Récemment, des chercheurs du musée national Zayed ont fait une découverte surprenante sur une page du Coran bleu, un manuscrit coranique extrêmement précieux et emblématique. Grâce à l’utilisation de technologies de pointe telles que l’imagerie multispectrale, une équipe a pu révéler un texte ancien, jusque-là dissimulé sous une couche complexe de feuilles d’or. Cette découverte jette une nouvelle lumière sur la production de ce manuscrit unique.
Le Coran bleu
Le Coran bleu est un exemple exceptionnel de la calligraphie et de la décoration islamique, dont l’histoire remonte à environ 1 200 ans. Bien que les origines précises du manuscrit restent débattues, il est souvent attribué à l’Iran du IXe siècle, à la Tunisie ou à d’autres régions de l’Empire islamique, telles que l’Espagne omeyyade ou l’Irak abbasside. Ses pages d’un bleu profond ou indigo sont décorées de motifs complexes et de calligraphie en or, une caractéristique qui le distingue des autres Coran de l’époque. Cette esthétique particulière aurait été inspirée par les manuscrits byzantins, qui utilisaient des teintures violettes et des dorures pour orner leurs textes sacrés.
La structure du Coran bleu, composée à l’origine de 600 feuillets en peau de mouton, est en elle-même un témoignage de l’artisanat minutieux de l’époque. Les pages ont été soigneusement préparées, teintes à l’indigo, puis recouvertes de motifs décoratifs en or. Le style d’écriture utilisé, la calligraphie coufique, est l’un des plus anciens et des plus prestigieux de la tradition islamique. Il est particulièrement difficile à lire en raison de la simplification des formes des lettres, qui ont été adaptées pour obtenir des lignes uniformes.
Si le manuscrit est bien connu des chercheurs depuis le début du XXe siècle, c’est dans les années 1970 qu’il a suscité un intérêt croissant au niveau international, après sa présentation dans plusieurs grandes expositions telles que Arts of Islam à Londres. Ces expositions ont permis de mieux comprendre l’importance de ce Coran dans le contexte de l’histoire de l’Islam et de la calligraphie. Cependant, malgré cette attention, une partie du mystère autour de sa production et de ses origines persistait.
Le texte caché
C’est grâce à l’imagerie multispectrale, une technologie qui permet de visualiser des détails invisibles à l’œil nu, que l’équipe du musée national Zayed a pu révéler un texte enfoui sous une couche d’or. Cette technique, qui capte différentes longueurs d’onde de lumière, permet de percevoir des éléments effacés ou recouverts au fil du temps. Dans le cas du Coran bleu, l’imagerie a permis de dévoiler une section cachée du texte, des versets de la sourate al-Nisa.
La sourate al-Nisa, dont les versets ont été retrouvés sous l’ornementation, est d’une importance capitale dans le Coran. Elle traite de questions relatives aux droits des femmes, à la protection des orphelins, aux règles du mariage et de l’héritage, et à la justice. Ces thèmes, qui faisaient écho à des préoccupations sociales profondes à l’époque, ont probablement conduit à leur mise en valeur dans ce manuscrit.
La présence de ce texte dissimulé soulève des questions sur le processus de fabrication du manuscrit. Pourquoi avoir recouvert des versets avec de l’or et des motifs décoratifs ? Selon les chercheurs, cela pourrait être dû à une erreur du calligraphe, qui aurait écrit un passage incorrectement. Étant donné le coût élevé de la fabrication de tels manuscrits, il était probablement plus économique de recouvrir le texte erroné d’or décoratif plutôt que de recommencer sur une nouvelle feuille de peau de mouton. Une telle pratique est rare dans la production des manuscrits islamiques anciens et n’avait encore jamais été observée pour le Coran bleu.
Une fenêtre sur l’héritage culturel Islamique
Actuellement, seules une centaine de pages de ce manuscrit existent, dispersées dans des collections privées et muséales à travers le monde, dont cinq qui seront exposées au musée national Zayed. L’imagerie multispectrale a permis de révéler des détails invisibles à l’œil nu, comme le texte caché sous la couche de feuilles d’or. Cette méthode permet de dévoiler des images et des écritures qui se sont estompées au fil du temps.
May Al Mansouri, conservatrice associée au musée national Zayed, a expliqué que ces recherches offrent un nouvel éclairage sur l’origine et la production de ce manuscrit unique, soulignant également l’importance du musée dans la vie culturelle et académique des Émirats et au-delà.
Nurul Iman Bint Rusli, une autre conservatrice du musée, a ajouté que la technologie avancée utilisée pour examiner ce manuscrit rare permet d’ouvrir de nouvelles perspectives sur sa production. La page révélée sera exposée dans la galerie « Through Connections » du musée national Zayed, qui met en valeur les échanges culturels, les avancées technologiques, et l’évolution de l’islam et de la langue arabe dans la région. Par ailleurs, voici 10 mosquées parmi les plus éblouissantes du monde.