Hasankeyf, une ville turque établie il y a 12 000 ans dans les vallées de l’Est de l’Anatolie, est menacée de disparaître. Alors que l’ancienne cité demeure l’un des vestiges les mieux préservés au monde, elle est sous le joug du gouvernement. Le projet de ce dernier ? Construire un énorme barrage hydroélectrique, supposé apporter irrigation, énergie et… argent.

Une ville historique

La ville d’Hasankeyf se trouve dans la région de Batman, en Turquie. Elle fut impliquée dans un grand nombre de changements historiques, puisqu’elle a fait partie successivement de l’Empire Romain, Byzantin, Arabe, Mongole et Ottoman. Elle compte entre autres une citadelle et une ville haute, un petit et un grand palais, la mosquée Ulu, un vieux pont et le tombeau de Zeynel Bey, ainsi que des centaines de sites inexplorés, la perte de la cité serait une véritable catastrophe. Hasankeyf remplit neuf des dix critères nécessaires à son classement au patrimoine mondial de l’Unesco.

 

Un bilan culturel, historique et humain calamiteux

Le projet n’est pourtant pas nouveau. Depuis les années 1950, le barrage d’Ilisu est prévu pour faciliter l’acheminement d’eau et d’énergie. Si le projet semble bénéfique pour l’économie de la région, il l’est nettement moins pour la ville d’Hasankeyf, et encore moins pour l’écosystème en place. La construction du barrage, parcourant sur près de 50 kilomètres le Tigre, va faire augmenter de 60 mètres les eaux, inonder 80 % de la cité et submerger la citadelle.

80 000 personnes devront être déplacées, leurs maisons et leurs terres détruites et 300 sites historiques encore inexplorés seront démolis. La réponse du gouvernement turc face à la destruction de tout cela ? Un déplacement de quatre ou cinq monuments vers la nouvelle Hasankeyf et la construction d’un musée. Face à la fragilité de ces vestiges, il va sûrement être difficile de les déplacer…

Un écosystème menacé

D’un point de vue écologique, c’est encore pire. Au sein de la rivière du Tigre se trouvent de nombreuses espèces animales en danger, comme le vanneau indien, qui risque l’extinction à cause de la construction du barrage. Le célèbre fleuve, parcourant également la Syrie et l’Irak, sera également impacté par le barrage. Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement turc a annoncé devoir faire disparaître 210 cavités, creusées à même la roche par les ancêtres de la ville, pour des « mesures de sécurité ». Les autorités locales ont débuté les travaux, en escamotant les flancs de falaises environnants.

Devant ces problèmes environnementaux, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, comptant parmi les investisseurs étrangers, se sont retirés du projet en 2009. Mais cela ne stoppera pas le gouvernement turc, qui argue devant l’économie supposément florissante apportée par le barrage Ilisu. Point important : la ville d’Hasankeyf est composée en majorité de Kurdes. Si le barrage, projet datant des années 1950, est surtout motivé économiquement, il n’en demeure pas moins qu’il existe une éternelle tension entre la communauté kurde et la communauté turque.

Face à la colère des habitants et de la communauté internationale, le gouvernement turc devra se montrer impitoyable pour clôturer la construction d’un édifice qui, sans aucun doute, sera calamiteux d’un point de vue écologique, historique, culturel et humain.

Hasankeyf est traversé par le Tigre.
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