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Vous l’avez certainement remarqué, lorsqu’un mandat présidentiel touche à sa fin, il est de coutume d’attendre un geste du chef de l’état, le pardon présidentiel. Cette grâce, que l’on peut observer dans certains pays, permet au président élu d’outrepasser les décisions de justice en supprimant ou commuant la condamnation d’un individu.

UN DROIT RÉGALIEN TOUJOURS D’ACTUALITÉ

À la fin du mois de décembre 2016, François Hollande accordait une grâce totale à Jacqueline Sauvage suite à la condamnation de cette dernière à 10 ans de prison pour le meurtre de son mari violent. Devenue l’un des symboles de la lutte contre les violences faites aux femmes, son histoire a fait les gros titres tout au long de son procès : face à sa condamnation et au rejet de sa demande d’appel, ses deux filles ont fait le choix d’envoyer une lettre au Président de la République avant d’obtenir, pour leur mère, la grâce présidentielle. Recours de la dernière chance, une demande de grâce rentre habituellement en jeu en désespoir de cause, alors que toutes les autres demandes ont été rejetées et si appliquées, ne modifie en rien les droits des victimes.

IL S’AGIT D’UN HÉRITAGE DES ANCIENS ROIS DE FRANCE

Ce droit, qui correspond à l’article 17 de la Constitution de la Cinquième République, est un héritage des anciens rois de France et de leurs droits régaliens. Il stipule que « Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel », soit de réduire ou d’annuler la condamnation d’un individu sans que cette action ne relève de l’amnistie (la condamnation reste inscrite sur le casier judiciaire du gracié).

Lettre de grâce de Louis XI en 1469

Cette règle, qui surpasse les pouvoirs de la Justice, était un devoir du chef de l’État qui avait comme obligation d’étudier les cas des condamnés à mort à l’époque où cette peine était encore en vigueur en Hexagone. Aujourd’hui, elle reste suffisamment rare pour faire les gros titres et doit être conduite selon des règles strictes auxquelles le chef de l’État ne peut pas se soustraire ; en effet, un individu condamné pour terrorisme, trafic de stupéfiants, délits financiers, violence contre les forces de l’ordre, crimes et délits contre un mineur de moins de 15 ans, actes racistes et infractions routières, ne peut en aucun cas obtenir le pardon.

LE DROIT DE GRÂCE TRANSFORMÉ AU FIL DU TEMPS

Dans le milieu des années 80, le droit de grâce se transforme : jusqu’alors individuel, il devient collectif et prend la forme d’une tradition du 14 juillet. En 1991, le président de la République François Mitterand octroyait des remises de peines collectives : 4 000 détenus seront concernés par ce droit régalien (dans le but de désengorger les prisons) avant que l’aspect collectif soit rayé de la constitution lors de la réforme de 2008. Aujourd’hui encore, la grâce est toujours utilisée : elle est bien plus fréquente que ce que les rares cas médiatisés peuvent laisser penser.

QU’EN EST-IL DANS LE RESTE DU MONDE ?

Aux États-Unis, la grâce présidentielle prend une autre dimension étant donné que la nation applique encore la peine de mort dans certains États. Alors que durant ces deux premières années de mandat, le 44e président du pays n’avait accordé aucune grâce, Barack Obama a changé la donne durant ses dernières années dans le bureau oval, profitant de son droit de grâce et d’amnistie pour se pencher sur les cas de nombreux condamnés.

OBAMA A UTILISÉ SON DROIT DE GRÂCE ET D’AMNISTIE PLUS DE FOIS QUE SES 11 PRÉDÉCESSEURS RÉUNIS

Ainsi, durant la fin d’année 2016 et durant une seule et même journée, il a battu un record en la matière en amnistiant 18 personnes et en réduisant les peines de 153 prisonniers. Tout comme ce fut le cas en France, le but de cette « campagne » de réduction de peine devait permettre d’alléger les prisons en libérant, dans un premier cas, les condamnés pour petits délits sans violence : les condamnations liées à la consommation et à la détention de drogue étaient spécifiquement visées par le gouvernement qui considère les sanctions appliquées trop lourdes par rapport aux délits commis. En accordant 1176 réductions de peine, Obama a usé son droit de grâce et d’amnistie plus de fois que ses 11 prédécesseurs réunis.

Le président Truman avec une dinde graciée

Chaque année et à la manière d’une démonstration de pouvoir, le président des États-Unis utilise son droit pour sauver une dinde à l’occasion de la fête de Thanksgiving. Cette amnistie, qui semble insolite pour les Français, divise outre-atlantique. Il s’agit, pour beaucoup, d’une parodie du droit de grâce qu’il ne convient pas détourner pour amuser le public. Pour d’autre, c’est simplement une tradition aussi inoffensive qu’amusante à la veille de la fête traditionnelle.

La reine Elizabeth II

Le Royaume Uni possède aussi son propre système de grâce : originellement, il s’agissait d’une prérogative royale qui revenait tout naturellement à la couronne avant que celle-ci ne décide de déléguer et de confier ce pouvoir aux exécutifs locaux. Dorénavant, c’est entre les mains des dirigeants de chaque pays du Royaume que se trouve le droit d’amnistier ou pas un condamné.

Alan Turing, un inventeur britannique, qui a été condamné à la castration chimique pour son homosexualité

En Angleterre et au Pays de Galle, c’est le secrétaire d’État à la Justice qui est chargé d’étudier les demandes de grâce quand, en Écosse, la mission revient au premier ministre. Enfin, Irlande du Nord, le droit de grâce revient au secrétaire d’État.

En 2016, le gouvernement anglais décidait d’utiliser son pouvoir pour offrir l’amnistie à tous les hommes condamnés pour homosexualité. En effet, le fait d’être homosexuel fut puni par la loi du pays jusqu’en 1967 et cinquante ans plus tard, la chambre des Lord a souhaité corriger les injustices commises avant la légalisation de cette orientation sexuelle.

Pour ce faire, le gouvernement a annulé les condamnations de 49 000 hommes condamnés, aujourd’hui décédés. Il s’agit d’un pardon posthume qui illustre la possibilité offerte par le droit de grâce de rectifier les erreurs du passé et de pardonner les crimes d’antan qui n’en sont plus aujourd’hui.

IRAN, INDE, CHILI : LE POUVOIR DU CHEF D’ÉTAT

Si dans de nombreux pays, la décision concernant une demande de grâce doit être étudiée par un ensemble de personnes, dans d’autres, il s’agit d’un pouvoir qui revient entièrement et uniquement au chef de l’État. C’est le cas de l’Iran où le chef de l’exécutif soit le Leader suprême, peut gracier les condamnés s’il juge leur situation injuste. Il est la seule personne à posséder ce pouvoir.

POUR BEAUCOUP, LA GRÂCE PRÉSIDENTIELLE FAIT ÉCHO À L’ÉPOQUE DES ROIS

Régulièrement remise en question en Hexagone, la grâce présidentielle fait écho à l’époque des rois et, pour beaucoup, ne devrait pas être appliquée à une démocratie moderne. En effet, offrir au chef de l’État la possibilité d’outrepasser les décisions de justice, alors que son rôle vis-à-vis de cette dernière a progressivement été limité durant plusieurs révisions constitutionnelles, semble contradictoire. Toutefois, son droit de grâce est bien différent de celui exercé durant la monarchie : à l’époque, le roi détenait pleinement le pouvoir de justice et la grâce n’en était qu’une petite partie.

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