Pour la première fois, une équipe de scientifiques est parvenue à intriquer deux objets macroscopiques différents. Ce qui représente une étape majeure après l’enchevêtrement des particules subatomiques, généralement identiques.
« Plus les objets sont grands, éloignés les uns des autres et disparates, plus l’enchevêtrement devient intéressant »
L’enchevêtrement est l’un des aspects les plus étranges et les plus difficiles à comprendre du comportement quantique. Les particules enchevêtrées se comportent comme une entité unique où toute modification apportée à l’une affecte les autres. Plus étrange encore, les changements peuvent être transférés simultanément, ce qui a conduit à ce que le phénomène soit appelé « action effrayante à distance » par Albert Einstein, qui refusait de croire qu’il puisse exister, bien qu’il ait participé à sa découverte.
Les premières tentatives d’enchevêtrement ont impliqué des paires de particules subatomiques dans la même pièce, puis finalement à des distances de plus en plus grandes. Récemment, cependant, des phénomènes plus complexes ont été observés, notamment l’enchevêtrement récent de plusieurs milliards d’atomes. Les chercheurs ont également découvert que l’intrication quantique se produisait naturellement, notamment dans les étoiles et les quasars situés à des milliards d’années-lumière de distance.
Dans une récente étude publiée dans la revue Nature Physics, une équipe dirigée par le professeur Eugene Polzik de l’université de Copenhague a rapporté l’enchevêtrement d’une membrane vibrante en nitrure de silicium d’un millimètre de diamètre et d’un nuage d’un milliard d’atomes. Comme lors d’expériences précédentes, Polzik a placé le nuage atomique dans un champ magnétique et a utilisé la lumière passant à travers le nuage pour le lier à la membrane, portant ainsi le concept à une tout autre échelle.
« Plus les objets sont grands, éloignés les uns des autres et disparates, plus l’enchevêtrement devient intéressant, tant du point de vue fondamental que du point de vue appliqué », a expliqué Polzik dans un communiqué. « Grâce à cette approche, l’enchevêtrement entre des objets très différents est devenu possible. »
Des applications concrètes
L’idée que l’intrication quantique puisse donner vie à des concepts longtemps cantonnés au domaine de la science-fiction, comme les transmetteurs de matière, a été une motivation majeure pour la recherche sur le sujet. Bien que la route soit encore très longue avant de pouvoir envisager une telle possibilité, Polzik a estimé que l’avancée récemment réalisée ouvrait la voie à une application utile de ces travaux.
La précision des appareils de mesure les plus sensibles est aujourd’hui limitée par le principe d’incertitude de Heisenberg et le bruit intrinsèque du système. L’enchevêtrement réduit ce bruit et permet de contourner le principe d’incertitude, ce qui soulève la possibilité qu’une version plus grande de l’oscillateur enchevêtré de Polzik puisse améliorer la sensibilité des détecteurs d’ondes gravitationnelles et d’autres appareils de mesure de haute précision.
Bien que l’observatoire d’ondes gravitationnelles à interféromètre laser (LIGO) ait réalisé certaines des percées les plus importantes de ces dernières années en physique, des objectifs majeurs, tels que la détection d’ondes gravitationnelles continues, lui échappent.
On ignore actuellement si cela est dû au fait que les opérateurs n’ont pas encore analysé les données des parties du ciel concernées ou si les détecteurs n’ont tout simplement pas la sensibilité requise. Dans ce dernier cas de figure, la solution pourrait être de coupler les miroirs de LIGO, en lieu et place des membranes de Polzik, à un nuage atomique et d’utiliser ce nuage pour supprimer le bruit des miroirs. Le chercheur a indiqué travailler sur une nouvelle expérience dans l’espoir de démontrer la viabilité de cette approche.
Par Yann Contegat, le
Source: IFL Science
Étiquettes: physique-quantique, ondes-gravitationnelles, ligo, intrication quantique, enchevêtrement quantique
Catégories: Sciences, Actualités