
Des paléontologues ont découvert en Australie des fossiles de poissons vieux de 15 millions d’années remarquablement bien préservés. Cette découverte, faite dans l’État de Nouvelle-Galles du Sud, révèle un aperçu de la vie aquatique au Miocène, une période marquée par d’importants changements climatiques. Les fossiles appartiennent à une espèce nouvellement identifiée, nommée Ferruaspis brocksi. Cette espèce évoluait dans les eaux douces d’une région qui, à l’époque, était une forêt tropicale luxuriante. Aujourd’hui, cette même zone est devenue une région agricole aride.
Une trouvaille fortuite
Les chercheurs ont fait cette découverte sur le site de McGraths Flat, près de Gulgong dans l’État de Nouvelle-Galles du Sud en Australie. Après des recherches infructueuses sur un autre site fossilifère, ils ont décidé d’explorer cette nouvelle zone, où ils ont rapidement trouvé des fossiles exceptionnellement bien conservés. Jochen Brocks, chercheur en sciences de la Terre, a découvert par hasard un poisson fossilisé presque intact en ouvrant un rocher. Cette première trouvaille a mené à l’identification de plusieurs douzaines d’autres spécimens du même type.
Ce spécimen présentait un squelette intact et des tissus mous encore visibles, une rareté dans le domaine de la paléontologie. La préservation de ces fossiles est particulièrement remarquable. En effet, ils ont été enfouis dans un minéral riche en fer, la goethite, qui a joué un rôle important dans leur conservation.
Habituellement, les scientifiques ne considèrent pas ce type de roche comme favorable à la conservation des fossiles, ce qui rend cette découverte encore plus surprenante. Cela pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour la recherche paléontologique dans des formations rocheuses similaires. Selon Kate Trinajstic, paléontologue à l’université Curtin en Australie, cette découverte incite à réexaminer les roches riches en fer, qui pourraient masquer d’autres fossiles remarquables.
Un aperçu du régime alimentaire et de l’environnement du Miocène
L’état de conservation exceptionnel des fossiles a permis aux scientifiques d’examiner le contenu de l’estomac des poissons et d’identifier les proies qu’ils avaient ingérées avant de mourir. Ils se nourrissaient principalement de larves de moucherons fantômes, d’insectes et de bivalves. De plus, certains poissons fossilisés portaient encore des parasites, comme une moule d’eau douce juvénile appelée glochidie.
En laboratoire, les chercheurs ont utilisé un microscope électronique à balayage pour analyser la pigmentation de Ferruaspis brocksi. Ils ont ainsi détecté la présence de mélanosomes, des cellules responsables de la pigmentation. Ces analyses ont révélé que l’espèce possédait un ventre clair, un dos foncé et deux bandes latérales. Bien que les mélanosomes aient déjà été utilisés pour déterminer la couleur des plumes d’oiseaux fossiles, c’est la première fois que cette méthode est appliquée à un poisson préhistorique.
Cette nouvelle espèce a été appelée Ferruaspis brocksi, « Ferru » faisant référence au fer (en latin ferrum), en hommage à la roche contenant du fer dans laquelle les fossiles ont été trouvés, tandis que « brocksi » honore Jochen Brocks, à l’origine de cette découverte. Les chercheurs ont décrit les résultats dans un article publié dans le Journal of Vertebrate Paleontology.
L’histoire évolutive des poissons d’eau douce
Ferruaspis brocksi appartient à l’ordre des Osmériformes, un groupe de poissons d’eau douce à nageoires rayonnées comprenant des espèces modernes comme l’ombre et l’éperlan australiens. Toutefois, jusqu’à cette découverte, aucun fossile de cet ordre n’avait été trouvé en Australie. Cette lacune compliquait la compréhension de l’histoire évolutive et de la migration de ces poissons sur le continent.
Les scientifiques espèrent que l’étude de ces fossiles apportera un éclairage nouveau sur l’évolution des Osmériformes, mais aussi sur les changements climatiques du Miocène. Cette époque correspond à une transition environnementale majeure en Australie, marquée par un assèchement progressif du climat.
L’étude de ces fossiles fournit ainsi une précieuse leçon sur les conséquences à long terme des transformations environnementales. Comme l’explique Michael Frese, virologue à l’université de Canberra et coauteur de l’étude, « ces poissons fossilisés représentent une capsule temporelle du passé. Ils nous permettent de comprendre comment les espèces et les habitats ont évolué en réponse aux changements climatiques. » Par ailleurs, un fossile vieux de 180 millions d’années révèle le dernier repas fatal d’un poisson jurassique.