Véritable icône des programmeurs informatiques, la vie d’Ada Lovelace, digne d’un roman à sensations, est pourtant assez peu connue. Pourtant, sans son intervention dans le domaine de la programmatique, le monde actuel serait certainement très différent.

Augusta Ada King, comtesse de Lovelace, est née le 10 décembre 1815 à Londres. Unique fille légitime de Lord Byron et de son épouse Annabella Milbanke, ses parents se séparent rapidement après sa naissance. Issue d’un milieu très favorisé, sa mère, une femme cultivée aimant les mathématiques, souhaite que sa fille soit instruite par les meilleurs tuteurs.

Portrait d’Ada Lovelace enfant

Pour Annabella Milbanke, les mathématiques sont le moyen le plus sûr pour canaliser l’esprit de la jeune fille et la tenir éloignée de la dangereuse imagination et de la littérature si chères à son père, Lord Byron (Science Incarnate : Historical Embodiments of Natural Knowledge par Christopher Lawrence, Steven Shapin page 212).

Cela va à l’encontre de l’éducation des jeunes filles de l’époque dont on prête que le cerveau et le corps faible ne sont pas aptes à l’apprentissage et la compréhension des sciences mathématiques. Cependant, la jeune Ada montre un goût et des prédispositions pour les sciences qui émerveillent son entourage et ses tuteurs. Bien qu’absent, son père Lord Byron semble satisfait de son intelligence (Byron : Interviews and Recollections, Professor Norman Page, page 29).

CELA VA À L’ENCONTRE DE L’ÉDUCATION DES JEUNES FILLES DE L’ÉPOQUE À QUI L’ON PRÊTE UN CERVEAU ET UN CORPS TROP FAIBLE QUI NE SONT PAS APTES À L’APPRENTISSAGE ET À LA COMPRÉHENSION DES MATHÉMATIQUES

Alors qu’elle a 10 ans, sa mère décide de l’emmener voir les merveilles de l’Europe continentale, en particulier en France, en Allemagne et en Italie (Ada Lovelace : The Mathematical Genius par Lucy Lethbridge).

Machine analytique de Charles Babbage, exposée au Science Museum de Londres (Mai 2009)

FAIT NOTABLE POUR L’ÉPOQUE, SON ÉPOUX WILLIAM L’ENCOURAGE DANS SES ACTIVITÉS STUDIEUSES

Grâce à sa tutrice Mary Sommerville, une éminente femme de sciences de l’époque victorienne, Ada Lovelace rencontre, à 17 ans, Charles Babbage, créateur de la machine à calculs ou machine à différences, permettant d’éliminer les erreurs dans les tables de calcul. Les instructions sont données à l’aide de cartes perforées, à l’image de la machine à tisser Jacquard. Dès lors, la jeune fille se passionne pour la machine du professeur et débute une longue relation épistolaire avec l’éminent mathématicien.
A vingt ans, en 1835, elle épouse William King qui devient, quelques années plus tard, le premier comte de Lovelace.

De leur union naissent trois enfants : Byron, né le 12 mai 1836, Annabella (plus connue sous le nom d’Anne Blunt) née le 22 septembre 1837 et Ralph Gordon, né le 2 juillet 1839. Ces grossesses successives détériorent la santé d’Ada, déjà connue pour sa faible constitution. Cependant, en 1839, elle souhaite reprendre ses études mathématiques et trouve un nouveau tuteur en la personne d’Auguste De Morgan. Fait notable pour l’époque, son époux William l’encourage dans ses activités studieuses.

Sous la conduite de De Morgan, elle progresse encore en mathématiques et en algèbre. Pendant neuf mois, entre 1842 et 1843, Ada Lovelace traduit en anglais un long article du mathématicien italien Federico Luigi, comte de Menabrea, concernant la machine à calculs mise au point par Babbage. Une fois la traduction effectuée, Charles Babbage lui propose de compléter ce travail par ses propres notes et réflexions, ce que Lady Lovelace accepte avec enthousiasme. Au final, en plus de la traduction de l’article original, Ada Lovelace, encouragée par Charles Babbage, ajoute sept notes, numérotées de A à G, qui représentent au total trois fois le volume initial de l’article de Federico Luigi.

Diagram of an algorithm for the Analytical Engine for the computation of Bernoulli numbers

La note G est la plus célèbre, car elle présente le premier algorithme complet permettant de programmer la machine à calculs (Intelligence artificielle : Avec plus de 500 exercices par Stuart Russell, Peter Norvig page 15) pour résoudre les nombres de Bernoulli (Doron Swade, The Difference Engine : Charles Babbage and the Quest to Build the First Computer, Penguin (Non-Classics), 2002, p157). Dans ses notes, on voit combien Ada Lovelace était visionnaire sur les possibilités de la machine à calculs de pouvoir, par exemple, interpréter de la musique ou jouer aux échecs. (Doron Swade, The Difference Engine : Charles Babbage and the Quest to Build the First Computer, Penguin (Non-Classics), 2002, p 169).

Ada King, Countess of Lovelace, Edward Alfred Chalon, 1840

Dans des lettres à sa mère, elle affirme qu’elle a trouvé sa voie et que, si la souffrance physique est le prix à payer pour ses capacités mentales, elle est prête à l’endurer (Science Incarnate : Historical Embodiments of Natural Knowledge, Christopher Lawrence, Steven Shapin page 220). Parallèlement, elle délaisse de plus en plus ses enfants.

Dans l’espoir de trouver des financements pour la poursuite des travaux de Babbage, dont la construction de la machine à calculs, Ada Lovelace met ses compétences mathématiques au service des jeux de hasard. Hélas, cela ne fonctionne pas et elle se couvre rapidement de dettes. Tout comme Charles Babbage, Ada Lovelace n’a pas pu voir la construction de la machine à calculs achevée.

Elle meurt au jeune âge de 36 ans, tout comme son père, le 27 novembre 1852, d’un cancer de l’utérus. Elle laisse à son époux plus de 3 000 livres de dettes. Bien que ses travaux soient à la base de ceux d’Alan Turing, dès les années 1930, elle n’y est jamais citée. Il faut attendre le développement de la programmation informatique pour que son travail et sa personnalité excentrique soient redécouverts. Le nom d’Ada apparaît pour la première fois pour nommer le langage de programmation conçu entre 1977 et 1983 pour le département de la Défense des États-Unis. Suw Charman-Anderson a créé la journée Ada Lovelace en 2009, dans le but de célébrer les réalisations d’Ada, ainsi que celles de toutes les femmes travaillant dans la technologie. En 2012, Google lui a consacré un charmant Doodle.

En 2015, plus de 150 événements indépendants Ada Lovelace ont été organisés dans plus de 25 pays. Outre les nombreux ouvrages anglophones sur les sciences, où elle tient une place de choix, elle est également souvent mentionnée plus ou moins directement dans un certain nombre de films, livres et même jeux vidéo.

Si la vie d’Ada Lovelace vous a fasciné, la rédaction vous conseille de découvrir la vie tout aussi fantastique de Florence Nightingale, grande pionnière des soins infirmiers et des statistiques.

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