citoyen américain en 1947 et obtient un poste de professeur titulaire à l’Institute for Advanced Studies en 1953. Tout au long des années 1950 et 1960, Gödel se concentre sur les mathématiques et la philosophie, publiant plusieurs articles qui traitent du platonisme et du fait que les systèmes mathématiques peuvent fournir des descriptions d’objets, même abstraits.
Bien que ses vues philosophies soient largement moins acceptées que ses théorèmes mathématiques, Gödel jouit d’une solide réputation outre-Atlantique, qui lui vaut d’ailleurs d’être promu professeur émérite de l’université de Princeton en 1976. Mais bien que sa carrière scientifique et professionnelle soit auréolée de succès, la santé mentale de Kurt Gödel ne cesse de se dégrader.
BIEN QUE LA CARRIÈRE SCIENTIFIQUE DE KURT GÖDEL SOIT AURÉOLÉE DE SUCCÈS, CELUI-CI SOMBRE PEU À PEU DANS LA PARANOÏA
Vers la fin de sa vie, celui-ci, rongé par la paranoïa, est convaincu que quelqu’un cherche à l’empoisonner et refuse de consommer les plats qui n’ont pas été préalablement goûtés par son épouse. Lorsque cette dernière tombe malade en 1977 et doit être hospitalisée durant six mois, il refuse catégoriquement de s’alimenter, et meurt finalement de dénutrition le 14 janvier 1978. Selon le rapport du médecin légiste, celui-ci pesait à peine 30 kilos lors de son décès.
Pour aller plus loin, découvrez également la vie d’Ada Lovelace, pionnière de la programmation informatique.