Pour la première fois, une équipe de chercheurs américains a mis en évidence le rôle clef d’une protéine multitâche dans la formation des redoutables crocs en cuivre des vers américains.
Des créatures marines à l’aspect cauchemardesque
Possédant une peau translucide laissant apparaître leurs fluides corporels rouges et capables de s’enfouir profondément dans les sédiments des fonds marins, les représentants de l’espèce Glycera dibranchiata sont principalement connus pour leur redoutable mâchoire constituée de protéines, de mélanine et de cuivre. Une caractéristique que l’on ne trouve nulle part ailleurs au sein du règne animal.
Ces créatures agressives mesurant 35 centimètres de long se nourrissent à l’aide de leur proboscis, organe de succion tubulaire et extensible pourvu de quatre crocs sombres. Ne se formant qu’une seule fois au cours des cinq années de vie des vers américains, ces structures pointues particulièrement robustes peuvent percer les exosquelettes de différents organismes marins et également libérer un puissant venin paralysant.
Dans le cadre de travaux publiés dans la revue Matter, Herbert Waite et ses collègues de l’université de Californie ont observé pour la première fois le processus chimique de formation des mâchoires dans son intégralité, impliquant une molécule biologique versatile jusqu’alors inconnue. Riche en acides aminés d’histidine et de glycine, celle-ci remplit six fonctions distinctes essentielles à la formation et au maintien des crocs de Glycera dibranchiata, dont elle constitue la principale protéine structurelle.
Un processus entièrement autonome
Cette protéine multitâche mobilise des ions de cuivre (Cu2+) pour former un complexe, puis se concentre en un liquide visqueux à forte teneur en cuivre et à séparation de phase de l’eau (pensez à la façon dont l’huile et l’eau ne se mélangent pas). Elle utilise ensuite le cuivre pour catalyser la conversion du dérivé d’acide aminé dihydroxyphénylalanine en mélanine, un polymère qui, associé à la protéine, confère à la mâchoire des propriétés mécaniques semblables à celles des métaux manufacturés.
« Nous ne nous attendions pas à ce qu’une protéine à la composition aussi simple, faite principalement de glycine et d’histidine, puisse remplir autant de fonctions et d’activités sans rapport entre elles », souligne Waite. « Ce processus permet au ver de synthétiser facilement et de façon entièrement autonome un matériau qui, s’il était créé en laboratoire, nécessiterait l’utilisation de nombreux appareils, solvants et températures différents. »
Selon l’équipe, une étude approfondie des différents mécanismes impliqués pourrait contribuer à rationaliser certains aspects de la production industrielle de matériaux, et à en concevoir de plus performants.
Par Yann Contegat, le
Source: Cosmos Magazine
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