Les chirurgiens Pierre-Alain Clavien et Philipp Dutkowski lors de la réalisation de cette procédure historique — © USZ

Des chirurgiens suisses sont parvenus à greffer avec succès un foie, initialement jugé inapte à la transplantation, 72 heures après son prélèvement. Cette grande première a impliqué l’utilisation d’une machine à perfusion révolutionnaire.

Imiter plus étroitement les fonctions du corps humain

Le dispositif a été développé comme une solution alternative à la pratique clinique actuelle pour les greffes de foie, consistant à stocker l’organe dans la glace pendant une douzaine d’heures au maximum, ce qui représente un délai relativement court. L’espoir étant qu’avec une technologie permettant de les conserver pendant plusieurs jours, davantage de ces organes pourront être greffés.

Les scientifiques ont passé des années à perfectionner leur technologie, cherchant à la distinguer des autres machines à perfusion qui préservent les organes en vue d’une transplantation en imitant plus étroitement les fonctions du corps humain. Alimentant le foie prélevé en oxygène et nutriments, celle-ci contrôle également en temps réel les niveaux de glucose et de globules rouges du substitut sanguin. Une pompe sert de cœur de remplacement, un oxygénateur remplace les poumons, une unité de dialyse assure les fonctions rénales, tandis que des perfusions d’hormones recréent les fonctions de l’intestin et du pancréas.

Une étape majeure avait été franchie en 2020, lorsque l’équipe avait réussi à perfuser des foies de porc pendant une semaine et à rendre des foies humains endommagés à nouveau fonctionnels. Ce faisant, l’équipe a démontré comment la machine pouvait améliorer les taux de réussite des greffes, en augmentant la durée de conservation d’un foie et en « rajeunissant » les organes jugés inaptes à la transplantation.

La machine à perfusion développée par les chercheurs suisses — © USZ

Une importante percée

C’est précisément cette dernière fonction qui est à l’origine de la percée historique de l’équipe, détaillée dans la revue Nature Biotechnology, au cours de laquelle la machine a été utilisée pour restaurer un foie initialement « écarté par tous les centres ». Traité pendant trois jours avec divers médicaments afin de le rendre transplantable, l’organe a été implanté chez un patient cancéreux souffrant de plusieurs maladies hépatiques graves.

Ayant reçu un immunosuppresseur de base pendant les six premières semaines suivant la procédure afin d’empêcher son système immunitaire de rejeter le nouvel organe, l’homme s’est rapidement rétabli, retrouvant une qualité de vie normale sans aucun signe de lésions hépatiques. Un an après la procédure, celui-ci est toujours en vie.

« En raison de la progression rapide de ma tumeur, j’avais peu de chances d’obtenir un foie sur liste d’attente dans un délai raisonnable », a-t-il expliqué.

Pierre-Alain Clavien et son patient — © USZ

Vers un essai multicentrique

Pour l’équipe, les prochaines étapes consisteront à répéter la procédure sur d’autres patients, dans le cadre d’un essai multicentrique, et à étudier ses effets à long terme afin de démontrer sa sécurité et son efficacité, ouvrant la voie à son utilisation clinique.

« Nos travaux montrent qu’en traitant les foies à l’aide de cette machine à perfusion, il est possible de pallier le manque d’organes humains fonctionnels et de sauver des vies », conclut le professeur Pierre-Alain Clavien, de l’hôpital universitaire de Zurich.

Un peu plus tôt cette année, des chercheurs canadiens avaient de leur côté mis au point un traitement enzymatique permettant de rendre les organes prélevés « universels », afin qu’ils puissent être transplantés en toute sécurité sur n’importe quel patient.

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