La conquête spatiale est à son apogée. En posant un atterrisseur sur la comète Tchouri, en étudiant la composition géologique de Mars ou encore en construisant la Station spatiale internationale, l’Homme a amorcé une étape cruciale de son exploration cosmologique. L’ISS, justement, sur laquelle résident en permanence des cosmonautes, est un véritable bijou de technologie. DGS vous présente son histoire et le cheminement qui a finalement amené à sa construction.
Le 12 avril 1961, l’URSS frappait un grand coup dans sa course à l’espace contre son rival historique, les États-Unis. Ce jour-là, l’Union soviétique envoyait en orbite terrestre le premier homme, Youri Gagarine, et amorçait une fantastique époque d’innovations cosmologiques. Pour riposter, le géant américain poserait le premier pas sur la Lune, 8 ans plus tard, et franchissait à son tour un cap.
Dix ans après Gagarine, les Russes accomplissent un nouvel exploit : construire la première station spatiale au monde, Salyut 1. Le concept, lui, était déjà dans l’esprit des plus grands scientifiques depuis plusieurs décennies, puisque déjà en 1950, le concepteur des V2, Wernher von Braun, imaginait un futur dans lequel l’Homme aurait occupé une station orbitale permanente. La structure russe, elle, est lancée en avril 1971 depuis le désormais célèbre cosmodrome de Baïkonour. Quelques mois plus tard, l’URSS envoie à bord de Salyut 1 trois cosmonautes qui y vivent pendant 23 jours. Une première historique. Mais l’histoire est cruelle et les trois hommes décèdent tragiquement lors de leur retour sur Terre.
DANS LES ANNÉES 70, LA CONQUÊTE SPATIALE RESSEMBLE À UN MATCH DE BOXE ENTRE LES AMÉRICAINS ET LES RUSSES
En matière de conquête spatiale, et à l’image des années 60, la décennie suivante ressemble à un virulent match de boxe. Sur le ring, à gauche – à l’ouest -, les États-Unis. En face de l’Oncle Sam, le géant russe. Et les deux mastodontes se rendent coup pour coup. Alors, quand Salyut 1 est lancé en 71, l’Amérique ne peut en rester là. Elle décide à son tour de marquer les esprits et amorce le projet Skylab en 1973. Mais la NASA doit alors composer avec d’importantes coupes budgétaires et n’a d’autre choix que de bâtir sa station spatiale avec les composants dont elle dispose déjà. La structure de 90 tonnes, mesurant 35 mètres, sera donc construite à partir du troisième étage de la fusée lunaire Saturn V.
Malgré quelques problèmes techniques au moment du lancement, comme la perte d’une partie du revêtement thermique et de panneaux solaires, Skylab est une réussite. Lorsque arrive à son bord le premier équipage, celui-ci doit d’abord réparer le matériel. Il s’acquitte de sa mission avec brio et verra ses successeurs réaliser d’autres prouesses. La dernière équipe de Skylab, elle, restera 84 jours d’affilée en orbite dans la station, un nouveau record. Finalement, en 1979, la structure se désintègre en rentrant dans l’atmosphère terrestre, comme un retour aux sources. Qu’importe, l’Amérique a de nouveau repoussé les limites du possible et a prouvé sa détermination.
GRÂCE À L’EXPÉRIENCE SKYLAB, LA NASA SAIT QU’ELLE PEUT RÉPARER DU MATÉRIEL DANS L’ESPACE
Parmi les enseignements tirés de l’expérience Skylab, la NASA retiendra notamment la possibilité de réparer du matériel dans l’espace, comme ce fut le cas du premier équipage du programme, obligé de sauver la station pour sa propre survie. Mais l’agence spatiale américaine se rappellera aussi que les cosmonautes en orbite ne sont pas des hommes comme les autres et c’est la troisième équipe de Skylab qui le leur apprendra. Profondément marqués par la planification excessive de leur emploi du temps, les astronautes décident finalement, d’eux-mêmes, de s’octroyer une journée de congé. Apparenté à une mutinerie, l’épisode redéfinira les relations entre le contrôle au sol et les équipages en orbite.
Le 25 janvier 1984, le président américain Ronald Reagan énonce son célèbre discours sur l’état de l’Union et affirme que « l’Amérique est de retour la tête haute, regardant les années 80 avec courage, confiance et espoir ». Quelques mois plus tôt, le chef d’État avait déjà demandé à la NASA de lancer un programme de station spatiale pour la recherche scientifique et occupée en permanence. Aux côtés des États-Unis « d’autres pays seront invités à participer à ce projet, afin que [l’Amérique puisse] renforcer la paix, bâtir une prospérité et étendre la liberté à tous ceux qui partagent ses objectifs », déclare Reagan.
