La communauté scientifique, chercheurs et associations, se sont réunis exceptionnellement pour dénoncer le trafic illégal d’espèces, véritable fléau pour la biodiversité et la vie sauvage asiatique. Les rapports font état d’un manque d’action alarmant et d’un laisser-aller en ce qui concerne le respect des réglementations. Nous vous présentons ce rapport et les solutions mises en lumière lors de leurs débats.
Des espèces sont décimées, la vie sauvage d’Asie est en danger, la biodiversité de l’ensemble de la planète pourrait être impactée, voilà les quelques constats inquiétants dressés lors du plus grand rassemblement de scientifiques tropicaux en Asie. Les responsables de ce désastre planétaire : le trafic illégal d’espèces en Asie, mais aussi la non-action de la communauté scientifique, des gouvernements et des entreprises.
Face à un tel problème, les scientifiques appellent à renforcer les lois, à mieux cibler les recherches pour mieux comprendre quelles espèces sont concernées par le trafic, à améliorer la législation pour empêcher les entreprises et sociétés concernées par le trafic de se dérober face à leurs responsabilités, à augmenter la surveillance des marchés, à imposer des sanctions commerciales aux pays qui ne respectent pas la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et bien sûr, à instaurer de nouvelles réglementations sur les installations d’élevage en captivité afin de freiner le blanchiment des animaux sauvages (qui peuvent être intégrés dans la « boucle » et se confondre dans le légal).
Le laisser-aller scientifique
« La communauté de recherche est en retard sur la communauté des acteurs de la conservation qui reconnaissent l’urgence des menaces posées par le commerce illégal d’espèces sauvages et la nécessité de la recherche connexe », a déclaré le rapport. « Il y a un manque de données écologiques de base sur de nombreuses espèces menacées par le trafic, et un manque à long terme, de recherches spécifiques sur les espèces. »
« Les fonctionnaires des douanes ont besoin de directives claires et simples pour être en mesure de différencier les espèces protégées de celles non protégées. De nombreuses espèces [concernées par le trafic] n’ont même pas encore été décrites scientifiquement. »
Paul Vasarhelyi / Shutterstock.com
C’est Jacob Phelps, chercheur à l’université de Lancaster, qui a animé le débat et a organisé le symposium. Il a dit à juste titre que la communauté de chercheurs « doit veiller à ce que la solution soit plus que de [simples] mots statiques ». Entouré de Chris Shepherd de l’organisation TRAFFIC, de Dwi Adihasto du WCS indonésien (The Wildlife Conservation Society – Indonesia Program), de Rebecca Wong, une experte du commerce de la faune en Chine, et de Clifford Eu impliqué dans le commerce légal de la faune, Phelps entend bien agir contre ce fléau en dénonçant ce qui fait défaut tout en proposant des actions concrètes.
« La communauté de conservation a travaillé sur les questions du commerce illégal pendant des années, et il est temps que les scientifiques s’impliquent plus activement », explique-t-il. « La Society for Conservation Biology (Société pour la biologie de la conservation) et l’Association for Tropical Biology and Conservation (l’Association pour la biologie et la conservation des communautés tropicales) ont un rôle clé à jouer pour aider à explorer, innover, concevoir, tester, critiquer et évaluer les interventions visant à endiguer le commerce illégal et permettre la protection durable de la faune et de la flore sauvages. »
L’aveuglement de certains gouvernements
Chris Shepherd a mis en lumière l’ampleur de la traite en Asie et les problèmes liés au commerce légal. En effet, le commerce légal est utilisé comme couverture pour des activités illicites. Il cite par exemple le cas du marché du gecko en Indonésie. « L’élevage en captivité est un problème de conservation énorme. Prenez l’exemple de ces commerçants qui d’après leurs chiffres produisent un tel volume de lézards en captivité, auraient alors besoin d’un empilement de boitiers de 2 mètres de haut et de 69 kilomètres de long, ainsi que de grandes quantités de nourriture. En réalité, il est bien plus simple pour eux de se fournir dans la nature et de faire passer ces lézards pour des lézards élevés en captivité que de conserver autant de ‘marchandises’. »
Dwi Adihasto énonce aussi la différence dans l’application de la loi. Alors que les fournisseurs ont tendance à être des membres au statut moyen dans la société, les acheteurs et les commerçants ont eux un statut bien plus élevé. On voit alors que les plus riches, les demandeurs, sont bien moins punis par la loi. Cependant, Rebecca Wong ajoute que la Chine a durci ses lois au niveau de la demande, du moins sur le papier. Clifford Eu voit les choses avec plus d’optimisme. Il pointe du doigt la réduction significative dans le trafic de certaines espèces en voie de disparition à Singapour, et rappelle que des progrès son possibles.
Une menace inquiétante sous-estimée
Dwi Adihasto explique que les pangolins et les Calao (une espèce d’oiseau quasi menacée) valent plus que leur poids en or en Indonésie.
Tony Lynam est un biologiste de la Wildlife Conservation Society (WCS) qui a travaillé à travers l’Asie sur les questions liées au trafic de la faune et de l’application de la loi. Il explique que « rares et difficiles à trouver, de nombreuses espèces ont maintenant une valeur commerciale beaucoup plus élevée pour les spécialités culinaires, comme trophées, en médicaments ou comme animaux de compagnie que jamais auparavant. Par exemple, la tortue étoilée de Birmanie vaut plus que son poids en or dans le commerce des animaux en Thaïlande ou au Japon. Comme l’espèce est éteinte à l’état sauvage, les gardes dorment au-dessus de leurs cages pendant la nuit pour empêcher le vol dans les installations d’élevage en captivité. »
Tony Lynam explique que le fond du problème réside dans l’importance que l’on donne aux trafics, face aux autres préoccupations. Alors que de nombreuses entreprises sont prêtes à s’engager contre la déforestation et la violation des droits humains dans leurs chaînes d’approvisionnement, les politiques d’entreprise ne prévoient rien contre le braconnage et le trafic de la faune. Triste réalité, alors même que l’on sauve l’habitat de ces animaux, nous sommes bien incapables de les sauver eux-mêmes.
« La perte d’habitat est l’une des principales menaces à la biodiversité à travers l’Asie. Mais dans de nombreux endroits où la perte d’habitat est maintenant stabilisée grâce à une meilleure planification de l’utilisation des terres et à la création d’aires protégées, le braconnage ou la récolte à des fins commerciales affecte encore la faune vivant sous le couvert forestier, dans les zones humides, ou l’océan », constate le biologiste pour Mongabay. « Le trafic illégal et le commerce non durable ont émergé comme la menace la plus pressante, affectant les espèces de la faune dans la région. »
Le rapport vise donc à rehausser le niveau d’importance du problème, et à faire réaliser l’ampleur de la catastrophe qui se produit parfois impunément sous nos yeux.
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La faune sauvage d’Asie est en grand danger face au braconnage, au commerce illégal et au trafic qui reste bien trop souvent impuni. La communauté de protection et de conservation de ces animaux tente ainsi d’ouvrir les yeux des scientifiques qui n’agissent pas encore suffisamment mais aussi des gouvernements qui restent muets face à cette catastrophe et même les entreprises qui se doivent de réagir dès maintenant contre le commerce illégal. Une bonne remise en question est nécessaire à l’ensemble de ces acteurs qui jouent un rôle majeur pour la survie des espèces d’Asie. On espère donc que ce rapport et les problèmes qu’il a mis en lumière permettront de faire avancer les choses.
Par Precila Rambhunjun, le
Source: mongabay
Étiquettes: danger, Asie, faune, flore, biodiversite, habitat
Catégories: Écologie, Actualités