Une équipe de chercheurs de l’université de la Colombie-Britannique a découvert deux types d’enzymes qui pourraient transformer le sang de type A en sang de type O. Révolutionnaire, cette méthode pourrait permettre de créer un sang universel. L’ensemble utilise des enzymes qui proviennent de notre microbiote intestinal.
Pourquoi chercher à créer plus de sang de type O ?
L’étude a été publiée dans la très sérieuse revue Nature Microbiology. Les chercheurs se sont alors attachés à mieux comprendre les bactéries présentes dans les matières fécales humaines, et ce qu’elles pourraient apporter dans le domaine de la santé. Ils avaient déjà cherché à améliorer des enzymes existantes, mais cela n’avait pas marché. Pour arriver à de nouveaux résultats plus probants, ils se sont dirigés vers les micro-organismes du microbiote intestinal. Ce dernier abrite de nombreuses bactéries, qui sont capables de digérer des glycoprotéines de notre paroi intestinale, les mucines. Le point intéressant est que ces derniers éléments ont une composition “qui se rapproche des antigènes des globules rouges”, comme le rappellent nos confrères de Futura Sciences.
Il faut bien comprendre toutes les problématiques du sang qui caractérise l’espèce humaine. En effet, nous avons plusieurs types de sang, qui sont liés à différents sucres que l’on appelle des antigènes. Situés à la surface des globules rouges, on peut par exemple citer les types A et B qui ont deux types de sucres différents, ou le type AB qui a, logiquement, les deux. Enfin, il existe également le type O, qui ne possède aucun antigène, et qui est donc naturellement universel. Les chercheurs se sont donc attachés à trouver un moyen de supprimer les antigènes. Dans les faits, il y a aussi un système de rejet quand une transfusion de sang est effectuée. Un type B ne sera pas capable de donner son sang à un type A, car son système immunitaire va automatiquement le rejeter. En revanche, puisque le type O n’a pas d’antigène, il est capable de donner à tout le monde, et s’avère donc très précieux. On comprend donc tout l’intérêt des scientifiques de chercher à “fabriquer artificiellement” des donneurs universels.
En France d’ailleurs, nous savons que les besoins quotidiens en sang s’élèvent à environ 10 000 dons par jour, d’après l’Établissement français du sang. Une multitude de situations nécessitent cette ressource rare, et chaque année, plus d’un million de personnes sont soignées grâce à ces dons. Pour rappel, “toute personne en bonne santé, âgée de 18 à 70 ans, et ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection légale” est capable de donner son sang. Aujourd’hui, environ 7 % de la population française appartient au groupe O-, bien loin derrière les 38 % du groupe A+.
Que nous apprend l’étude ?
Les chercheurs pourraient bien avoir constitué une avancée majeure dans l’histoire de l’hématologie (=science du sang). Grâce à l’utilisation des enzymes nouvellement découvertes, ils sont parvenus à transformer du sang de type A en O-, le groupe des donneurs universels. C’est précisément en s’appuyant sur l’enzyme bactérienne flavonifractor plautii, qu’ils ont trouvée dans l’intestin, que cette modification a pu se dérouler.
Dans la revue Science, les chercheurs ne tarissent pas d’éloges sur cette découverte, qu’ils jugent d’ores et déjà très prometteuse. Harvey Klein, un expert américain en transfusion sanguine, a notamment déclaré : “C’est une première. Si ces données peuvent être reproduites, c’est assurément une avancée majeure.” Et on peut le comprendre, car la possibilité de créer plus de donneurs universels pourrait multiplier les stocks de sang dans les établissements spécialisés.
En s’appuyant sur les selles humaines et en extrayant leur ADN des bactéries intestinales, ils notent que les gènes d’enzymes trouvées, capables de digérer les mucines, ont mené à des découvertes impressionnantes : concrètement, ils ont pu convertir l’antigène A en antigène H (ce qui correspond au groupe sanguin O). En effet, ils ont pu éliminer les sucres caractéristiques du groupe A. Et comme nous vous l’avons dit plus haut, le groupe A est le plus fréquent en France ! Il y aurait donc une possibilité d’obtenir, sans grand effort, bien plus de donneurs universels. Mais ce n’est pas tout, puisque les chercheurs estiment qu’il est fortement possible de réaliser la même prouesse, mais pour les antigènes B des globules rouges.
Pour le moment, les scientifiques restent prudents. Même si cette découverte semble extraordinaire, il faudra encore beaucoup de tests et d’enquêtes avant de commencer à transformer des donneurs du groupe sanguin A ou B en donneurs universels. Il faudra évaluer précisément s’il y a des effets indésirables, notamment en passant par des essais cliniques. Et dans un contexte où nous nécessiterons de plus en plus de sang, cette nouvelle apparaît comme une aubaine pour les établissements spécialisés.
Par Benjamin Cabiron, le
Source: Phys
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