Selon cette nouvelle étude britannique, l’oubli de l’abondance passée de la biodiversité, ou le fait que les nouvelles générations n’aient pas conscience de son déclin massif, constituerait un frein important à sa conservation.

Le « syndrome du changement de base »

En 1892, les papillons étaient si nombreux dans la campagne anglaise que le collectionneur de papillons S. G. Castle Russell rapportait pouvoir en capturer près d’une centaine en deux coups de filet. Un spectacle que Patrick Barkham regrettait de n’avoir jamais connu dans un ouvrage consacré à ces insectes et paru en 2010. Mais à en croire les conclusions de ces nouveaux travaux, l’auteur britannique est un cas définitivement rare, étant donné qu’à l’heure actuelle, beaucoup de personnes n’ont pas conscience du déclin massif de la biodiversité.

— Babaroga / Shutterstock.com

Pour parvenir à cette conclusion, Lizzie Jones a mis en relation les relevés de population réalisés en 1966 de 10 espèces d’oiseaux évoluant au Royaume-Uni avec les perceptions du public concernant leur abondance à l’heure actuelle. Et à sa grande surprise, plus de 900 personnes interrogées ont estimé que ces espèces, y compris celles connaissant un fort déclin, comme les moineaux, étaient aussi répandues en 2019 qu’elles pouvaient l’être des décennies auparavant. Un phénomène théorisé en 1995 par le chercheur canadien Daniel Pauly et connu sous le nom de « syndrome du changement de base ».

Un véritable fléau pour la conservation de la biodiversité

Afin d’illustrer ce concept, Pauly avait notamment comparé des photos de pêcheurs de Floride qui, au fil des générations, posaient tout aussi fièrement avec des prises ne cessant de diminuer. Et selon Lizzie Jones, cette nouvelle étude constitue la preuve empirique la plus évidente de l’évolution de ce syndrome. Le principal problème restant que les jeunes générations actuelles sont susceptibles de considérer ce qu’elles voient autour d’elles comme tout à fait normal. De son côté, le naturaliste Chris Packham va jusqu’à décrire ce syndrome comme un véritable « fléau » pour la conservation de la biodiversité.

Pour les chercheurs, lutter contre ce phénomène est simple : il suffirait de demander aux générations plus âgées de décrire la nature telle qu’elle était des décennies auparavant. « Tout ce que nous avons à faire, c’est d’amener les grands-parents à évoquer ces changements environnementaux avec leurs petits-enfants », avance Lizzie Jones.

« Si rien n’est fait, les liens nous reliant à la faune sauvage vont continuer à s’effriter, ainsi que notre volonté d’enrayer sa disparition. Si nous n’apprenons pas la nature dès notre plus jeune âge, que nous n’allons pas à sa découverte et que nous ne nous intéressons pas aux espèces qu’elle abrite, alors notre amnésie collective pourrait s’aggraver », conclut-elle.

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