Les faucons des îles Malouines, particulièrement les caracaras striés, surprennent par leur intelligence et leur capacité d’adaptation. Ces oiseaux rares, vivant dans un environnement austère et isolé, affichent des aptitudes cognitives qui redéfinissent notre compréhension de l’intelligence chez les oiseaux de proie. Grâce à des recherches récentes publiées dans la revue Current Biology, leur ingéniosité, leur mémoire à long terme et leur capacité d’apprentissage jettent un nouvel éclairage sur l’évolution des aptitudes aviaires.
Des oiseaux malins dans un environnement hostile
Pendant longtemps, l’Homme a hésité à reconnaître l’intelligence des animaux. Les premiers furent nos plus proches cousins, les grands singes, puis les autres mammifères. Mais plus récemment, il est devenu impossible d’ignorer comment des oiseaux comme les perroquets et les corbeaux utilisent des outils et résolvent des problèmes. Cependant, les faucons ne figurent généralement pas sur cette liste, ce qui pourrait bien changer.
Les caracaras striés (Phalcoboenus australis) appartiennent à la famille des Falconidae et habitent les régions froides de la Terre de Feu et des îles Malouines. Dans ces contrées balayées par les vents, où les ressources alimentaires sont rares, ces oiseaux opportunistes se nourrissent de tout, allant des œufs de manchots aux bébés phoques. Leur comportement coopératif pour capturer des proies plus grandes témoigne d’une organisation sociale complexe et d’une capacité cognitive remarquable.
Charles Darwin, lors de son voyage à bord du Beagle, avait déjà noté leur intelligence, bien qu’il exprimât des sentiments ambivalents à leur sujet. Un chapeau a été volé avant d’être abandonné et récupéré, une boussole a été dérobée sur le bateau, mais il ne pouvait ignorer l’intelligence des caracaras malgré ses critiques sur leur caractère. Darwin se demandait pourquoi un oiseau si vif d’esprit vivait dans un lieu si inhospitalier.
Une expérience qui confirme leur ingéniosité
Des chercheurs de l’université de médecine vétérinaire de Vienne, dirigés par Katie Harrington, ont récemment mis à l’épreuve l’intelligence des caracaras. Ils ont présenté à 15 oiseaux sauvages une boîte à énigmes contenant de la nourriture, accessible seulement après avoir résolu huit défis. Selon Harrington, les résultats furent stupéfiants. Les oiseaux ont rapidement compris les mécanismes et ont fait preuve d’une persévérance impressionnante.
Lorsque les chercheurs ont placé les boîtes sur le flanc d’une montagne venteuse des Malouines, les oiseaux se sont précipités pour les examiner. Chaque jour, chaque oiseau n’a eu qu’une seule chance de résoudre les énigmes. Les caracaras exploraient la boîte sous différents angles, déplaçant et examinant les pièces mobiles avec une énergie et une minutie qui reflétaient leur curiosité innée. Ils sont devenus de plus en plus compétents pour résoudre les problèmes au fur et à mesure qu’ils les étudiaient.
L’équipe a découvert que même si les caracaras étaient plus lents, ils avaient plus de chances d’atteindre leur objectif. Les tests étaient identiques à ceux que les cacatoès de Goffin avaient réussis avec brio en 2021. Selon Megan Lambert, auteure principale de l’étude, « les caracaras étaient tout de même meilleurs dans certaines tâches, probablement en raison de différences dans leur écologie ».
Une mémoire à long terme impressionnante
Un an après cette première expérience, les chercheurs ont rapporté les boîtes à puzzles sur les îles pour tester la mémoire des caracaras. Malgré l’absence de pratique intermédiaire, les oiseaux ont démontré qu’ils n’avaient pas oublié les solutions. Ils avaient conservé une mémoire spécifique des techniques utilisées pour résoudre les énigmes. Lorsque confrontés aux puzzles, ils employaient immédiatement les approches qu’ils avaient trouvées efficaces un an auparavant.
Dans d’autres cas, ils ont essayé une solution modifiée pour un défi différent avant de déterminer la meilleure marche à suivre. Certains ont même amélioré leurs performances, atteignant leurs objectifs quatre fois plus rapidement qu’à leur première tentative. Ceux qui avaient appris à le faire l’année précédente étaient presque deux fois plus rapides qu’un groupe témoin qui n’avait jamais résolu les problèmes auparavant.
En tant que généralistes opportunistes non migrateurs, ces oiseaux doivent continuellement ajuster leurs comportements pour tirer parti des ressources limitées et saisonnières des îles Malouines. Les chercheurs envisagent maintenant d’explorer comment ces oiseaux apprennent socialement au sein de leurs groupes. Leur longue période de jeunesse, durant laquelle ils interagissent avec leurs congénères, pourrait jouer un rôle clé dans le développement de leurs compétences cognitives. Par ailleurs, c’est prouvé : les corbeaux utilisent l’inférence statistique pour prendre des décisions.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: IFL Science
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