C’est désormais officiel depuis ce mardi 24 septembre, la tombe de Franco sera bien déplacée hors de son mausolée. Une décision de la Cour suprême espagnole, qui relance le débat autour de la mémoire de l’ancien dictateur fasciste décédé en 1975. 45 ans après, pourquoi l’Espagne exhume-t-elle les restes de Franco ?
Un contexte politique chaotique en Espagne
L’Espagne est actuellement plongée en pleine période d’élections, la quatrième en moins de quatre ans. Les gouvernements se forment avec difficulté, et se montrent de plus en plus fragiles. En 2018, le Congrès espagnol avait déjà accordé son approbation, largement débattue à l’époque, pour retirer les restes de Franco de la Valle de los Caidos, ce mausolée monumental situé aux abords de Madrid. Ainsi, depuis un an, le gouvernement de Pedro Sanchez a clairement annoncé son intention d’exhumer le corps de l’ancien dictateur Franco.
Pour rappel, c’est Franco lui-même qui a demandé de son vivant la construction de la basilique, dominée par un catholicisme bien marqué, notamment dans son éloge de ceux qui ont participé à la “Croisade”, cette guerre civile entre 1936 et 1939. Également, d’autres conflits auxquels ont participé les Espagnols, comme celui contre le “bolchevisme” et “l’anti-Espagne” sont représentés. L’ensemble est surmonté d’une croix de 150 mètres de haut, et ce sont des prisonniers républicains qui avaient notamment participé à sa construction à partir de 1941. Juan Carlos, successeur de Franco, était présent lorsque l’ancien dictateur a été introduit dans ce lieu au cours d’une longue cérémonie en 1975.
Aujourd’hui, la décision du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez est validée par la Cour suprême, qui s’est réunie ce mardi 24 septembre. Le principal dilemme reposait sur la contestation de cette décision par les descendants du dictateur. Ils étaient fermement opposés à cette exhumation, mais les six magistrats en charge du dossier ont rejeté cette plainte.
Vers un lieu plus discret
L’actuelle tombe de Franco sera déplacée vers une sépulture bien plus discrète, probablement dans le cimetière d’El Pardo qui se situe au nord de Madrid. Ce lieu serait notamment choisi car c’est là que repose l’épouse de l’ancien dictateur, Carmen Polo Martínez-Valdés. Si le gouvernement socialiste actuel, au pouvoir depuis 2018, produit autant d’efforts dans l’exhumation du dictateur, c’est notamment pour rassembler, selon lui, les Espagnols autour d’une histoire commune.
Il s’agit également de tirer un trait sur l’histoire du franquisme, qui est aujourd’hui encore présent dans les discussions. On dit de Franco qu’il est “le plus vivant des morts”. La Valle de los Caidos ne doit plus, selon le gouvernement, être un lieu d’apologie ou de pèlerinage du franquisme. 35 000 combattants y reposent, principalement des nationalistes mais aussi des républicains, non loin de Franco.
Selon un porte-parole de la Cour, cité par l’AFP, la famille de l’ancien dictateur pourrait encore contester cette décision. La finalité, elle, ne changera probablement pas, même si la Fondation nationale Francisco Franco, des nostalgiques du régime, assure qu’elle va “continuer à lutter légalement jusqu’au bout pour que Franco reste là-bas”, comme le rapportent nos confrères de L’Internaute.
Pour rappel, Francisco Franco était un général, responsable d’un soulèvement militaire contre un gouvernement espagnol élu démocratiquement en 1936. De cela découle une guerre civile longue de trois ans, qui fera 500 000 morts. Vainqueur de ce conflit, il se place à la tête de l’Espagne et instaure une dictature nationaliste d’extrême droite, qu’il dirigera d’une main de fer jusqu’en 1975. Son règne est marqué par des violences régulières, de terribles répressions, notamment en supprimant 140 000 personnes au cours des premières années qui ont suivi sa prise de pouvoir, principalement des opposants politiques. En 2008, les actes commis par le régime ont été déclarés crimes contre l’humanité.
Pourtant, l’exhumation de Franco divise encore les Espagnols. En 2018, El Mundo, un grand quotidien, a ainsi révélé que 62,6 % des électeurs socialistes soutenaient l’exhumation, contre seulement 13,1 % des partisans du parti centre-droit. Pour la droite et l’Espagne, le sujet est toujours très inconfortable. La numéro deux du gouvernement, Carmen Calvo, a, elle, déclaré : “Une démocratie n’est pas compatible avec le fait d’avoir Franco dans un mausolée.”
Par Benjamin Cabiron, le
Source: Time
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