Les amateurs de comics le savent, Alan Moore est certainement l’un des auteurs les plus respectés et talentueux de sa génération. Si la qualité de son travail sur Watchmen et V pour Vendetta a su convaincre les lecteurs de tous horizons, une œuvre aura terminé d’installer le scénariste parmi les plus grands noms du comics : The Killing Joke. Plus violent que jamais, on y découvre le Joker alors qu’il s’apprête à bouleverser à jamais l’univers de Batman. Le DGS vous en dit plus sur cette œuvre magistrale.
Une histoire qui commence mal
Une fois de plus, l’histoire de ce comics débute avec une évasion de l’asile d’Arkham. Libre de faire ce qui lui plaît, le Joker décide de tourmenter le commissaire Gordon dans l’unique but de lui faire perdre la raison. Derrière son nouveau plan machiavélique, l’homme souhaite simplement prouver un point : n’importe qui et même le plus juste des hommes peut devenir fou après une mauvaise journée. Pour ce faire, il va s’attaquer à l’être le plus cher au cœur du commissaire, sa fille nommée Barbara Gordon qui mène secrètement une vie d’héroïne sous le nom de Batgirl.
Loin de se contenter des méfaits auxquels le lecteur avait jusque-là été habitué, le Joker tire sur la jeune femme, touchant sa colonne vertébrale et paralysant son corps. Une fois Barbara incapable de se défendre, il la déshabille, l’offre comme récompense à ses hommes et la photographie. Mutilée, violée, la jeune femme est alors abandonnée et laissée pour morte.
C’est alors vers le commissaire lui-même que se tourne le Joker : kidnappé et déshabillé à son tour, il est emmené dans un parc d’attractions et c’est sur un manège qu’il est forcé de regarder les photos prises quelques heures plus tôt par le Joker. Après avoir assisté impuissant à l’horreur qu’a subie sa fille, Gordon se retrouve enfermé dans une cage pour animaux et humilié par les hommes de main du Joker.
Le Joker se dévoile
Sans compter l’aspect extrêmement violent de ce comics, un certain nombre d’éléments dénotent des autres œuvres ayant centré leurs récits sur la folie du Joker. En effet, The Killing Joke (aussi titré « Rire et mourir » sur certaines éditions) nous éclaire sur le passé du personnage : ancien ingénieur, il aurait quitté son travail dans le but de vivre son rêve et devenir comédien. Face aux difficultés rencontrées dans sa nouvelle carrière, l’homme baisse les bras et rejoint une organisation criminelle pouvant lui permettre d’aider financièrement sa femme enceinte. Vêtu d’un casque rouge et d’un costume violet, il convient de participer à un cambriolage. Malheureusement, au moment de passer à l’acte, il apprend que cette dernière est morte et avec elle, l’enfant qu’elle portait. Il décide alors d’abandonner ses projets criminels mais s’y voit forcé par l’organisation, et alors que le cambriolage tourne à la catastrophe, l’homme voit apparaître Batman.
Poursuivi, il chute et tombe dans un fleuve rempli de produits chimiques. Déformé par l’acide, son visage n’affiche plus qu’un sourire figé et de sa bouche s’échappe un rire, celui du Joker. Cette seconde histoire nous en apprend beaucoup sur le personnage, son comportement et les liens qui l’unissent à Bruce Wayne. Sans trop en dire, le scénariste nous force à nous questionner sur la santé mentale du héros en terminant son récit sur une blague : alors que Batman arrête le Joker dans le parc d’attractions, ce dernier se lance dans une tirade : « C’est l’histoire de deux fous dans un asile… » et ensemble, les deux hommes rient aux éclats.
La fin d’une époque
En 2013, soit 25 ans après la parution de The Killing Joke, Brian Bolland a tenu à éclairer les lecteurs sur quelques aspects du comics passés inaperçus et notamment une interprétation de la fin de l’œuvre tendant à dévoiler la mort du Joker. En effet, la fin du comics ne s’arrête pas seulement sur une blague du Joker et les rires des protagonistes. Des deux, seul le rire de Batman continue jusqu’à la dernière case : la blague terminée, la chauve-souris aurait brisé la nuque du Joker, hors champ, terminant ainsi la longue épopée du personnage.
Bien qu’étant un « one shot », soit une publication unique et sans suite dans la continuité de DC Comics, The Killing Joke a eu une influence énorme sur le reste des aventures de Batman : en plus d’assombrir un peu plus l’ambiance de Gotham, l’œuvre de Bolland et Moore a bouleversé l’avenir de Barbara Gordon. Définitivement écartée de la Bat-Family, elle deviendra Oracle et assistera à son tour à un évènement horrifique, la mort violente de Robin.
L’histoire aura suffisamment marqué les lecteurs et la maison d’édition pour que des éléments soient repris dans différentes adaptations, comics et jeux vidéo. On retrouve ainsi le costume au casque rouge dans certains jeux vidéo et le récit est évoqué dans de nombreuses autres œuvres. En 2016, c’est en film animé qu’est adaptée l’histoire, sous la baguette du réalisateur Sam Liu (connu pour avoir réalisé Beware the Batman, la série animée de Green Lantern et bien d’autres films de DC). Il n’y a rien d’étonnant à une telle réception : en seulement 46 planches, le duo Bolland/Moore nous dévoile deux descentes aux enfers pour un même homme, dans deux époques différentes. Cette fois-ci, le lecteur est plongé dans la tête du vilain qui, tout comme son récit, est imprévisible et magistral.
Avec The Killing Joke, Alan Moore offre une lecture différente du Joker : plus violent et dérangé que jamais, le Joker nous pousse à réfléchir sur la limite entre le bien et le mal sans jamais nous attendrir sur sa condition. Un one shot aussi fascinant pour les fans de Batman que pour les néophytes qui ne peuvent y voir qu’une adaptation réussie de l’étrange personnage aux cheveux verts créé par Jerry Robinson, Bill Finger et Bob Kane en 1940.