En 1993, les débuts de la génétique suggéraient l’existence d’un gène unique, le gène Xq28, censé définir l’orientation sexuelle. Mais une étude de grande ampleur parue jeudi dernier réfute ce modèle simpliste. En effet, si l’orientation semble effectivement avoir un facteur génétique, elle n’est pas le fait d’un seul gène, mais plutôt d’une multitude de génomes, ainsi que de nombreux facteurs environnementaux.
La génétique, mais pas que…
Publiée jeudi dernier dans la revue « Science », cette étude réalisée par une groupe de chercheurs américains et européens impressionne par la taille de son échantillon. Réalisée sur un demi-million de personnes ayant répondu à la question « Avez-vous déjà eu des relations sexuelles avec un personne de même sexe ? », elle confirme ce que les scientifiques soupçonnaient depuis longtemps et réfute les précédentes théories qui liaient l’orientation sexuelle à l’existence d’un gène unique.
Ainsi, selon Benjamin Neale, membre du Broad Institute d’Harvard et du MIT, « il n’y a pas de gène gay, mais de nombreux petits effets génétiques répartis dans le génome ». Les scientifiques ont réussi à isoler 5 positions précises sur nos chromosomes, appelées locus, qui semblent très clairement liées à l’orientation sexuelle.
A l’image de la taille ou de l’intelligence, l’orientation sexuelle n’est pas qu’une question de génétique. L’environnement dans lequel une personne évolue jouerait un rôle clé dans le développement de l’orientation sexuelle d’une personne. Comme le souligne Fah Sathirapongsasuti, scientifique pour 23andme.com, un site de tests ADN, « l’effet de l’environnement existe, mais on n’arrive pas à le mesurer exactement ».
Mais comme dans toute caractéristique humaine, il existe une composante environnementale insaisissable, et les facteurs génétiques et environnementaux interagiraient entre eux. Pour définir la taille d’un individu, par exemple, la taille des parents joue un rôle et crée des prédispositions, mais le cadre de vie dans lequel un individu évolue (la nutrition pendant l’enfance, ou le style de vie par exemple…) influe de manière insaisissable sur la façon dont une personne se développe physiquement.
Une avancée considérable, mais une étude qui a ses limites
Un travail qui réfute l’étude datant de 1993 du généticien américain Dean Hamer, qui pensait avoir identifié le fameux “gène gay” Xq28 en étudiant un échantillon de 40 familles.
En plus de ces résultats datant des années 90, cette étude remet également en cause la pertinence de l’échelle de Kinsey. Définie par le biologiste éponyme en 1948, elle situe les individus en fonction de leur orientation sexuelle de 100 % homosexuel à 100 % hétérosexuel, en passant par la bisexualité.
Or, selon les chercheurs, après avoir comparé les marqueurs génétiques influant sur le nombre de partenaires de chaque sexe, “supposer que plus on est attiré par quelqu’un du même sexe, moins on est attiré par l’autre est une simplification excessive”.
De par la délicatesse du sujet, les scientifiques appellent également à interpréter les résultats avec prudence. Avant de communiquer les résultats, l’ensemble des chercheurs a part ailleurs consulté diverses associations LGBT pour ne pas qu’ils soient un vecteur de discriminations. Et pour cause : la possibilité d’une influence génétique sur le sujet de l’orientation sexuelle sert d’argument depuis des années à une frange conservatrice de la société, qui considère l’orientation sexuelle comme un “choix”, et qui entend pouvoir y remédier par diverses “thérapies de conversion”. Mauvaise nouvelle pour ceux- là, l’orientation sexuelle ne peut donc ni se prédire, ni se modifier.
Une certaine forme de prudence est donc préconisée dans l’interprétation des résultats qui peuvent être considérés comme non exhaustifs. En effet, les scientifiques ont délibérément choisi d’exclure de l’étude les personnes transgenres ou intersexes, focalisant ainsi leurs recherches sur l’ADN des personnes cisgenres.
Enfin, les réponses à la question “Avez-vous déjà eu des relations sexuelles avec une personne du même sexe ?” (“jamais” ou “déjà”) peuvent s’avérer un peu simplistes. Comme le soulignent les chercheurs, “nos résultats demeurent imparfaits et ne peuvent d’aucune façon prétendre parler pour l’ensemble des orientations ou pratiques sexuelles dans leur complexité”.
Par Alice Mercier, le
Source: France TV info
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