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Les lobbies au pouvoir : nos députés votent le maintien de l’huile de palme parmi les biocarburants

Une nouvelle délibération a finalement eu lieu vendredi 15 novembre au soir pour annuler cette décision polémique

Ce jeudi 14 novembre, les députés de l’Assemblée nationale ont voté sans débat un report à 2026 de la suppression de l’huile de palme parmi la liste des biocarburants. Une décision dénoncée par les écologistes qui blâment « le lobbying éhonté de Total ». Finalement, une nouvelle délibération a eu lieu vendredi 15 novembre au soir, lors de laquelle l’Assemblée nationale a fait marche arrière avec un vote défavorable concernant cet amendement.

Une décision prise par l’Assemblée nationale qui a suscité la colère chez les écologistes

Alors que l’Assemblée nationale avait voté en 2018 l’effacement de l’huile de palme parmi la liste des biocarburants dès le 1er janvier 2020, mettant fin à un régime fiscal favorable dont ils bénéficiaient, celle-ci a voté sans concertation un report à 2026 de cet effacement.

Total est la première entreprise pétrolière à produire le plus de carburant à base d’huile de palme dans sa nouvelle raffinerie de La Mède, située près de Marseille. Après ce premier vote, elle avait essayé de demander un recours, que le Conseil constitutionnel avait finalement refusé le 11 octobre dernier tout en reconnaissant les effets de production d’huile de palme sur la déforestation.

C’est en plein examen du budget pour l’année 2020 que les députés ont pris cette décision le jeudi 14 novembre. Une décision soutenue par des élus MoDem, LREM et LR des Bouches-du-Rhône. Les députés signataires ont expliqué vouloir « laisser une période transitoire suffisante de stabilité fiscale et réglementaire aux acteurs économiques français ».

— nirapai boonpheng / Shutterstock.com

Cet amendement n’a pourtant pas été soutenu par Joël Giraud, rapporteur général LREM. Il s’est indigné sur le tournant qu’a pris cette décision. En effet, celle-ci a été prise sans « le moindre débat ». Une telle décision suscite donc la colère chez certains députés et surtout chez les associations écologistes. Jeudi soir, François Pupponi, député Libertés et Territoires, a émis le souhait de mettre en place une « deuxième délibération« , car la façon dont le vote s’est passé n’a « pas été correcte ». Le Sénat a également la possibilité de revenir sur ce vote. Les députés de la majorité et de l’opposition souhaitent également un nouveau scrutin.

« L’amendement est passé en deux secondes. C’est une erreur à rattraper en deuxième lecture », a également précisé dans un tweet Bénédicte Peyrol, députée LREM.

Cédric Villani, député LREM et candidat à la mairie de Paris, a également expliqué que « c’est un devoir d’avoir une attitude claire et ferme face à ces enjeux écologiques majeurs ».

Les Amis de la Terre se sont également soulevés contre cette décision. Ils estiment que « les députés de la majorité, avec la complicité du gouvernement, viennent de céder au lobbying éhonté de Total et de faire un cadeau fiscal évalué entre 70 et 80 millions d’euros ». Ainsi, il s’agit d’une décision qui demeure surtout favorable pour le groupe pétrolier Total.

« D’autres solutions existent et ne sont pas responsables de désastres écologiques »

Bruno Millienne, député MoDem, qui avait soutenu la sortie de l’huile de palme parmi la liste des biocarburants, s’est montré « dégoûté ». Il souligne également que ce vote « n’est pas un amendement de groupe mais un amendement individuel« .

Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot et député chez Libertés et Territoires, « demande (également) une nouvelle délibération, un recul serait inacceptable ». « La déforestation importée est un fléau, il ne faut pas reculer. Une belle victoire pour Total qui peut sabrer le champagne (…). Honteux ! », s’est-il également indigné.

Anthony Cellier, député de la majorité, soutient cette idée. Celui-ci se dit « farouchement contre l’amendement revenant sur une avancée majeure de l’Assemblée nationale en 2018 ». De plus, Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, a expliqué que cette décision est « un coup de poignard fait au développement local des biocarburants ! D’autres solutions (que l’huile de palme) existent et ne sont pas responsables de désastres écologiques. »

Embarrassé par la polémique, le Premier ministre Édouard Philippe a finalement demandé, dans la journée de vendredi, une nouvelle délibération « constatant l’absence d’un débat suffisant sur un sujet aussi important« .

Vendredi 15 novembre au soir, suite au tollé suscité par ce vote, l’Assemblée nationale a fait marche arrière en maintenant l’exclusion de l’huile de palme de la liste des biocarburants qui bénéficient d’un avantage fiscal.

Une simple question de concurrence européenne pour la raffinerie de La Mède

Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, a expliqué cette décision, au Journal du Dimanche, à la fin du mois d’octobre dernier, en disant vouloir « juste être au même niveau de compétition que (leurs) concurrents européens qui, contrairement à (eux), bénéficient d’un avantage fiscal jusqu’en 2030″. Pourtant, « l’enjeu de Total, ce n’est pas l’huile de palme, puisque l’usine de La Mède peut fonctionner avec des huiles de colza ou de tournesol », a-t-il ajouté. Elle emploie près de 250 personnes et doit traiter jusqu’à 650 000 tonnes d’huiles et de graisses chaque année. Elle s’alimente également de 300 000 tonnes d’huile de palme.

Ce contexte de concurrence européen n’empêche pas les militants écologistes, tels que Greenpeace, de dénoncer « la déforestation massive » que suscite la production d’huile de palme. L’association dénonce également l’autorisation préfectorale délivrée à Total afin d’ouvrir cette raffinerie.


Par Cécile Breton, le

Source: Liberation

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