La DARPA, ou Defense Advanced Research Projects Agency, développe actuellement un concept en collaboration avec plusieurs universités. Ce concept, encore au stade embryonnaire, est un appareil surnommé « pharmacie vivante implantable ». L’idée est de concevoir une usine miniaturisée, nichée à l’intérieur d’une micropuce, qui fabriquera des produits pharmaceutiques à l’intérieur même du corps humain.
La DARPA veut soigner les troubles du rythme circadien
Le premier objectif de la DARPA avec ce programme qui durera quatre ans et demi – dont le contrat avec des chercheurs a débuté en mai – est de réduire le décalage horaire. Pour rappel, le décalage horaire est un trouble du rythme circadien. Ce dernier régit la synchronisation interne de tous les organismes sur Terre.
Concrètement, lorsque nous passons d’un fuseau horaire à un autre, notre désalignement interne peut provoquer une réaction de fatigue, d’étourdissement ou encore de désorientation. Bien que l’on pourrait croire que le décalage horaire n’est pas méchant, cela pourrait constituer une menace pour les forces armées étant donné que ce désordre interne pourrait les empêcher d’agir au maximum de leurs performances.
D’ailleurs, une étude réalisée en 2019 a révélé que les troubles du rythme circadien se manifestaient même chez les personnes travaillant le soir. La vigilance et la performance au travail des travailleurs de la santé en pâtissaient grandement et il y avait également une augmentation du risque de syndrome métabolique et de maladies cardiovasculaires.
En quoi consiste cette pharmacie vivante implantable ?
Pour le moment, la DARPA envisage son concept de « pharmacie vivante implantable » sous forme de deux dispositifs distincts : d’une part, un implant de micropuce et d’autre part, un brassard.
L’implant contient une couche de cellules synthétiques vivantes provenant d’un donneur humain et repensées pour remplir des fonctions spécifiques. Ces cellules seront produites en série en laboratoire et appliquées sur une couche de lumières LED minuscules. L’implant comporte également un capteur qui mesure la température, un émetteur sans fil à courte portée ainsi qu’un photodétecteur.
Quant au brassard, il comportera un hub alimenté par batterie qui contrôlera une micropuce implantée sous la peau lors d’une procédure ambulatoire. Cette micropuce sera dotée d’un numéro d’identification unique ainsi que d’une clé de cryptage. Le hub recevra également les signaux émis depuis une application mobile.
Comment pourront-ils être utilisés ?
D’après les explications de Smithsonian Magazine, un soldat pourra utiliser cette pharmacie vivante implantable pour réinitialiser son horloge interne. Concrètement, il n’aura qu’à se connecter à l’application via son téléphone, puis saisir son itinéraire. Par exemple, un vol partant d’Arlington, en Virginie, à 5h30 du matin pour arriver 16 heures plus tard à Fort Buckner, à Okinawa, au Japon.
Le hub recevra alors le signal émis depuis l’application grâce aux communications sans fil à courte portée et activera les lumières LED à l’intérieur de la puce. Les lumières brilleront sur les cellules synthétiques et les stimuleront pour générer deux composés naturellement produits par le corps. Ces composés se libèreront dans la circulation sanguine et se dirigeront vers des emplacements ciblés comme le noyau suprachiasmatique (SCN), une minuscule structure située au centre du cerveau qui sert de stimulateur principal du rythme circadien. Ainsi, le flux de biomolécules modifiera l’horloge naturelle.
Quid des implications sur la sécurité et la protection des données personnelles ?
Les chercheurs affirment que l’utilisateur devra confirmer toute commande qu’il tape dans son téléphone sur le hub afin de se protéger contre le piratage et les logiciels malveillants. Les données de l’utilisateur seront stockées sur le hub et aucune migration vers le cloud n’est envisagée pour le moment.
Par ailleurs, les messages circulant du hub vers l’application seraient cryptés et le brassard lui-même contiendrait une option « kill switch » qui l’éteindra immédiatement. A noter que l’implant ne marche pas sans le brassard. Ainsi, il suffit à l’utilisateur de retirer son brassard pour désactiver immédiatement la puce électronique.
Josiah Hester, ingénieur informatique et professeur à la Northwestern University, coordonne la conception du hub externe de la pharmacie vivante depuis son laboratoire à Evanston, dans l’Illinois. Il conclut en disant que « si une entreprise comme Microsoft ou Apple essayait un jour d’intégrer cela dans ses produits, il faudrait qu’il y ait une discussion sociétale importante à ce sujet. Ce sont des données très sensibles. »
En tout cas, ce professeur est convaincu que cette micropuce sera révolutionnaire. Il déclare que « cet implant répondra aux événements qui se produisent dans le corps et s’adaptera en temps réel ». Pour le bioingénieur Omid Veiseh, qui travaille également sur ce projet, « il y a une formidable opportunité de pirater le corps, dans le bon sens, et de proposer les thérapies du futur. Si nous pouvons faire en sorte que cela fonctionne, cela ouvrira tellement de possibilités. »