La NASA s’attèle donc au projet et met en place le programme Freedom, une station spatiale internationale qui aiderait à promouvoir l’investissement du secteur privé dans le cosmos. La structure, elle, devra répondre aux hautes ambitions fixées par Reagan et prévoit donc d’intégrer à son bord un laboratoire, des quartiers de vie et une infirmerie entièrement équipée. Mais le projet n’alla pas aussi loin que le président américain l’avait envisagé et les partenaires internationaux (Europe, Canada et Japon) mirent finalement quatre ans pour adhérer à la conception finale. Pendant ce temps, seule une petite partie du projet avait été construite et le budget alloué était déjà atteint.
APRÈS LA CHUTE DE L’UNION SOVIÉTIQUE, UNE COLLABORATION AMÉRICANO-RUSSE VOIT LE JOUR
Peu à peu, le programme Freedom tombe en désuétude, la faute à un appareil étatique américain rebutant à débourser les sommes colossales nécessaires à la construction. Parallèlement, en 1991, l’URSS implose et l’industrie spatiale russe manque cruellement d’argent. Seulement voilà, l’Union soviétique a déjà mis en orbite sa station spatiale Mir depuis 1986 et les États-Unis ont alors l’opportunité de récupérer l’incroyable expertise russe en matière d’espace. De là, naît l’idée d’une collaboration russo-américaine : le programme Shuttle-Mir.
Peu à peu, des échanges se mettent en place entre les deux nations, matérialisés par des missions communes. Ainsi, le 3 février 1994, le cosmonaute russe Sergueï Krikalev rejoint l’équipage de la navette spatiale américaine Discovery pour une mission orbitale. Un an plus tard, l’astronaute Norman Thagard prend place à bord d’un vaisseau spatial Soyouz pour passer 115 jours sur Mir.
LES DEUX PAYS SE METTENT À RÊVER D’UN PROJET TITANESQUE
Forts de cette collaboration spatiale inédite, les deux pays jadis ennemis se mettent à rêver d’un projet titanesque. Grâce à la collaboration d’une quinzaine de nations, dont onze États européens, le Canada, le Japon et le Brésil, un accord est signé le 29 janvier 1998 et prévoit la construction de la Station spatiale internationale ou ISS. La même année, le 20 novembre, le lancement du module russe Zarya inaugure l’assemblage de la station. Deux ans plus tard, le 31 octobre 2000, le premier équipage permanent décolle dans un vaisseau Soyouz à destination de l’ISS. Le projet est alors largement amorcé et vit déjà, mais va tout de même rencontrer plusieurs accrocs de taille.
Le programme de l’ISS se heurte à plusieurs problèmes importants, notamment dans sa construction. Des scientifiques du monde entier doivent collaborer, et dépasser leurs différences culturelles, mais surtout linguistiques ou encore logistiques. Exemple probant de ces dissimilitudes : les unités de mesure utilisées par chacun. Car si les Russes et les Européens se servent du système métrique, les Américains se réfèrent au système dit « impérial », basé sur des mesures en pouces, en pieds, en miles et en yards. Le projet de l’ISS a donc dû utiliser un espace numérique de travail commun, symbole de l’incroyable coopération mise en place.
Désormais, l’ISS est considérée comme une franche réussite et revêt une dimension politique, autant que scientifique. Car depuis son lancement, la station a accueilli des astronautes et observateurs du monde entier et permis d’incroyables découvertes scientifiques. Le projet, lui, est le résultat de cinquante ans d’avancées technologiques, de négociations et d’une collaboration scientifique et économique. Sur ce dernier point, la construction de l’ISS a atteint des sommes record, de l’ordre de 100 à 150 milliards de dollars, ce qui en fait l’objet le plus cher jamais construit par l’Homme. Mais pour une structure de cette envergure et de cette ambition, le prix relève de l’anecdote et l’Histoire ne retiendra que l’exploit.
L’histoire de l’ISS est fantastique et témoigne des nombreuses étapes qui ont été nécessaires à sa réalisation. Elle illustre surtout la force incroyable que peuvent déployer les hommes lorsqu’ils décident d’unir leurs moyens pour une cause qui dépasse leur simple condition. Ici, la science, le savoir et l’avenir de l’espèce tout entière. Si le cosmos vous intéresse, découvrez également 16 témoignages insolites qui vous immergent dans la vie d’un astronaute en mission dans l’espace.