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Les humains sont-ils vraiment plus aptes à voter que les singes ?

Lorsque vous votez, une partie de votre cerveau agit encore comme celui d'un singe

Singe Vote
Image d’illustration — © Timothy Gonsalves / Wikimedia Commons

Lorsque nous nous rendons aux urnes, nous avons souvent l’impression de faire un choix mûrement réfléchi, basé sur des faits et une analyse rationnelle. Et si, au lieu d’examiner les données politiques ou les stratégies de campagne, la réponse se trouvait dans les instincts d’une partie primitive du cerveau humain ? Les recherches menées par Michael Platt, professeur de marketing, de psychologie et de neurosciences à l’université de Pennsylvanie, sur des macaques rhésus montrent que, lorsqu’il s’agit de décisions telles que le vote, l’être humain n’est pas aussi rationnel qu’il le pense.

Les instincts primitifs influencent nos décisions

On associe souvent les réflexes instinctifs – comme le mécanisme de lutte ou de fuite – à un instinct de survie primitif. Pourtant, les humains disposent également d’un cerveau rationnel, capable de peser des informations, d’analyser des preuves et de prendre des décisions réfléchies. Alors pourquoi ce cerveau rationnel est-il souvent court-circuité par des instincts primitifs, même dans des contextes où la raison serait plus utile ? C’est l’une des questions qui ont poussé des chercheurs à étudier les macaques rhésus pendant 25 ans.

Ces singes partagent avec nous de nombreuses similitudes génétiques, physiologiques et comportementales, ce qui en fait d’excellents modèles pour des avancées médicales cruciales, comme le développement de vaccins contre la polio, le VIH/sida et le Covid-19, ou encore le traitement de la maladie de Parkinson par stimulation cérébrale profonde.

Le travail de Michael Platt sur la perception des candidats s’inscrit dans un effort plus large visant à comprendre comment nous interagissons socialement, et comment les circuits neuronaux qui sous-tendent ces interactions peuvent se détériorer en raison de maladies ou de facteurs tels que les inégalités sociales. L’objectif est de mieux soutenir les personnes confrontées à ces défis.

Le pouvoir des premières impressions

Des études antérieures ont montré que les adultes, et même les enfants d’âge préscolaire, peuvent prédire les résultats d’une élection en regardant brièvement les photos des candidats. Ces recherches confirment l’idée que notre cerveau primitif forme rapidement des jugements basés sur l’apparence physique, car cela était crucial pour notre survie. Mais pourquoi ce biais persiste-t-il ? De nouvelles recherches sur des macaques rhésus apportent des pistes.

Dans l’étude, en cours d’examen dans Proceedings of the Royal Society B, les chercheurs ont montré à ces singes des photos de candidats à des élections présidentielles et sénatoriales. De manière surprenante, ils ont pu prédire les gagnants simplement en se basant sur des caractéristiques visuelles. Les macaques ont passé plus de temps à fixer le visage des perdants que celui des gagnants. Ce « biais du regard » a également permis de prédire la part des voix des candidats, ceux qui avaient des traits plus masculins étant souvent les plus victorieux.

Lorsque les singes observaient des photos de mâles inconnus mais puissants, ils détournaient rapidement le regard pour éviter de montrer un signe d’agression. À l’inverse, leur regard s’attardait sur les mâles de rang inférieur ou les femelles. 

Des marques vertes et violettes tracent le regard du singe. Les singes ont passé plus de temps à regarder le candidat perdant que le vainqueur éventuel – dans ce cas, Mitt Romney, qui a battu Shannon O’Brien en 2002 pour devenir gouverneur du Massachusetts. © Y. Jiang

Une réminiscence de notre passé évolutif

Ces résultats montrent que les électeurs humains réagissent encore à des signaux de force physique, un comportement partagé avec nos cousins primates. Cette « gueule de bois évolutive » révèle que certains instincts, autrefois vitaux pour notre survie, persistent même lorsqu’ils n’ont plus de réelle utilité. Le fait que des singes puissent prédire les résultats électoraux sur la base d’indices physiques remet en question l’idée que les humains ont dépassé ces jugements superficiels. Cela peut être déconcertant pour ceux qui pensent fonder leurs choix politiques sur la rationalité.

Bien sûr, nos décisions de vote ne reposent pas uniquement sur des facteurs visuels. Mais ces éléments pourraient avoir une influence bien plus grande qu’on ne l’imagine. Prendre conscience de ces biais primitifs est une première étape pour en réduire l’impact. Les campagnes politiques exploitent déjà ces instincts en mettant en avant la force et la prestance d’un candidat. En tant qu’électeurs, nous pouvons contrer ces effets en nous concentrant sur les politiques, les expériences et les propositions des candidats.

Pour voter de façon plus réfléchie, il est crucial de s’exposer à des perspectives diversifiées, de remettre en question ses propres biais et de considérer les conséquences à long terme des choix politiques. Cela devient d’autant plus important lorsque l’on comprend à quel point nos décisions peuvent être influencées par des réflexes ancrés dans notre cerveau. Bien que nous ne soyons pas des singes, les instincts que nous partageons avec eux continuent de façonner subtilement nos choix. Pour rappel, la politique n’est pas réservée aux humains : ces animaux luttent également pour le pouvoir.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: ZME Science

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