Depuis plus d’un siècle, les paléontologues ont été intrigués par une mystérieuse créature en forme de taco découverte dans les schistes de Burgess, un site fossilifère canadien. Aujourd’hui, une étude récente, publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences, a enfin résolu le mystère entourant Odaraia alata.
Une créature au mystère profond
Odaraia alata, une créature d’environ 20 centimètres de long, a été décrite pour la première fois en 1912 grâce à des fossiles découverts dans les schistes de Burgess, un site célèbre situé dans les Rocheuses canadiennes. Ce gisement, datant d’environ 508 millions d’années, est réputé pour la diversité de ses fossiles provenant de la période cambrienne, une époque de grande diversification animale.
À sa découverte, Odaraia était immédiatement reconnu comme un arthropode, un groupe d’animaux invertébrés avec des membres articulés et un exosquelette, comprenant les insectes, les araignées et les crustacés. Cependant, sa classification précise restait un mystère.
Selon Alejandro Izquierdo-López, auteur principal de l’étude et membre du Musée royal de l’Ontario (ROM) et de l’université de Toronto au Canada, les premières hypothèses l’identifiaient comme une sorte de crevette, mais cette idée fut rapidement remise en question en raison de preuves anatomiques insuffisantes. Certains chercheurs, au fil des décennies, ont même proposé qu’il pourrait appartenir à une lignée totalement différente et éteinte.
Révélation d’une ancienne lignée
La récente étude a enfin résolu ce mystère. L’équipe de recherche, dirigée par Alejandro Izquierdo-López, a révélé qu’Odaraia est un membre du groupe des Mandibulés. Ce groupe inclut des animaux modernes comme les mille-pattes, les mouches et les crabes, tous dotés de mandibules, des appendices utilisés pour mâcher ou broyer la nourriture.
Les études antérieures ont permis d’établir que les mandibules sont apparues dans les eaux peu profondes il y a plus de 500 millions d’années. Mais lors de leurs dernières recherches, les scientifiques ont trouvé des mandibules exceptionnellement bien conservées parmi les fossiles étudiés. Plus de 150 spécimens fossiles des schistes de Burgess, conservés au ROM et acquis au cours des années 1970 et 2000, ont été examinés pour cette étude.
Selon Mme Izquierdo-López, les mandibules bien conservées fournissent des détails que nous n’avions jamais vus auparavant, tels que le nombre total et la forme des dents. Odaraia appartient indubitablement au groupe des animaux mandibulés en raison de ses mandibules, qui constituent l’une de ses principales caractéristiques. En fait, les scientifiques pensent que cet animal pourrait être l’un des premiers membres connus du groupe des Mandibulés.
Découvertes sur le mode de vie
Une autre découverte importante concerne le mode de nutrition d’Odaraia. Derek Briggs avait déjà émis l’hypothèse qu’Odaraia devait capturer des animaux d’une manière ou d’une autre lorsqu’il a été décrit pour la première fois en 1981, mais il ne savait pas exactement comment. Les épines trouvées sur ses pattes suggèrent qu’il utilisait un mécanisme semblable à un « filet de pêche » pour capturer ses proies.
Odaraia se distingue par sa carapace en forme de taco, qui recouvre presque toute la longueur de son corps, y compris ses pattes. Sa queue, constituée d’une nageoire dorsale et de deux nageoires latérales, est unique parmi les Mandibulés. Même si Odaraia a une queue qui ressemble à celle d’un poisson, il est évident qu’elle n’en est pas un.
Une telle queue n’est propre ni à la famille Odaraia, ni à aucun de ses descendants évolutifs. Selon Mme Izquierdo-López, pour une raison ou une autre, cette invention n’a pas fait son chemin parmi les Mandibulés. Par ailleurs, cette étrange créature marine évolue dans l’obscurité depuis 300 millions d’années.