Revêtez la peau d’un cyborg vengeur prêt à tout pour sauver sa belle dans Hardcore Henry, film sensation de 2015. Au cœur de l’action, les os craquent et se brisent, en boucle. Les balles fusent et les coups pleuvent tout autour de vous. Oui vous, vous êtes Henry, et vous distribuez high punchs et low kicks comme Bruce Lee. Les douilles se répandent plus vite que le sang ne coule et vous devez aller vite, plus vite, courir, toujours, pour rattraper le psychopathe qui menace votre bien-aimée.
Le groupe russe indépendant Biting Elbows avait surpris en 2013 par son clip de musique Bad Motherfucker. Ilya Naishuller, jeune réalisateur aux commandes, propose alors une vidéo tout en action qui nous emporte dans une course-poursuite mafieuse en vue subjective. Des flingues, de la baston, du sang, des guns, du parkour, beaucoup de sang, des tatanes, etc, etc. Ça ne s’arrête jamais de bouger, sauter, frapper pendant 5 minutes d’adrénaline. 32 millions de vues plus tard, le buzz ayant porté ses fruits, c’est avec la même saveur qu’un long métrage est commandé pour nous être servi en 2015.
Même principe, même technique, même réalisateur. Cette collaboration russo-américaine de 90 minutes, entièrement filmée en point de vue subjectif grâce à des GoPro, nous emmène visiter Moscou pour la journée. On se retrouve donc dans la peau d’Henry, un mec plutôt hardcore qui, bien fâché de voir sa femme se faire enlever, part à la poursuite du méchant psychopathe. Dommage pour lui, Henry est un cyborg. Dommage pour nous, le méchant est doté de pouvoirs télékinésiques.
Que les choses soient claires. Ce film n’est pas destiné aux gamers ! Pas de barre de vie, pas de points de combos, pas de level up. Evidemment si vous avez l’habitude de partir dans des guerres vidéoludiques, vous expérimenterez une certaine analogie. En effet, l’intention est la même. Vous mettre dans la peau d’un gros dur qui flingue des méchants pour rendre le monde meilleur. Pour cela, le point de vue à la première personne fait le gros du travail, complété par le mutisme de Henry et le jeu des acteurs qui donnent la réplique à la caméra.
D’un point de vue purement technique, Henry aura été joué par 13 cascadeurs et cadreurs différents, parfois même Naishuller lui-même, portant un caque/masque équipé d’une GoPro augmentée d’un système de stabilisation magnétique. Les dégâts s’élèvent à 20 caméras détruites, souvent par un coup de pied mal placé, et 5 points de suture et une dent déchaussée. Un exploit quant à la violence du film et le nombre de stunts réalisés.
L’immersion est parfaite. Nos muscles se tendent, on a du mal à respirer, notre concentration est maximum et on finit par s’en rendre compte après plusieurs dizaines de minutes, lorsque le premier temps mort de l’histoire est donné. Les contraintes apportées par le principe du film sont hardcore. La caméra garde un angle restreint, des mouvements limités par le cameraman/acteur/cascadeur et pour le bien de la diégèse, l’univers cohérent de l’œuvre, tout sera tourné comme un plan séquence de 90 minutes. Une prouesse technique donc, mais surtout un formidable travail de réalisation.
Pas de plan large, pas de scènes de transition, pas de traveling. Un plan et un seul, ce qu’Henry voit et vit. Il aura fallu travailler sur les détails, ces petits morceaux du script qui viendront donner toute la consistance et la saveur du film. Voir le dos d’un cascadeur poursuivi pendant 5 minutes ne présente que peu d’intérêt, alors Ilya Naishuller rajoute des obstacles, des éléments perturbateurs qui viendront gêner les coureurs, des petits trucs de mise en scène comme un mouvement de la main, un réflexe rapide qui nous maintient la tête sous l’eau.
Autre qualité du film, le jeu d’acteurs. Les rôles en eux-mêmes sont classiques. Le méchant, le gentil, la fille à sauver, le type qui veut nous aider, bref, des personnages fonction. Toutefois, parler à Henry, parler à la caméra, parler au spectateur n’est pas chose habituelle. L’interaction est nulle, comme un monologue. Il faut alors faire les questions et les réponses, imaginer les réactions, interpréter les sentiments. La caméra reste braquée directement sur le visage de l’acteur, si bien qu’il est le seul élément d’attention du plan. Comme quoi on nous avait promis de la baston, mais il y a aussi du beau jeu.
Au final, la subjectivité forcée enferme l’image mais nous ouvre une nouvelle perspective. On oublie les mouvements de caméra pour montrer l’action, on retient l’attention pour aller à l’essentiel et créer une autre expérience. Lorsque l’on imagine les possibilités offertes par les nouvelles technologies de réalité augmentée, on ne peut qu’être impatient de voir fleurir plus de ces œuvres d’un nouveau genre.
Hardcore Henry est une claque visuelle aussi violente que véloce. Pensé comme un FPS, ce film d’un nouveau genre popularise une autre façon de faire vivre l’image. Plus personnelle, plus immersive, plus intense, l’expérience promène et vous malmène dans un torrent d’action. Emporté par le mouvement, pas le temps de souffler. C’est en apnée que l’on visite Moscou, prêt à bondir pour sauver sa peau. Chaque fibre musculaire se tend et se détend au rythme d’un scénario des plus dynamiques. Une aventure éprouvante qui ravira les fans d’action et surprendra les amateurs de jeux vidéo.
Par Gabriel Pilet, le
Étiquettes: gopro, bad-motherfucker, biting-elbows, hardcore-henry, ilya-naishuller, film, fps
Catégories: Geek, Actualités