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Cette famille turque qui marche à quatre pattes intrigue les scientifiques

Ce cas rare remet en question les théories de l'évolution

Famille Ulas
— Natoe / Shutterstock.com

Depuis plusieurs décennies, la famille Ulas, originaire du sud de la Turquie, intrigue les scientifiques du monde entier. Certains de ses membres, incapables de lire, d’écrire ou de parler aisément avec des étrangers, remettent en question certaines théories fondamentales sur l’évolution et la génétique. En effet, contrairement à presque tous les êtres humains, ils marchent à quatre pattes. Ce comportement singulier a suscité de nombreuses hypothèses parmi les chercheurs, mais des questions persistent sur ses véritables causes.

Le mystère de la quadrupédie chez les Ulas

Cinq des 19 enfants de la famille Ulas qui marchent à quatre pattes ont attiré l’attention internationale en 2006. Cependant, malgré des décennies de recherches, aucune explication définitive n’a été trouvée. Cette forme de locomotion, unique chez l’homme moderne, soulève de nombreuses interrogations sur l’évolution humaine. Si le cas de la famille Ulas fait sensation, ce n’est pourtant pas leur seule singularité. Des analyses ont révélé que ces frères et sœurs souffrent également d’une déficience cognitive importante et présentent une petite taille cérébrale dans la région responsable du contrôle moteur.

Le biologiste évolutionniste Üner Tan, qui a été le premier à étudier cette famille, a suggéré que leur mode de marche était le symptôme d’une maladie génétique qu’il a appelée le « syndrome d’Üner Tan ». Tan a même avancé l’idée que cette quadrupédie pourrait représenter une forme de « régression évolutive », affirmant que la famille Ulas serait une anomalie de l’évolution humaine. Selon lui, l’incapacité des frères et sœurs à marcher debout serait le résultat d’une défaillance cérébrale.

Une « évolution à rebours » ou une hypothèse erronée ?

Bien que séduisante pour les médias, l’idée d’une régression évolutive présente plusieurs faiblesses. En premier lieu, les chimpanzés et autres primates non humains, nos plus proches parents dans l’arbre évolutif, ne marchent pas de la même manière que les membres de la famille Ulas. Une étude de 2014 menée par Liza J. Shapiro, anthropologue à l’université du Texas, a analysé en détail la démarche des Ulas et l’a comparée à celle des primates quadrupèdes. 

Ses résultats ont démontré que la manière de marcher des frères et sœurs Ulas est totalement différente de celle des singes : ils utilisent une séquence latérale, en déplaçant simultanément la main et le pied du même côté, contrairement aux primates qui se déplacent en alternant main gauche et pied droit, et vice versa.

De plus, les frères et sœurs Ulas marchent sur leurs paumes, contrairement aux primates qui utilisent leurs articulations. Leur style de marche est en réalité plus proche de celui d’humains en bonne santé à qui l’on aurait demandé de se déplacer à quatre pattes dans un contexte expérimental. Cela suggère que la quadrupédie de la famille Ulas est probablement liée à des principes biomécaniques plutôt qu’à une régression évolutive.

Un facteur génétique complexe

L’une des hypothèses avancées par Üner Tan était que la quadrupédie des Ulas pouvait être causée par une anomalie génétique affectant une région de l’ADN responsable de la bipédie chez l’Homme. Toutefois, cette théorie a été largement contestée par d’autres experts. Sean Carroll, biologiste évolutionniste au département de biologie de l’université du Maryland, a expliqué que la marche bipède est le résultat de l’action collective de nombreux gènes, et non d’un seul gène spécifique. La notion qu’une mutation unique puisse provoquer un « retour » à la quadrupédie est, selon lui, « complètement invalide ».

Il est possible que la famille Ulas porte une mutation génétique, mais cette anomalie est probablement plus générale et affecte plusieurs aspects de leur développement moteur et cognitif. Les déficiences du cervelet, comme celles observées chez les Ulas, peuvent avoir des effets étendus, touchant la motricité, la cognition, la communication et d’autres fonctions cérébrales complexes. En ce sens, la quadrupédie observée chez ces frères et sœurs pourrait être un effet secondaire d’une anomalie neurologique plus large, plutôt qu’une régression vers une étape antérieure de l’évolution.

Des facteurs environnementaux et sociaux

Bien que la génétique joue un rôle, elle n’explique pas tout. Un facteur crucial est l’environnement dans lequel la famille a grandi. Vivant dans une région rurale isolée de la Turquie, les membres de la famille Ulas ont eu un accès limité aux soins médicaux et aux services sociaux, ce qui a probablement contribué à leur développement atypique. Le manque d’intervention précoce pour corriger leurs difficultés motrices et cognitives pourrait expliquer pourquoi ces enfants n’ont pas acquis la capacité de marcher debout.

Des expériences menées avec des dispositifs d’aide à la marche ont montré que les frères et sœurs Ulas étaient capables de marcher debout avec un soutien adéquat. Le psychologue évolutionniste Nicholas Humphrey, qui a travaillé avec la famille, a rapporté que le simple ajout d’un cadre de marche avait radicalement transformé leur vie quotidienne. Ces résultats suggèrent que leur incapacité à marcher debout pourrait être liée à un manque d’opportunités de rééducation plutôt qu’à une impossibilité physique ou génétique intrinsèque.

Par ailleurs, voici 10 questions scientifiques sans réponse qui prouvent que l’Homme a encore beaucoup à découvrir.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: IFL Science

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