Alors que la perte d’habitat et de biodiversité augmente partout dans le monde, la nouvelle épidémie de coronavirus n’est peut-être que le début de pandémies de masse. En effet, selon les scientifiques, les activités humaines et leur impact sur des écosystèmes jusqu’ici préservés en sont la cause.

Les zoonoses, ces maladies qui dépassent les frontières entre les espèces

La rage, Ebola, Covid-19… autant de maladies qui prospéraient chez les animaux avant de franchir la barrière des espèces, parfois même plusieurs fois, et d’infecter l’Homme. C’est ce qu’on appelle une zoonose, c’est-à-dire une maladie infectieuse des animaux vertébrés transmissible à l’être humain.

Certaines de ces maladies, comme la rage et la peste, ont traversé des animaux il y a des siècles. D’autres, comme le Marburg, qui serait transmis par les chauves-souris, sont encore rares. Quelques-unes, comme le Covid-19 et le MERS, qui est lié aux chameaux au Moyen-Orient, sont nouvelles pour l’Homme et se répandent dans le monde entier. Parmi ces maladies qui ont fini par infecter l’Homme, nous pouvons également citer la fièvre de Lassa, qui a été identifiée pour la première fois en 1969 au Nigéria, et le SRAS en provenance de Chine, qui a tué plus de 700 personnes et voyagé dans 30 pays entre 2002 et 2003. D’autres, comme le virus Zika et le virus du Nil occidental, qui ont émergé en Afrique, ont muté et se sont établies sur d’autres continents.

Une multiplication des zoonoses à cause de l’activité humaine

De nombreuses maladies qui frappent les humains proviennent des animaux. Selon une étude de 2014 menée par Kate Jones, chaire d’écologie et de biodiversité à l’University College de Londres, 65 % des maladies émergentes recensées entre 1980 et 2013 étaient des zoonoses. Ce chiffre est par ailleurs en augmentation sur les 33 années passées au crible dans l’étude.

Pourquoi un nombre si élevé et surtout pourquoi augmente-t-il ? À cause de l’altération des écosystèmes par l’activité humaine, qui rend les points chauds de biodiversité dangereux, c’est-à-dire les zones qui contiennent au moins 1 500 espèces de plantes vasculaires endémiques et qui ont perdu au moins 70 % de leur végétation primaire. Leur simple présence en elle-même n’est pas dangereuse. La construction de routes à travers la forêt tropicale, la déforestation ou encore le fractionnement des écosystèmes pour y installer des villes ou des champs instaurent les conditions parfaites pour l’émergence de nouvelles maladies.

« Il y a une incompréhension parmi les scientifiques et le public par rapport au fait que les écosystèmes naturels sont une source de menace pour nous. La nature contient des menaces, c’est vrai, mais ce sont les activités humaines qui font des dégâts. Le risque sanitaire dans un environnement naturel peut être aggravé quand on interfère avec », explique Richard Osfeld, scientifique du Cary Institute of Ecosystem Studies à New York, dans un article paru sur le site Ensia.

— tostphoto / Shutterstock.com

Le marché, lieu de transmission par excellence

Aujourd’hui, l’Homme entre en contact avec des espèces qu’il n’aurait jamais dû rencontrer. De ce fait, il crée lui-même les conditions favorables à l’émergence de zoonoses, en investissant des endroits de plus en plus reculés ou en se faisant côtoyer des espèces exotiques sur des marchés. Car le « marché humide », c’est-à-dire celui qui vend des produits frais et de la viande et qu’on retrouve notamment en Asie et en Afrique, est le lieu de transmission des zoonoses par excellence. Le marché de Wuhan est considéré par le gouvernement chinois comme le point de départ de la pandémie actuelle de Covid-19 et était particulièrement connu pour vendre de nombreux animaux sauvages tels que des salamandres, crocodiles, scorpions, rats, écureuils, renards, civettes et tortues. De même, les marchés urbains en Afrique occidentale et centrale voient des singes, des chauves-souris, des rats et des dizaines d’espèces d’oiseaux, de mammifères, d’insectes et de rongeurs abattus et vendus à proximité de décharges ouvertes et sans aucun drainage.

Un autre problème se pose. Les espèces animales sauvages souffrant de la raréfaction de leur habitat, leurs populations diminuent, voire disparaissent complètement. En perdant leur hôte naturel, les virus en cherchent un nouveau à infecter : l’Homme. Une fois que le virus a franchi la barrière des espèces et s’est adapté à l’organisme humain, les sociétés modernes, denses et ultra-connectées permettent une propagation rapide du virus.

— Rich Carey / Shutterstock.com

Une population surconnectée et concentrée

Eric Fevre, président des maladies infectieuses vétérinaires à l’Institut d’infection et de santé mondiale de l’université de Liverpool, souligne que la différence entre aujourd’hui et il y a quelques décennies est que les maladies sont susceptibles de surgir dans les environnements urbains et naturels. « Nous avons créé des populations densément peuplées où, à nos côtés, se trouvent des chauves-souris, des rongeurs et des oiseaux, des animaux de compagnie et d’autres êtres vivants. Cela crée une interaction intense et des opportunités pour que les choses passent d’une espèce à l’autre », explique-t-il.

Aussi, selon Kate Jones, « nous devons penser à une biosécurité mondiale, trouver les faiblesses et renforcer les systèmes de santé dans les pays en développement. Sinon, on peut espérer revivre le même scénario. »

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