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Les États-Unis ont espionné 120 pays grâce à des outils de cryptage qu’ils leur avaient vendus

Quelle ironie, ces pays se sont fait espionner en voulant se protéger

— Gorodenkoff / Shutterstock.com

Les pays s’espionnent depuis des années, ce n’est pas nouveau. Mais souvent, certains gouvernement font preuve d’ingéniosité pour pouvoir accéder à certaines informations. Ils sont prêts à tout pour obtenir ces informations, jusqu’à créer des entreprises. Ce serait le cas de Crypto AG, une société de cryptage suisse qui était secrètement possédée par la CIA et aurait permis au gouvernement américain d’espionner 120 pays, pendant près de 50 ans.

Une société affiliée secrètement aux services de surveillance

Nous ne sommes pas dans un film d’espionnage avec James Bond, mais bien dans la réalité. La société Crypto AG a obtenu son premier contrat avec le gouvernement américain durant la Seconde Guerre mondiale. Elle devait construire des machines à coder aux troupes américaines. Depuis, la société de cryptage et de télécommunication suisse n’a cessé de s’accroître. Elle a vendu de nombreux appareils dans près de 120 pays : Inde, Mexique, Iran, Pakistan et même le Vatican.

Cependant, Crypto AG n’était pas qu’une simple société vendant des appareils de communication ou de cryptage. Dès les années 60, elle était secrètement affiliée à la NSA, à la CIA et au Bundesnachrichtendienst (BND), service de renseignement ouest-allemand. En effet, les appareils vendus par Crypto AG étaient trafiqués. Ainsi, les agents gouvernementaux américains et ouest-allemands pouvaient facilement craquer les codes et récupérer les informations souhaitées sur 120 pays.

Dans un reportage fait conjointement entre le Washington Post et ZDF (chaîne allemande), toute l’histoire de Crypto AG est retracée. De ses origines modestes à l’achat de parts actives par les agences américaine et allemande. Ce « coup du siècle » de la CIA, d’abord connu sous le nom de code « Thesaurus » puis « Rubicon », est sans aucun doute le plus intrépide de toute l’histoire. Non seulement les deux agences volaient des informations aux 120 pays, mais elles gagnaient en plus de l’argent. Bien entendu, les agences se répartissaient l’argent et pouvaient financer d’autres projets.

Une surveillance qui aura duré plus de 50 ans

Dès les années 60, la CIA et le BND avaient une mainmise quasi-totale sur Crypto AG. Pendant des décennies, les deux agences gouvernementales ont donc espionné d’autres pays via les appareils vendus par l’entreprise, récoltant ainsi des informations précieuses durant la Guerre Froide. Cependant, les deux grands adversaires des Etats-Unis à cette époque, l’URSS et la Chine, n’étaient pas clients de Crypto AG. Sans aucun doute que ces deux pays connaissaient bien les liens entre Crypto AG, la CIA et le BND. Dès les années 70, la CIA, la NSA et le BND contrôlaient Crypto AG sous presque tous ses aspects : embauche, technologie, objectif de vente, etc. D’ailleurs, des tensions seraient apparues entre les agences faisant presque annuler le programme.

Machine à chiffre © C-36 / Wikipédia

Ainsi, les agences américaine et ouest-allemande auraient fourni des informations à d’autres pays. Comme pendant la guerre des Malouines, où des informations auraient été transmises à la Grande-Bretagne sur l’armée argentine. Elles auraient suivi la crise des otages américains de 1979 en Iran, qui a duré 444 jours, surpris les conversations des Libyens qui ont bombardé la disclothèque de Berlin-Ouest en 1986, ou encore écouté des campagnes d’assassinat sur des dictateurs d’Amérique du Sud.

Un projet secret qui faisait déjà des vagues

Le projet a bien failli fermer : une correspondance entre le fondateur de Crypto AG et un membre haut placé de la NSA a été diffusée, Ronald Reagan lui-même a imprudemment révélé le projet. Puis en 1992, un employé de Crypto AG a été arrêté en Iran, il s’était rendu compte qu’il vendait du matériel trafiqué. Le BND a alors quitté le projet, le jugeant certainement trop dangereux. La CIA a donc repris ses « parts » et a continué d’espionner les autres pays, jusqu’en 2018, lorsque l’agence américaine a vendu ses actifs de la société. Entraînant de ce fait le poids de la société sur le marché mondial. De plus, le cryptage en ligne se faisait de plus en plus récurrent.

Une société qui n’existe plus, mais des liens toujours réels ?

Aujourd’hui, des documents ont été révélés montrant l’implication de la CIA et du BND dans l’espionnage à travers Crypto AG. Bien que les responsables des deux agences n’aient pas souhaité commenter la véracité de cette implication, selon un compte-rendu de la CIA datant de 2004 et des témoignages oraux d’anciens responsables du BDN de 2008, les Etats-Unis et l’Allemagne de l’Ouest se sont bien servis de Crypto AG. Depuis, la société a été revendue par des actionnaires dont l’identité est protégée, et ni l’Allemagne ni les Etats-Unis ne possèdent de parts. Mais, durant toutes ces années, la société a réussi à générer un chiffre d’affaires estimé à 70 millions de dollars.

En 2018, deux sociétés ont racheté les actifs de Crypto AG. La première, CryOne, vend des systèmes de sécurité exclusivement en Suisse, et la seconde, Crypto International, a repris les mêmes activités que Crypto AG. Toutes deux affirment qu’il n’existe plus aucun lien entre leurs activités commerciales et un quelconque service de renseignement. Cependant, le gouvernement suisse va ouvrir une enquête sur les liens entre la société Crypto AG, la CIA et le BND.

Par Manon Fraschini, le

Source: Washington Post

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  • C’est vrai que c’est ironique de se faire espionner en cherchant à se protéger. Les Etats-unis espionnent le monde entier depuis des années et le principe est toujours de fournir des technologies nouvelles pour le faire. C’est d’ailleurs surement ce que fera la chine avec la 5G.

    • Cela reste à prouver,et revanche si les states on peur d’être espionné par lachine via leur portable Huawei, certainement qu’eux,ils le font déjà avec Apple.